Brèves juridiques

Partie civile en matière terroriste : nouvelle appréciation du caractère personnel et direct du dommage

By 22 avril 2022 No Comments

L’alinéa 1er de l’article 2 du code de procédure pénale dispose que « L’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. ».

Il en ressort que, pour que l’action civile soit déclarée recevable, le dommage subi par la victime doit être à la fois personnel et direct.

En matière de terrorisme, la Chambre criminelle de la Cour de cassation vient d’élargir sensiblement la notion de partie civile et, partant, celle de victime, en procédant à une nouvelle interprétation des conditions de recevabilité tenant au lien entre l’infraction pénal et le dommage ; c’est-à-dire du principe selon lequel :

« pour qu’une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d’instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent au juge d’admettre comme possibles l’existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale. »

C’est ainsi que dans deux affaires concernant l’attentat de Nice du 14 juillet 2016, la Cour de cassation a reconnu la qualité de partie civile :

  • d’abord, à une femme s’étant blessée en fuyant les lieux de l’attentat après avoir entendu des cris et des tirs d’armes à feu (Cass. Crim, 15 février 2022, n° 21-80.265) ;

 

  • ensuite, à un homme ayant subi un dommage alors qu’il essayait d’arrêter le conducteur du camion fonçant sur la foule (Cass. Crim, 15 février 2022, n° 21-80.264).

Il en a été de même dans une affaire ayant pour fond l’attentat commis à la gare de Marseille le 1er octobre 2017 et dans laquelle une personne a tenté de maîtriser le terroriste (Cass. Crim., 15 février 2022, n° 21-80.670).

Cette appréciation plus souple du lien direct entre le préjudice subi et l’infraction est à saluer. Il ne pouvait plus durablement être jugé qu’une personne ayant risqué sa vie pour interrompre un acte terroriste ne puisse se constituer partie civile et obtenir réparation du dommage qu’elle a subie en risquant sa vie pour celles des autres.

Il demeure, cependant, que cet élargissement est limité aux victimes dont le lien entre le dommage et l’attentat terroriste est suffisamment direct (Cass. Crim, 15 février 2022, n° 19-82.651).

Tel n’est pas le cas, affirme la Cour de cassation, pour le syndicat de copropriétaires, les propriétaires et les locataires ou encore la commune de Saint-Denis s’agissant du lien entre les dommages matériels causés, par l’assaut des forces de l’ordre, à l’immeuble où se trouvaient des terroristes ayant participé à l’attentat du 13 novembre 2015 à Paris et à Saint-Denis, et l’infraction de recel de malfaiteurs :

« 27. Pour déclarer recevables les constitutions de partie civile des personnes ayant souffert des dommages matériels portés aux immeubles lors de l’assaut des forces de l’ordre, ainsi que celles de la commune de [Localité 2] et du syndicat des copropriétaires, personnes morales, l’arrêt énonce que les tirs des terroristes et le déclenchement, par ceux-ci, de ceintures explosives, ont entraîné une riposte des forces de l’ordre, ces faits ayant causé, au groupe d’immeubles du [Adresse 1], des dégradations dont la gravité a justifié un arrêté de péril.

 28. Les juges ajoutent que l’assaut des forces de l’ordre a traumatisé les occupants des lieux et leurs voisins.

29. Ils retiennent encore que, de même, le syndicat des copropriétaires et les propriétaires ont subi un préjudice matériel, tandis que la commune de [Localité 2] a exposé des frais pour prendre en charge les occupants de l’immeuble chassés de chez eux, et subi un préjudice d’image.

30. En prononçant ainsi, alors que le préjudice de ces parties civiles ne résultait pas directement de l’infraction de recel de malfaiteurs, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé. »

 

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