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Un juge peut faire de la garde d’un enfant une obligation du sursis probatoire

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Le sursis probatoire peut être assorti de diverses obligations permettant d’individualiser la sanction pénale.

Ces obligations sont énumérées à l’article 132-45 du code pénal, lequel dispose en son 17°, s’agissant des enfants du condamné, que ce dernier peut se voir contraint de :

« Remettre ses enfants entre les mains de ceux auxquels la garde a été confiée par décision de justice »

Dans un arrêt du 23 mars 2022, la Chambre criminelle de Cour de cassation a interprété largement cette obligation en jugeant qu’une personne condamnée pour non-représentation d’enfant (le père disposait d’un droit de visite en lieu neutre au titre d’une ordonnance de non-conciliation ayant précédé le prononcé du divorce), pouvait se voir imposer, au titre du sursis probatoire, la remise de l’enfant entre les mains de son père. En d’autres termes, pour la Cour de cassation, la notion de garde de l’enfant s’étend à celle de droit de visite :

« 7. Après avoir reconnu la prévenue coupable de non-représentation d’enfant, l’arrêt attaqué l’a condamnée à quatre mois d’emprisonnement, peine assortie d’un sursis probatoire pendant deux ans, en lui imposant, sur le fondement de l’article 132-45,17°, du code pénal, l’obligation particulière de remettre l’enfant entre les mains de son père, auquel la garde a été confiée par décision de justice.

 8. En prononçant ainsi, la cour d’appel a fait l’exacte application du texte précité.

9. En effet, les décisions statuant sur le droit de visite et d’hébergement de l’un des parents entrent dans les prévisions de l’article 132-45, 17°, précité.»

Pour consulter l’arrêt : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 23 mars 2022, 21-80.885, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

 

 

Partie civile en matière terroriste : nouvelle appréciation du caractère personnel et direct du dommage

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L’alinéa 1er de l’article 2 du code de procédure pénale dispose que « L’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. ».

Il en ressort que, pour que l’action civile soit déclarée recevable, le dommage subi par la victime doit être à la fois personnel et direct.

En matière de terrorisme, la Chambre criminelle de la Cour de cassation vient d’élargir sensiblement la notion de partie civile et, partant, celle de victime, en procédant à une nouvelle interprétation des conditions de recevabilité tenant au lien entre l’infraction pénal et le dommage ; c’est-à-dire du principe selon lequel :

« pour qu’une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d’instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent au juge d’admettre comme possibles l’existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale. »

C’est ainsi que dans deux affaires concernant l’attentat de Nice du 14 juillet 2016, la Cour de cassation a reconnu la qualité de partie civile :

  • d’abord, à une femme s’étant blessée en fuyant les lieux de l’attentat après avoir entendu des cris et des tirs d’armes à feu (Cass. Crim, 15 février 2022, n° 21-80.265) ;

 

  • ensuite, à un homme ayant subi un dommage alors qu’il essayait d’arrêter le conducteur du camion fonçant sur la foule (Cass. Crim, 15 février 2022, n° 21-80.264).

Il en a été de même dans une affaire ayant pour fond l’attentat commis à la gare de Marseille le 1er octobre 2017 et dans laquelle une personne a tenté de maîtriser le terroriste (Cass. Crim., 15 février 2022, n° 21-80.670).

Cette appréciation plus souple du lien direct entre le préjudice subi et l’infraction est à saluer. Il ne pouvait plus durablement être jugé qu’une personne ayant risqué sa vie pour interrompre un acte terroriste ne puisse se constituer partie civile et obtenir réparation du dommage qu’elle a subie en risquant sa vie pour celles des autres.

Il demeure, cependant, que cet élargissement est limité aux victimes dont le lien entre le dommage et l’attentat terroriste est suffisamment direct (Cass. Crim, 15 février 2022, n° 19-82.651).

Tel n’est pas le cas, affirme la Cour de cassation, pour le syndicat de copropriétaires, les propriétaires et les locataires ou encore la commune de Saint-Denis s’agissant du lien entre les dommages matériels causés, par l’assaut des forces de l’ordre, à l’immeuble où se trouvaient des terroristes ayant participé à l’attentat du 13 novembre 2015 à Paris et à Saint-Denis, et l’infraction de recel de malfaiteurs :

« 27. Pour déclarer recevables les constitutions de partie civile des personnes ayant souffert des dommages matériels portés aux immeubles lors de l’assaut des forces de l’ordre, ainsi que celles de la commune de [Localité 2] et du syndicat des copropriétaires, personnes morales, l’arrêt énonce que les tirs des terroristes et le déclenchement, par ceux-ci, de ceintures explosives, ont entraîné une riposte des forces de l’ordre, ces faits ayant causé, au groupe d’immeubles du [Adresse 1], des dégradations dont la gravité a justifié un arrêté de péril.

 28. Les juges ajoutent que l’assaut des forces de l’ordre a traumatisé les occupants des lieux et leurs voisins.

29. Ils retiennent encore que, de même, le syndicat des copropriétaires et les propriétaires ont subi un préjudice matériel, tandis que la commune de [Localité 2] a exposé des frais pour prendre en charge les occupants de l’immeuble chassés de chez eux, et subi un préjudice d’image.

30. En prononçant ainsi, alors que le préjudice de ces parties civiles ne résultait pas directement de l’infraction de recel de malfaiteurs, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé. »

 

Pour consulter les décisions :

Une nouvelle loi pour renforcer la protection des enfants

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Loi n°2022-140 du 7 février 2022

Sujet sensible, la protection de l’enfance connaît une nouvelle loi (loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants) dont les objectifs sont, notamment :

  • d’améliorer « le quotidien des enfants protégés» (Titre 1er) ;
  • de « mieux protéger les enfants contre les violences» (Titre 2) ;
  • d’améliorer « les garanties procédurales en matière d’assistance éducative» (Titre 3) ;
  • d’améliorer « l’exercice du métier d’assistant familial» (Titre 4) ;
  • de « renforcer la politique de protection maternelle et infantile» (Titre 5) ;
  • de « mieux piloter la politique de protection de l’enfance» (Titre 6) ;
  • de « mieux protéger les mineurs non accompagnés» (Titre 7) ;

 

Certaines mesures constituent un progrès notable et sont de nature à garantir une meilleure protection de l’enfant. Parmi celles-ci, on peut citer :

  • l’évaluation, sauf urgence, du membre de la famille ou du tiers de confiance avant que le juge ne puisse confier un enfant (nouvel rédaction de l’article 375-3 du code civil) ;

 

  • un nouveau chapitre IX au sein du titre I du livre 1er du code de l’action sociale et des familles dédié à la « maltraitance» dont la définition figure désormais à l’article L.119-1 dudit code ; la prévention et la lutte contre la maltraitance devant notamment faire l’objet, au sein des établissements d’accueil des mineurs, d’un projet précisant leur politique en la matière et indiquant l’autorité extérieure à laquelle les personnes accueillies peuvent s’adresser en cas de difficulté et qui est autorisée à visiter l’établissement à tout moment ;

 

  • la proposition systématique d’un mentor à l’enfant protégé désormais prévue par le nouvel article L.221-2-6 du code de l’action sociale et des familles, lequel dispose qu’« il est systématiquement proposé à l’enfant pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance de bénéficier d’un mentor. Le mentorat désigne une relation interpersonnelle d’accompagnement et de soutien basée sur l’apprentissage mutuel. Son objectif est de favoriser l’autonomie et le développement de l’enfant accompagné en établissant des objectifs qui évoluent et s’adaptent en fonction de ses besoins spécifiques. Le recours au mentorat doit être proposé à l’entrée au collège.» ;

 

  • la médiation familiale qui peut être proposée aux parents(article 375-4-1 du code civil) « Lorsque le juge des enfants ordonne une mesure d’assistance éducative en application des articles 375-2 à 375-4 » du code civil.

 

Pour consulter la loi : LOI n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants (1) – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

Jurisprudence pénale : Cas de nullité d’une perquisition, Recours relatifs à la restitution d’objets placés sous main de justice, Exécution sur le territoire français d’une peine privative de liberté

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Sommaire :

  1. Cas de nullité de perquisitions dans le cadre d’une enquête préliminaire : Cass. Crim., 7 décembre 2021, n° 20-82.733
  2. Recours relatifs à la restitution d’objets placés sous main de justice : Incompétence du Président de la Chambre de l’Instruction pour statuer seul sur un appel dirigé contre une décision d’aliénation d’un bien saisi : Cass. Crim., 15 décembre 2021, n° 21-80.411
  3. Exécution sur le territoire français d’une peine privative de liberté : Inconstitutionnalité du second alinéa de l’article 728-48 et du deuxième alinéa de l’article 728-52 du code de procédure pénale : Cons. Const., 7 janvier 2022, n° 2021-959 QPC

 

  1. Perquisitions dans le cadre d’une enquête préliminaire : Cass. Crim., 7 décembre 2021, n° 20-82.733

La Chambre criminelle de la Cour de cassation vient d’apporter une précision importante quant aux cas de nullité des perquisitions effectuées en enquête préliminaire : à la différence d’une enquête pour flagrance, les agents de police judiciaire peuvent procéder à une perquisition dès lors qu’ils agissent sous le contrôle de l’officier de police judiciaire :

« 8. L’article 75 du code de procédure pénale prévoit que les officiers de police judiciaire et, sous le contrôle de ceux-ci, les agents de police judiciaire procèdent à des enquêtes préliminaires soit d’office, soit sur les instructions du procureur de la République.

  1. Il se déduit de ce texte et de l’article 76 du même code que les agents de police judiciaire peuvent, en enquête préliminaire, et au contraire de l’enquête de flagrance, procéder à une perquisition dès lors qu’ils agissent sous le contrôle de l’officier de police judiciaire.
  2. L’existence de ce contrôle est établie par une mention expresse au procès-verbal de perquisition ou peut résulter, à défaut, d’une mention spécifique dans les pièces de procédure.»

La Cour précise par ailleurs que si l’absence de ce contrôle « est une condition de la régularité de la recherche de la preuve » et que « son absence relève des dispositions de l’article 802 du code de procédure pénale. », l’existence du grief exigé par ce texte « est établie lorsque l’irrégularité elle-même a occasionné au requérant un préjudice, qui ne peut résulter de sa seule mise en cause par l’acte critiqué (Crim., 7 septembre 2021, pourvoi n° 20-87.191, en cours de publication). »

Pour retrouver la décision : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 décembre 2021, 20-82.733, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

 

  1. Incompétence du Président de la Chambre de l’Instruction pour statuer seul sur un appel dirigé contre une décision d’aliénation d’un bien saisi : Cass. Crim., 15 décembre 2021, n° 21-80.411

Au visa de l’article 99-2 du code de procédure pénale, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que :

« 9. Selon ce texte, l’ordonnance par laquelle le juge d’instruction ordonne la remise d’un bien meuble placé sous main de justice à l’AGRASC en vue de son aliénation est notifiée au ministère public, aux parties intéressées et, s’ils sont connus, au propriétaire ainsi qu’aux tiers ayant des droits sur le bien, qui peuvent la déférer à la chambre de l’instruction dans les conditions prévues aux cinquième et sixième alinéas de l’article 99 du code de procédure pénale.

  1. Les dispositions des articles 99 et D. 43-5 du code de procédure pénale, prévoyant que le président de la chambre de l’instruction est compétent pour statuer seul, notamment, sur les recours relatifs à la restitution d’objets placés sous main de justice, sauf si l’auteur du recours a précisé qu’il saisit la chambre de l’instruction dans sa formation collégiale, ne concernent pas le recours formé contre l’ordonnance prévue par l’article 99-2 du même code.
  2. Le président de la chambre de l’instruction ne peut donc statuer seul sur l’appel de l’ordonnance par laquelle le juge d’instruction a ordonné la remise à l’AGRASC d’un bien meuble placé sous main de justice en vue de son aliénation. »

Pour retrouver la décision : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 décembre 2021, 21-80.411, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

 

  1. Inconstitutionnalité du second alinéa de l’article 728-48 et du deuxième alinéa de l’article 728-52 du code de procédure pénale : Cons. Const., 7 janvier 2022, n° 2021-959 QPC

En application du 3° de l’article 728-11 du code de procédure pénale, une demande de reconnaissance et d’exécution sur le territoire français d’une peine privative de liberté prononcée par une juridiction d’un autre Etat membre de l’Union européenne est conditionnée, dès lors que le demandeur est de nationalité étrangère, à l’obtention du consentement du Procureur de la République.

En cas de refus, le demandeur n’est pas recevable à contester cette décision devant la Chambre des appels correctionnels.

Dans le cadre d’une QPC, le Conseil constitutionnel a jugé que cette absence de voie de recours est contraire à l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ; lequel dispose que  « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». La non-conformité totale des articles contestés du code de procédure pénale se comprend dès lors qu’ « Il résulte de cette disposition qu’il ne doit pas être porté d’atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction. »

Pour retrouver la décision : Décision n° 2021-959 QPC du 7 janvier 2022 | Conseil constitutionnel (conseil-constitutionnel.fr)

La communication d’un code de téléphone portable au cours d’une garde à vue. Quelle sanction pénale en cas de refus ?

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Code d’un téléphone portable et garde à vue : déchiffrement de la solution rendue par la Cour de cassation

Une personne en garde à vue s’expose-t-elle à une sanction pénale si elle refuse de communiquer, au cours de son audition, le code de son téléphone portable ?

A cette question, a priori simple, la Cour de cassation a apporté une réponse quelque peu cryptique ou, à tout le moins, qui mérite d’être décodée.

  1. Le « Oui, mais » de la Chambre criminelle de la Cour de cassation

Aux termes de l’article 434-15-2 du code pénal :

« Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 270 000 € d’amende le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en œuvre, sur les réquisitions de ces autorités délivrées en application des titres II et III du livre Ier du code de procédure pénale.

Si le refus est opposé alors que la remise ou la mise en œuvre de la convention aurait permis d’éviter la commission d’un crime ou d’un délit ou d’en limiter les effets, la peine est portée à cinq ans d’emprisonnement et à 450 000 € d’amende. »

Pour déterminer si le refus de communiquer son code de téléphone portable à un officier de police judiciaire (OPJ) était susceptible de constituer une entrave à l’exercice de la justice et, partant, était passible des sanctions prévues par l’article 434-15-2 du code pénal, la Cour de cassation a procédé, dans un arrêt du 13 octobre 2020 (Cass. Crim., 13 octobre 2020, n° 20-80.150), au contrôle des deux conditions posées par ce texte :

  • En premier lieu, la Chambre criminelle précise qu’une « simple demande formulée au cours d’une audition, sans avertissement que le refus d’y déférer est susceptible de constituer une infraction pénale, ne constitue pas une réquisition au sens de» l’article 434-15-2 précité dont les dispositions ont été jugées conformes à la Constitution dans une décision du Conseil constitutionnel du 30 mars 2018 (n° 2018-696 QPC).

En d’autres termes, si une telle réquisition peut être délivrée par un officier de police judiciaire « agissant en vertu des articles 60-1, 77-1-1 et 99-3 du code de procédure pénale », il ne suffit pas que ledit officier sollicite la communication du code du téléphone pour que cette demande constitue la réquisition exigée par les textes.

  • En second lieu, alors que la Cour d’appel de Paris avait jugé dans l’arrêt objet du pourvoi qu’ « un code de déverrouillage d’un téléphone portable d’usage courant, qui ouvre l’accès aux données qui y sont contenues, ne constitue pas une convention secrète d’un moyen de cryptologie, en ce qu’il ne permet pas de déchiffrer des données ou messages cryptés», la Chambre criminelle a prononcé la cassation en tant que la Cour d’appel s’est référée « à la notion inopérante de téléphone d’usage courant ».

Le raisonnement de la Cour de cassation mérite d’être exposé dans son ensemble pour comprendre quelles sont les caractéristiques d’une convention secrète de cryptologie, laquelle peut prendre la forme d’un code de déverrouillage d’un téléphone portable lorsque « ledit téléphone est équipé d’un moyen de cryptologie » :

« Vu les articles 434-15-2 du code pénal, 29 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, L.871-1 et R. 871-3 du code de la sécurité intérieure :

 12. Selon le premier de ces textes, toute personne ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, est tenue de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en œuvre, sur les réquisitions de ces autorités délivrées en application des titres II et III du livre Ier du code de procédure pénale.

 13. Il résulte de la combinaison des autres textes que la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie contribue à la mise au clair des données qui ont été préalablement transformées, par tout matériel ou logiciel, dans le but de garantir la sécurité de leur stockage, et d’assurer ainsi notamment leur confidentialité. Le code de déverrouillage d’un téléphone portable peut constituer une telle convention lorsque ledit téléphone est équipé d’un moyen de cryptologie.

 14. L’existence d’un tel moyen peut se déduire des caractéristiques de l’appareil ou des logiciels qui l’équipent ainsi que par les résultats d’exploitation des téléphones au moyen d’outils techniques, utilisés notamment par les personnes qualifiées requises ou experts désignés à cette fin, portés, le cas échéant, à la connaissance de la personne concernée.»

Aussi, l’on comprend qu’un code de déverrouillage de téléphone portable ne s’analyse pas systématiquement en une « convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie » au sens de l’article 434-15-2 du code pénal.

Toutefois, dans la mesure où la Cour de cassation précise que « L’existence d’un tel moyen peut se déduire des caractéristiques de l’appareil ou des logiciels qui l’équipent », il est raisonnable de penser que la très grande majorité des « smartphones » présente les caractéristiques exposées par la Haute juridiction (application de messagerie sécurisée…) et que le refus de déférer à une réquisition d’un officier de police judiciaire, lors d’une audition, est susceptible de caractériser une infraction pénale.

 

  1. La seule communication du code d’un téléphone portable ne relevant pas du régime de l’audition, la présence de l’avocat n’est pas obligatoire alors que l’exploitation dudit téléphone est assimilable à une perquisition

Plus récemment encore (Cass. Crim., 12 janvier 2021, n° 20-84.045), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé qu’une personne mise en garde à vue dans le cadre d’une information judiciaire, et ayant sollicité l’assistance d’un avocat, n’est pas nécessairement protégée par le régime juridique de l’audition, lorsqu’elle communique à l’officier de police judiciaire en ayant formulé la demande, le code d’accès à son téléphone et que les données qui y sont contenues sont exploitées par l’OPJ.

On sait que l’assistance du gardé à vue par un avocat est un droit consacré à l’article 6§3 c) de la Convention européenne des droits de l’homme sur lequel la Cour de Strasbourg a eu maintes fois à se prononcer (CEDH, 27 novembre 2008, Salduz c. Turquie (requête n° 36391/02).

Alors qu’avait été demandé à la Chambre de l’instruction, au motif de l’absence de l’avocat, de prononcer la nullité du procès-verbal d’exploitation du téléphone, la Chambre criminelle considère que c’est à bon droit qu’elle a écarté le moyen de nullité en énonçant que :

«  le procès-verbal d’exploitation du téléphone de l’intéressée n’a pas le caractère d’une audition dès lors que celle-ci n’a fait aucune déclaration et qu’aucune question sur les faits pour lesquels elle est placée en garde à vue ne lui a été posée. »

La Chambre criminelle a donc jugé que le régime juridique de la garde à vue, tel qu’il est défini aux articles 63-3-1 et 63-4 du code de procédure pénale – lesquels permettent au gardé à vue de demander à être assisté par un avocat – , n’est pas applicable lorsque la personne en garde à vue n’est pas « entendue ».

Plus précisément, la Cour considère :

  • D’abord, qu’« aucune disposition légale ne prévoit la présence de l’avocat lors de l’exploitation d’un téléphone portable, assimilable à une perquisition.» ;
  • Ensuite, que « la communication à un officier de police judiciaire, sur sa sollicitation, d’une information permettant l’accès à un espace privé préalablement identifié, qu’il soit ou non dématérialisé, pour les besoins d’une perquisition, ne constitue pas une audition au sens de l’article 63-4-2 du code de procédure pénale.».

Le maintien de la solution retenue par la Cour de cassation aurait pu être discuté si un nouvel article 57-2 avait été intégré au code de procédure pénale par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire ; article qui prévoyait dans le projet de loi que :

« Même s’il n’est pas procédé à l’audition de la personne, l’officier de police judiciaire ou le magistrat qui procède à une perquisition ne peut s’opposer à la présence de l’avocat désigné par la personne chez qui il est perquisitionné si ce dernier se présente sur les lieux des opérations, y compris lorsque la perquisition a déjà débuté. »

Tel n’a pas été le choix du législateur.

  • Enfin, il convient de préciser que la Cour de cassation a estimé que l’arrêt de la Chambre de l’instruction n’encourait pas la cassation pour avoir jugé « qu’il n’est pas rapporté la preuve d’une atteinte au droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, dès lors que ce droit ne s’étend pas à l’usage de données que l’on peut obtenir de la personne en recourant à des pouvoirs coercitifs, mais qui existent indépendamment de la volonté du suspect».

S’il peut être discuté, selon la conception que chacun peut avoir des droits de la défense ou plus largement des droits et libertés fondamentales, le raisonnement de la Chambre criminelle n’étonne pas dans la mesure où la Chambre de l’instruction n’a fait qu’appliquer la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui, dans un arrêt Saunders c/ Royaume Uni (CEDH, 17 décembre 1996, n° 19187/91), tout en rappelant que le droit de ne pas s’incriminer soi-même est « au cœur de la notion de procès-équitable » consacré par l’article 6 de la Convention, a jugé que ledit :

« droit de ne pas s’incriminer soi-même concerne en premier lieu le respect de la détermination d’un accusé de garder le silence. Tel qu’il s’entend communément dans les systèmes juridiques des Parties contractantes à la Convention et ailleurs, il ne s’étend pas à l’usage, dans une procédure pénale, de données que l’on peut obtenir de l’accusé en recourant à des pouvoirs coercitifs mais qui existent indépendamment de la volonté du suspect, par exemple les documents recueillis en vertu d’un mandat (…) ».

On précisera également que la Chambre criminelle avait déjà jugé (Cass. Crim., 10 décembre 2019, 18-86.878) que :

« Attendu que pour écarter le moyen pris de l’inconventionnalité de l’article 434-15-2 du code pénal, l’arrêt énonce que l’atteinte au droit de se taire et au droit de ne pas s’auto-incriminer est constituée dès lors que les données ne peuvent exister indépendamment de la volonté du suspect, ce qui n’est pas le cas des données contenues dans les téléphones, qui peuvent être obtenues par des moyens techniques ;

Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors que le droit de ne pas s’incriminer soi-même ne s’étend pas aux données que l’on peut obtenir de la personne concernée en recourant à des pouvoirs coercitifs mais qui existent indépendamment de la volonté de l’intéressé, la cour d’appel n’a méconnu aucune des dispositions légales et conventionnelles visées au moyen ; »

 

Pour consulter les décisions :

 

Brèves droit pénal : irresponsabilité pénale; détention; mise en examen supplétive; CRPC et CJIP; jurisprudence pénale en bref

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Sommaire :

 

1. Nouvelles dispositions relatives à l’abolition temporaire du discernement : quid de l’irresponsabilité pénale après l’émotion de l’affaire Sarah Halimi ?

2. Permis de communiquer : un décret vient atténuer les difficultés nées de l’étonnante solution dégagée par la Chambre criminelle en matière de permis de communiquer.

3. Les conséquences de la cassation d’un arrêt de la chambre d’instruction ayant ordonné des mises en examen supplétives.

4. Fraude fiscale : Les Procureurs encouragés à recourir à la CRPC, la CJIP réservée aux dossiers à fort enjeu financier.

5. Jurisprudence pénale – en bref.

***

 1. Nouvelles dispositions relatives à l’abolition temporaire du discernement : quid de l’irresponsabilité pénale après l’émotion de l’affaire Sarah Halimi ?

 

Lorsque la Chambre criminelle de Cour de cassation confirma le 14 avril 2021 l’irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi, l’émotion fut grande et la classe politique s’empara de ce sujet sensible en promettant un texte législatif dans les plus brefs délais.

Par la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, le législateur avait l’intention de répondre à cette émotion en insérant des articles 122-1-1 et 122-1-2 ainsi rédigés :

« Art. 122-1-1.-Le premier alinéa de l’article 122-1 n’est pas applicable si l’abolition temporaire du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d’un crime ou d’un délit résulte de ce que, dans un temps très voisin de l’action, la personne a volontairement consommé des substances psychoactives dans le dessein de commettre l’infraction ou une infraction de même nature ou d’en faciliter la commission.

« Art. 122-1-2.-La diminution de peine prévue au second alinéa de l’article 122-1 n’est pas applicable en cas d’altération temporaire du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d’un crime ou d’un délit lorsque cette altération résulte d’une consommation volontaire, de façon illicite ou manifestement excessive, de substances psychoactives»

Ainsi, doit-on considérer que la problématique de l’irresponsabilité pénale des individus sous l’emprise de substances « psychoactives » est résolue par ces nouveaux articles ?

La pratique de ces textes le dira mais l’on peut raisonnablement en douter. En effet, si le principe l’irresponsabilité pénale posé à l’article L.122-1 du code pénal est atténué, force est de constater que les conditions requises pour une telle atténuation limitent grandement la portée de ces nouveaux articles.

Comment, en effet, apprécier la notion de « temps très voisin de l’action » ou le fait, pour un individu, d’avoir consommé « volontairement » une drogue « dans le dessein de commettre l’infraction ou une infraction de même nature ou d’en faciliter la commission » ?

Par conséquent, il est à parier que la démonstration d’un tel « dessein » sera difficile à faire et, en tous les cas, qu’elle sera systématiquement contestée par les personnes mises en cause.

 

Pour accéder à la loi : LOI n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (1) – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

 

 2. Permis de communiquer : un décret vient atténuer les difficultés nées de l’étonnante solution dégagée par la Chambre criminelle en matière de permis de communiquer

 

Dans une décision du 15 décembre 2021 (n° 21-85.670), la Chambre criminelle a restreint considérablement le champ des bénéficiaires des permis de communiquer délivré par les juges d’instructions sur demande de l’avocat d’une personne mise en examen.

En effet, aux termes de cette décision inattendue et étonnante, la Chambre criminelle a jugé, ainsi que le résume le site de la Cour de cassation, qu’ « Aucune disposition conventionnelle ou légale ne fait obligation au juge d’instruction de délivrer un permis de communiquer aux collaborateurs ou associés d’un avocat choisi, dès lors que ceux-ci n’ont pas été personnellement désignés par l’intéressé dans les formes prévues par l’article 115 du code de procédure pénale. Encourt dès lors la cassation l’arrêt de la chambre de l’instruction qui prononce la nullité d’une ordonnance de placement en détention provisoire rendue pas le juge des libertés et de la détention ayant refusé de délivrer des permis de communiquer à des collaborateurs et associés de deux avocats seuls nommément désignés par la personne mise en examen. »

Toutefois, conscient des grandes difficultés pratiques que cette décision allait engendrer, le gouvernement a très vite réagi en publiant un décret n° 2022-95 du 31 janvier 2022 relatif au permis de communiquer délivré à l’avocat d’une personne détenue, lequel insère un nouvel article au sein du code de procédure pénale qui permet d’indiquer le nom des collaborateurs ou associés de l’avocat de la personne mise en examen dans la demande de permis de communiquer et, naturellement, d’actualiser le permis initial :

« Art. D. 32-1-2.-La demande de permis de communiquer adressée au juge d’instruction par l’avocat désigné par la personne mise en examen détenue en application de l’article 115, y compris en application du dernier alinéa de cet article, ou par l’avocat commis d’office à sa demande en application de l’article 116, peut indiquer les noms des associés et collaborateurs pour lesquels la délivrance du permis est également sollicitée. Le permis de communiquer est alors établi au nom de ces différents avocats, y compris ceux qui n’ont pas été désignés par la personne mise en examen ou qui n’ont pas été commis d’office.

« L’avocat désigné ou commis d’office peut, en cours de procédure, demander un permis de communiquer actualisé en modifiant la liste des associés et collaborateurs concernés.

« Le permis de communiquer initial ou actualisé est mis à la disposition de l’avocat désigné ou commis d’office ou lui est adressé par tout moyen dans les meilleurs délais, sous réserve des nécessités du bon fonctionnement du cabinet d’instruction. Lorsque l’avocat est convoqué pour un interrogatoire ou un débat contradictoire, le permis est mis à sa disposition ou lui est envoyé au plus tard le premier jour ouvrable suivant la réception de la demande par le greffe du juge d’instruction. »

Pour accéder à l’arrêt de la Chambre criminelle : Décision – Pourvoi n°21-85.670 | Cour de cassation

Pour consulter le décret : Décret n° 2022-95 du 31 janvier 2022 relatif au permis de communiquer délivré à l’avocat d’une personne détenue – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

  

3. Les conséquences de la cassation d’un arrêt de la chambre d’instruction ayant ordonné des mises en examen supplétives

 

La Chambre criminelle (Cass. Crim., 4 janvier 2022, n° 21-81.279) est venue récemment préciser les conséquences de la cassation d’un arrêt aux termes duquel la chambre de l’instruction a infirmé une ordonnance de juges d’instruction ayant dit n’y avoir lieu aux réquisitions supplétives du Procureur de la République.

La Chambre criminelle a jugé que « La cassation remet la cause et les parties au même état où elles étaient avant la décision annulée. Elle postule l’annulation de tout ce qui a été la suite ou l’exécution des dispositions censurées. »

Aussi, la cassation d’un arrêt de la chambre de l’instruction « ayant ordonné la mise en examen supplétive des intéressés doit entraîner l’annulation, par voie de conséquence, de tout ce qui en a été la suite ou l’exécution, quand bien même les juges d’instruction conservaient la liberté, en application de l’article 116 du code de procédure pénale, de ne pas mettre les intéressés en examen. »

Pour lire l’arrêt : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 4 janvier 2022, 21-81.279, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

 

4. Fraude fiscale : Les Procureurs encouragés à recourir à la CRPC, la CJIP réservée aux dossiers à fort enjeu financier

 

Publiée le 8 octobre 2021 au Bulletin officiel du ministère de la justice, une circulaire du 4 octobre 2021 détaille les nouvelles instructions données aux procureurs en matière de lutte contre la fraude fiscale.

S’agissant de la mise en œuvre de l’action publique, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité immédiate (CRPC), définie aux articles 495-7 à 495-16 du code de procédure pénale, doit être un instrument privilégié par le parquet ; le ministre de la justice encourageant les procureurs à y recourir de la manière la plus large possible « tant dans les cas de fraude des personnes physiques que morales ».

Si se passer autant que possible d’une audience – pour une question de rapidité et d’efficacité – semble être le souhaite du ministre, le contradictoire n’est pas totalement oublié avec la mise en œuvre de la procédure prévue par l’article 77-2 du code de procédure pénale, lequel dispose en son I que :

« A tout moment de l’enquête préliminaire, le procureur de la République peut, lorsqu’il estime que cette décision ne risque pas de porter atteinte à l’efficacité des investigations, indiquer à la personne mise en cause, à la victime ou à leurs avocats qu’une copie de tout ou partie du dossier de la procédure est mise à la disposition de leurs avocats, ou à leur disposition si elles ne sont pas assistées par un avocat, et qu’elles ont la possibilité de formuler toutes observations qui leur paraîtraient utiles. 

 Ces observations peuvent notamment porter sur la régularité de la procédure, sur la qualification des faits pouvant être retenue, sur le caractère éventuellement insuffisant de l’enquête, sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes qui seraient nécessaires à la manifestation de la vérité et sur les modalités d’engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. »

A la lecture de la circulaire, cette procédure favoriserait le recours à la CRPC dans les cas où les faits sont initialement contestés :

« Pour les dossiers d’enquêtes préliminaires initialement contestés, une ouverture au contradictoire en application de l’article 77-2 du code de procédure pénale dans le cours de la procédure, accompagnée ou suivie d’une proposition de CRPC au conseil du mis en cause, pourra permettre de faciliter le recours à ce mode de poursuite. »

Pour ce qui concerne la Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), instaurée par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Loi Sapin II »), un tel dispositif devrait être réservé aux dossiers de fraude fiscale à fort enjeu financier.

Insistant sur le rôle renforcé qui devrait être celui du Parquet National Financier (PNF), la circulaire définit une liste de critères permettant de déterminer dans quels cas il serait pertinent de recourir à la CJIP, laquelle est applicable en matière de fraude fiscale et de blanchiment de fraude fiscale en application de l’article 41-1-2 du code de procédure pénale :

« L’opportunité de mettre en œuvre une CJIP pourra s’apprécier en fonction de plusieurs critères relatifs à la personne morale mise en cause :

                   – antécédents ;

                   – contexte de révélation des faits, et notamment le caractère volontaire de la révélation ;

                   – degré de coopération avec l’autorité judiciaire et avec l’administration fiscale dont la personne morale fait preuve. »

Pour consulter la circulaire : JUSD2129778C.pdf (justice.gouv.fr)

 

5. Jurisprudence pénale – en bref :

 

. Durée raisonnable de la détention provisoire :

Par un arrêt du 19 janvier 2022 (Cass. Crim., 19 janvier 2022, n° 21-86.277), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé que, pour apprécier le caractère raisonnable de la durée de la détention provisoire, la chambre de l’instruction n’a pas à prendre en considération « la durée de la privation de liberté subie à l’étranger ».

Pour consulter l’arrêt : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 19 janvier 2022, 21-86.277, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

 

. Précision sur l’effet dévolutif de l’appel devant la chambre de l’instruction :

Lorsqu’une personne mise en examen interjette appelle contre une ordonnance contre une ordonnance par laquelle le juge des libertés et de la détention a rejeté une demande de mise en liberté accompagnée d’une requête en mainlevée de l’isolement judiciaire, la chambre de l’instruction est compétente, par l’effet dévolutif de l’appel, pour se prononcer tant sur le rejet de la demande de mise en liberté que sur la mainlevée.

C’est ce qu’a rappelé la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. Crim., 4 janvier 2022, n° 21-85.869) au visa des articles 186 et R. 57-5-5, alinéa 2, du code de procédure pénale :

« 8. Il résulte du premier de ces articles que la personne mise en examen est recevable à interjeter appel de la décision du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.

9. Selon le second, le juge des libertés et de la détention, lorsqu’il statue sur la prolongation de la détention provisoire ou sur une demande de mise en liberté, peut mettre fin à l’isolement judiciaire de la personne détenue, d’office, sur réquisitions du procureur de la République ou à la demande de celle-ci.

10. Il s’ensuit que, dans ce cas, l’effet dévolutif de l’appel commande que la chambre de l’instruction puisse être saisie, par ce recours, en lieu et place du juge des libertés et de la détention, tant du contentieux de la détention provisoire que de celui du maintien à l’isolement, qui constitue une mesure d’exécution temporaire de cette détention accessoire à celle-ci.»

Pour lire la décision : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 4 janvier 2022, 21-85.869, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

 

Renforcement du secret de l’instruction et de la protection de la présomption d’innocence / Procès filmés : un retour des caméras en trompe-l’œil ?

By | Brèves juridiques

La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire renforce les sanctions en cas de violation du secret de l’enquête et l’instruction et crée une nouvelle procédure permettant aux personnes mises en cause de demander à un accès la procédure.

Un nouveau régime d’autorisation d’enregistrement sonore et visuel des procès en vue de leur diffusion est également créé.

 

  1. S’agissant des dispositions relatives au secret de l’enquête et de l’instruction et renforçant la protection de la présomption d’innocence, l’article 4 de la loi vient modifier l’article 434-7-2 du code pénal en aggravant les sanctions en cas de révélation d’informations.

Concrètement, l’auteur d’une violation du secret de l’enquête ou de l’instruction encourt désormais une peine de 3 ans d’emprisonnement et 45.000 euros (au lieu de 2 ans et 30.000 euros précédemment). Lorsque l’enquête ou l’instruction porte sur un crime ou un délit puni de 10 ans d’emprisonnement, la peine de prison passe de 5 à 7 ans et l’amende de 75.000 à 10.000 euros.

Observera-t-on une chute drastique des révélations dans la presse concernant des enquêtes ou des instructions en cours ?

Le bilan mériterait d’être fait pour déterminer l’efficacité de ces nouvelles dispositions.

 

  1. Venant renforcer les droits de la défense, l’article 2 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 complète l’article 77-2 du code de procédure pénale en y insérant un I créant un nouveau critère d’accès à la procédure dans le cadre d’une enquête préliminaire.

Celui-ci prévoit que la personne mise en cause peut demander au Procureur de la République de prendre connaissance du dossier de la procédure afin de formuler ses observations s’il a été porté atteinte à la présomption d’innocence de la personne par un moyen de communication au public.

Cette disposition n’est pas applicable lorsque les révélations émanent de la personne elle-même ou de son avocat, directement ou indirectement, ou que l’enquête porte sur des faits relevant de la criminalité et de la délinquance organisées ou de la compétence du Procureur de la République antiterroriste.

 

  1. Procès filmé : beaucoup de bruit pour pas grand-chose

Ce devait être une avancée majeure et faire entrer la France dans la modernité judiciaire. Si l’article 1er de la loi ici commentée vient modifier la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse en y créant un régime d’autorisation d’enregistrement sonore ou audiovisuel des audiences judiciaires et administratives en vue de leur diffusion fondée sur un motif d’intérêt public, d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique (nouvel article 38 quater), les conditions posées (qui seront précisées par un décret en Conseil d’Etat) pour que ladite autorisation soit donnée sont telles que l’on ne devrait pas constater une multiplication des procès filmés.

Le nouvel article 38 quater précise en effet que :

« La diffusion, intégrale ou partielle, de l’enregistrement n’est possible qu’après que l’affaire a été définitivement jugée. En cas de révision d’un procès en application de l’article 622 du code de procédure pénale, la diffusion de l’enregistrement peut être suspendue.

« La diffusion est réalisée dans des conditions ne portant atteinte ni à la sécurité, ni au respect de la vie privée des personnes enregistrées, ni au respect de la présomption d’innocence. Cette diffusion est accompagnée d’éléments de description de l’audience et d’explications pédagogiques et accessibles sur le fonctionnement de la justice.

« Sans préjudice de l’article 39 sexies de la présente loi, l’image et les autres éléments d’identification des personnes enregistrées ne peuvent être diffusés qu’avec leur consentement donné par écrit avant la tenue de l’audience. Les personnes enregistrées peuvent rétracter ce consentement dans un délai de quinze jours à compter de la fin de l’audience.

« L’image et les autres éléments d’identification des mineurs ou des majeurs bénéficiant d’une mesure de protection juridique ne peuvent, en aucun cas, être diffusés.

« Aucun élément d’identification des personnes enregistrées ne peut être diffusé cinq ans après la première diffusion de l’enregistrement ou dix ans après l’autorisation d’enregistrement.(…) »

En outre, mais cela se comprend fort bien, les modalités de l’enregistrement ne doivent porter atteinte ni au bon déroulement de la procédure ou des débats, ni au libre exercice de leurs droits par les parties et les personnes enregistrées.

Pour consulter la loi : LOI n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire (1) – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

Le Conseil constitutionnel met fin au cumul des poursuites pénales et des sanctions administratives pour des faits d’entrave à un contrôle ou une enquête diligentée par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF)

By | Brèves juridiques

Par une décision du 28 janvier 2022 (Cons. Const., 28 janvier 2022, n° 2021-965 QPC, Société Novaxia développement et autres), le Conseil constitutionnel a déclaré non conformes à la Constitution « les dispositions du f du paragraphe II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, qui permettent de poursuivre les refus opposés aux demandes des enquêteurs et contrôleurs de l’Autorité des marchés financiers ».

 

Pour rappel, le f du paragraphe II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier prévoit que l’Autorité des marchés financiers peut prononcer une sanction à l’encontre de : « Toute personne qui, dans le cadre d’une enquête ou d’un contrôle effectués en application du I de l’article L. 621-9, sur demande des enquêteurs ou des contrôleurs et sous réserve de la préservation d’un secret légalement protégé et opposable à l’Autorité des marchés financiers, refuse de donner accès à un document, quel qu’en soit le support, et d’en fournir une copie, refuse de communiquer des informations ou de répondre à une convocation, ou refuse de donner accès à des locaux professionnels ».

 

Les Sages de la rue de Montpensier ont jugé que ces dispositions méconnaissent le principe de nécessité des délits et des peines qui découlent de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 aux termes duquel : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».

 

Après avoir rappelé que le principe de nécessité des délits et des peines implique « qu’une même personne ne peut faire l’objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux. Si l’éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues. », le Conseil constitutionnel a jugé que « la répression administrative du manquement d’entrave aux enquêtes et contrôles de l’Autorité des marchés financiers prévue par les dispositions contestées du f du paragraphe II de l’article L. 621-15 et la répression pénale organisée par l’article L. 642-2 du code monétaire et financier tendent à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux. ».

 

En faisant, en quelque sorte, « doublon » avec l’article L.643-2 du code monétaire et financier, lequel prévoit qu’« Est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros le fait, pour toute personne, de mettre obstacle à une mission de contrôle ou d’enquête de l’Autorité des marchés financiers effectuée dans les conditions prévues aux articles L. 621-9 à L. 621-9-2 ou de lui communiquer des renseignements inexacts. », les dispositions du f du paragraphe II de l’article L.621-15 du même code sont contraires au principe de nécessité des délits et des peines.

 

Concernant l’application dans le temps de cette déclaration d’inconstitutionnalité, celle-ci « peut être invoquée dans les procédures en cours par la personne poursuivie en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution lorsqu’elle a préalablement fait l’objet de poursuites sur le fondement de l’article L. 642-2 du code monétaire et financier. ».

 

Pour lire la décision : Décision n° 2021-965 QPC du 28 janvier 2022 | Conseil constitutionnel (conseil-constitutionnel.fr)

 

La déclaration d’appel – Le nouveau pôle judiciaire dédié aux affaires non résolues

By | Brèves juridiques

1/ LA DECLARATION D’APPEL

 

La Cour de cassation crée la polémique sur les modalités d’une déclaration d’appel

 

On le sait, une déclaration d’appel est un acte de procédure sur lequel l’avocat doit porter une attention toute particulière pour garantir sa recevabilité.

 

Comme si cela n’était déjà pas assez complexe et contraignant, la Cour de cassation vient de rendre une décision (Cass. Civ 2ème, 13 janvier 2022, n° 20-17.516) qui va rendre encore plus délicat cet exercice procédural.

 

En effet, par l’arrêt précité, la Cour de cassation vient censurer la pratique consistant, pour l’avocat, à contourner la limite des 4.080 caractères disponibles sur le RPVA (la plateforme dématérialisée par laquelle les avocats et juridictions communiquent) en annexant un document énumérant les chefs de jugement attaqués.

 

L’Ordre des avocats au Barreau de Paris vient d’alerter ses membres sur la manière qu’il convient désormais d’adopter pour procéder à une déclaration d’appel, mais également pour celles déjà effectuées qu’il est nécessaire de régulariser.

 

« lorsque la motivation de la déclaration d’appel dépasse les 4 080 caractères, il faut préciser, dans l’encart des 4 080 caractères, qu’une annexe précisant les chefs de jugement critiqués est jointe à la déclaration d’appel du fait du dépassement des 4 080 caractères. En dessous des 4 080 caractères, la Cour n’est pas saisie des chefs de jugement qui y sont mentionnés.

 

Le CNB attire aussi l’attention des avocats sur le fait que la Cour de cassation ne reporte pas les effets dans le temps de son arrêt, qui est donc rétroactif.

 

Les avocats qui ont fait des déclarations d’appel de moins de 4 080 caractères accompagnées d’annexes sont invités à régulariser ces déclarations d’appel dans les 3 mois de l’appel initial par une nouvelle déclaration d’appel, via le RPVA, en mentionnant qu’il s’agit d’un acte de régularisation. Cette action devra être réalisée en indiquant le RG et en respectant les délais de la première déclaration d’appel pour tout ce qui est des délais « Magendie ». »

 

Pour lire la décision : Décision – Pourvoi n°20-17.516 | Cour de cassation

 

2/ LE NOUVEAU POLE JUDICIAIRE DEDIE AUX AFFAIRES NON RESOLUES

Un pôle judiciaire spécialisé dans les affaires criminelles non-élucidées verra le jour à Nanterre le 1er mars 2022

Prévu par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, le pôle judiciaire dédié aux affaires criminelles non-élucidées va voir le jour le 1er mars 2022, a annoncé ce 12 janvier 2022 le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Eric DUPOND-MORETTI (« Cold cases » : « Le nouveau pôle doit permettre à ces dossiers de rester judiciairement vivants », estime Eric Dupond-Moretti (20minutes.fr)).

Ce pôle spécialisé, composé de trois juges d’instruction (un premier vice-président et deux vice-présidents), d’un procureur-adjoint, de trois greffiers et deux juristes assistants, sera installé à Nanterre (Cour d’appel de Versailles).

Ne disposant pas d’une compétence exclusive, des affaires non élucidées après 18 mois pourront lui être confiées. A ce jour, le Gouvernement a en recensé 241 (173 crimes et 68 procédures de crimes en série).

L’objectif de ce pôle judiciaire est de permettre à des affaires non élucidées de trouver une certaine stabilité dans leur instruction et d’offrir une meilleure coordination entre les services ainsi que d’apporter une réponse aux victimes qui refusent de voir leur dossier disparaître lorsqu’il n’est plus sous le feu de l’actualité.

Le décret d’application doit être rapidement publié.