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Liberté d’expression : la CEDH précise les critères de protection des lanceurs d’alerte

By | Brèves juridiques

Tout est une histoire d’équilibre.

Depuis 2008, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a cherché à atteindre cet équilibre, celui entre la protection de la liberté d’expression des lanceurs d’alerte et l’éventuelle sanction en raison du préjudice causé à l’employeur du fait de la divulgation d’informations confidentielles, recueillies sur leur lieu de travail.

L’exercice peut s’avérer difficile dès lors que l’employé est tenu, dans le cadre de sa relation de travail, à un devoir de loyauté, de réserve et de discrétion.

Pour déterminer si une sanction du lanceur d’alerte a causé une ingérence disproportionnée dans l’exercice de son droit à la liberté d’expression, la Cour a défini 6 critères dans l’arrêt Guja c. Moldavie du 12 février 2018[1] :

  • l’existence ou non d’autres moyens pour procéder à la divulgation ;
  • l’intérêt public présenté par les informations divulguées ;
  • l’authenticité des informations divulguées ;
  • le préjudice causé à l’employeur ;
  • la bonne foi du lanceur d’alerte ;
  • la sévérité de la sanction.

La Cour s’étant toujours refusée à donner une définition précise du lanceur d’alerte, c’est à un examen concret de chaque situation qu’elle se livre pour dire s’il y a eu ou non violation de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Dans son arrêt de Grande Chambre du 14 février 2023[2], la Cour s’est prononcée sur le renvoi d’un arrêt de chambre du 11 mai 2021 qui avait conclu à une absence de violation de l’article 10 précité dans l’affaire dite « LuxLeaks », alors qu’un lanceur d’alerte avait été condamné en appel à 1.000 euros d’amende et au paiement d’un euro symbolique de dommages et intérêts, pour avoir divulgué « quatorze déclarations fiscales et deux courriers d’accompagnement » qui furent repris dans l’émission « Cash investigation » et « mis en ligne par une association regroupant des journalistes, dénommée « International Consortium of Investigative Journalists » (« ICIJ ») ».

Dans son arrêt de 2021, la Cour avait considéré que l’intérêt public de la divulgation n’était pas suffisant pour compenser le préjudice subi par l’employeur du lanceur d’alerte.

En Grande Chambre, la Cour adopte une solution différente et conclut à une violation de l’article 10 de la Convention au motif, notamment, que les informations divulguées étaient bien de celles présentant un intérêt public[3] et, partant, susceptibles de justifier une alerte car « touchant au fonctionnement des autorités publiques dans une société démocratique et provoquant, dans le public, un débat suscitant des controverses (…) ».

« Quant à la mise en balance entre l’intérêt public que présente l’information divulguée et les effets dommageables de la divulgation », la CEDH précise, d’abord, que le contexte dans lequel s’opère la divulgation doit être apprécié. En l’espèce, les informations divulguées s’inscrivaient dans la continuité d’un débat public sur les pratiques fiscales au Luxembourg mais aussi dans le reste de l’Europe et, en particulier, en France. A cet égard, les juges de la Grande Chambre rappellent que :

« qu’un débat public peut s’inscrire dans la continuité et être nourri par des éléments d’informations complémentaires (Dammann, précité, § 54, et Colaço Mestre et SIC – Sociedade Independente de Comunicação, S.A. c. Portugal, nos 11182/03 et 11319/03, § 27, 26 avril 2007). Des révélations qui portent sur des faits d’actualité ou débats préexistants peuvent également servir l’intérêt général (Couderc et Hachette Filipacchi Associé, précité, § 114). En effet, un débat public n’est pas figé dans le temps et, ainsi que le fait valoir MLA[4], « l’attitude des citoyens sur des questions d’intérêt public est évolutive » (paragraphe 98 ci-dessus). Dès lors, pour la Cour, la seule circonstance qu’un débat public sur les pratiques fiscales au Luxembourg était déjà en cours au moment où le requérant divulgua les informations litigieuses ne saurait en soi exclure que ces informations puissent, elles-aussi, présenter un intérêt public au regard du débat ayant suscité des controverses en ce qui concerne les pratiques fiscales des sociétés en Europe, et en particulier en France (voir paragraphes 187 à 192 ci-dessous) et de l’intérêt légitime du public à en connaître. »

Ensuite, la Cour considère que l’appréciation des effets dommageables de la divulgation ne doit pas se faire au regard des seuls impacts financiers éventuels pour l’employeur ; lequel a subi un préjudice de réputation dont « la réalité n’apparaît pas avérée sur le long terme »[5]. La CEDH relève ainsi que, « sur le second plateau de la balance », la Cour d’appel ayant condamné le lanceur d’alerte :

« s’est contentée de placer le seul préjudice subi par PwC et a seulement tenu compte de la circonstance que l’employeur du requérant avait été « associé à une pratique d’évasion fiscale, sinon à une optimisation fiscale », qu’il avait été « victime d’infractions pénales » et avait « subi nécessairement un préjudice » (paragraphe 35 ci-dessus).

200. Certes, aux yeux de la Cour, les éléments d’appréciation retenus par la Cour d’appel en ce qui concerne le préjudice subi par PwC, à savoir « l’atteinte à l’image » et « une perte de confiance » (paragraphe 35 ci-dessus), sont incontestablement pertinents. Pour autant, la Cour d’appel s’est contentée de les formuler en termes généraux, sans apporter de précision permettant de comprendre pourquoi elle a finalement estimé qu’un tel préjudice, dont la nature et la portée n’ont au demeurant pas été déterminées de manière circonstanciée, était « supérieur à l’intérêt général » que présentait la divulgation des informations litigieuses. La Cour en déduit que la Cour d’appel n’a pas placé, dans le second plateau de la balance, l’ensemble des effets dommageables qu’il convenait de prendre en compte.»

Il est donc revenu à la Grande Chambre de procéder « elle-même à la mise en balance des intérêts en présence » ; laquelle lui a permis de conclure que l’intérêt public « attaché à la divulgation », dans le cas d’espèce, l’emporte sur « l’ensemble des effets dommageables » :

« À cet égard, elle rappelle qu’elle a reconnu que les informations révélées par le requérant présentaient indéniablement un intérêt public (paragraphes 191-192 ci-dessus). Dans le même temps, elle ne saurait ignorer que la divulgation litigieuse s’est faite au prix d’un vol de données et de la violation du secret professionnel qui liait le requérant. Ceci étant, elle relève l’importance relative des informations divulguées, eu égard à leur nature et à la portée du risque s’attachant à leur révélation. Au vu des constats opérés ci-dessus (paragraphes 191-192 ci- dessus) quant à l’importance, à l’échelle tant nationale qu’européenne, du débat public sur les pratiques fiscales des multinationales auquel les informations divulguées par le requérant ont apporté une contribution essentielle, la Cour estime que l’intérêt public attaché à la divulgation de ces informations, l’emporte sur l’ensemble des effets dommageables. »

Enfin, sans revenir sur l’intégralité des 6 critères précités – lesquels étaient satisfaits en l’espèce –  , il est important de signaler la précision apportée par la Cour au premier d’entre eux, à savoir le critère de « l’existence ou non d’autres moyens pour procéder à la divulgation ».

En effet, si la voie interne (saisie de sa hiérarchie par le lanceur d’alerte) doit être privilégiée à la voie externe, la Cour rappelle que « cet ordre de priorité entre canaux internes et canaux externes de signalement ne revêt pas, dans la jurisprudence de la Cour, un caractère absolu. ».

Concrètement, cela signifie qu’il peut exister des situations dans lesquelles les « mécanismes internes de signalement » ne sont pas adaptés ; ce qui peut justifier le « recours direct à une « voie externe de dénonciation » ».

Tel était ici le cas dès lors que « les pratiques d’optimisation fiscale au bénéfice de grandes multinationales et les déclarations fiscales – actes juridiques d’information (paragraphe 28 ci-dessus) préparées par l’employeur du requérant pour le compte de ses clients, à destination des services fiscaux luxembourgeois, étaient légales au Luxembourg » et que, partant, « Elles ne révélaient donc rien de répréhensible, au sens de la loi, qui aurait justifié que le requérant tente d’alerter sa hiérarchie afin qu’il fût mis un terme à des agissements constituant l’activité normale de son employeur ».

Il est donc particulièrement important de relever que, ce faisant, la CEDH conforte la protection de la liberté d’expression des lanceurs d’alerte ; lesquels, lorsque les pratiques révélées sont légales, ne peuvent divulguer des informations d’intérêt public que par la voie d’un canal externe :

« La Cour considère que, dans pareil cas, seul le recours direct à un canal externe de divulgation est susceptible de constituer un moyen efficace d’alerte. Ainsi que le fait valoir MLA, dans certaines circonstances, le recours aux médias peut s’avérer être la condition de l’efficacité du lancement d’alerte (paragraphe 97 ci-dessus). Dans ces conditions, lorsque sont en cause des agissements ou des pratiques portant sur les activités habituelles de l’employeur et qui n’ont, en soi, rien d’illégal, le respect effectif du droit de communiquer des informations présentant un intérêt public suppose d’admettre le recours direct à une voie externe de divulgation, se traduisant, le cas échéant, par la saisine des médias. C’est d’ailleurs ce que la Cour d’appel a admis, en l’espèce, en jugeant que le requérant ne pouvait pas agir autrement, et qu’« une information du public par un média était, en l’occurrence, et vu les circonstances, la seule alternative réaliste pour lancer l’alerte » (paragraphe 34 ci-dessus). La Cour tient à souligner qu’un tel constat est cohérent avec sa jurisprudence. »

A la lecture de l’arrêt Halet c. Luxembourg, la protection des lanceurs d’alerte ressort incontestablement renforcée.

En effet, en insistant sur la « légitimité » d’une divulgation externe d’informations lorsque les comportements en cause sont légaux, d’une part, en précisant – ou en élargissement selon l’opinion dissidente commune annexée à la décision – le critère de l’intérêt public, d’autre part, la CEDH poursuit la construction d’une jurisprudence toujours plus protectrice des lanceurs d’alerte.

Au mépris de notions pourtant tout aussi précieuses dans une société démocratique telles que le secret professionnel ? La prise en compte par les juridictions nationales de la solution retenue par la Cour de Strasbourg et son articulation avec le régime juridique interne[6] de protection des lanceurs d’alerte seront à surveiller de près.

 

 

[1] CEDH, 12 février 2018, Guja c. Moldavie, n° 14277/04.

[2] CEDH, 14 février 2023, Halet c. Luxembourg, n° 21884/18.

[3] L’opinion dissidente de 4 des 17 juges composant la Grande Chambre, annexée à l’arrêt, évoque un « élargissement [considérable] de la « notion d’intérêt public » qui « doit être attaché à l’information divulguée pour pouvoir faire bénéficier le lanceur d’alerte d’une protection. ». Plus précisément, ces 4 juges considèrent qu’au « signalement par un employé des actes, des pratiques ou des comportements illicites, sur le lieu de travail » et « ceux qui sont qui sont répréhensibles tout en étant légaux », l’arrêt du 14 février 2023 y ajoute une troisième catégorie de comportements « entièrement nouvelle en matière de lancement d’alerte, à savoir « certaines informations touchant au fonctionnement des autorités publiques dans une société démocratique et provoquant, dans le public, un débat suscitant des controverses de nature à faire naître un intérêt légitime de celui-ci à en connaître, afin de se forger une opinion éclairée sur la question de savoir si elles révèlent ou non une atteintes à l’intérêt public » (paragraphe 138), tout en précisant que les informations peuvent aussi porter sur des comportements d’acteurs privés (paragraphe 142). ».

Les 4 magistrats dénoncent « un critère excessivement flou ». Il est vrai, comme ces derniers le soulignent, que, d’une part, « l’intérêt de la divulgation va décroissant selon que l’on se trouve dans la première, la deuxième ou la troisième catégorie », d’autre part, que s’agissant de la catégorie « nouvelle » selon eux du « débat suscitant des controverses », celle-ci met à mal les notions de secret professionnel et de confidentialité. C’est la raison pour laquelle, afin de ne pas créer davantage d’insécurité juridique, la solution retenue ici par la Cour, et qualifiée dans l’opinion dissidente commune de « revirement de jurisprudence », devrait voir ses effets modulés dans le temps.

[4] Maison des Lanceurs d’alerte, tiers intervenant dans la procédure.

[5] Communiqué de presse du 14 février 2023.

[6] Article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II », dont la rédaction est issue de l’article 1er de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte :

 

« I.-Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles mentionnées au I de l’article 8, le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance.

II.-Les faits, informations et documents, quel que soit leur forme ou leur support, dont la révélation ou la divulgation est interdite par les dispositions relatives au secret de la défense nationale, au secret médical, au secret des délibérations judiciaires, au secret de l’enquête ou de l’instruction judiciaires ou au secret professionnel de l’avocat sont exclus du régime de l’alerte défini au présent chapitre.

III.-Lorsque sont réunies les conditions d’application d’un dispositif spécifique de signalement de violations et de protection de l’auteur du signalement prévu par la loi ou le règlement ou par un acte de l’Union européenne mentionné dans la partie II de l’annexe à la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, le présent chapitre ne s’applique pas.

Sous réserve de l’article L. 861-3 du code de la sécurité intérieure, lorsqu’une ou plusieurs des mesures prévues aux articles 10-1,12 et 12-1 de la présente loi sont plus favorables à l’auteur du signalement que celles prévues par un dispositif spécifique mentionné au premier alinéa du présent III, ces mesures s’appliquent. Sous la même réserve, à défaut de mesure équivalente prévue par un tel dispositif spécifique, les articles 13 et 13-1 sont applicables. ».

Me Olivier BARATELLI, avocat de l’Olympique de Marseille, partie civile dans une affaire d’exercice illégal de la profession d’agent de joueur

By | Actualités

« Karim Aklil jugé pour exercice illégal de la profession d’agent de joueur »

◾ « Karim Aklil comparaît ce mercredi pour avoir discuté avec l’Olympique de Marseille, en 2008 et 2009, des transferts de Souleymane Diawara et de Mamadou Niang, alors qu’il n’avait pas (encore) de licence ».

👉🏼 Pour lire l’article publié par L’Equipe : https://www.lequipe.fr/Football/Article/Karim-aklil-juge-pour-exercice-illegal-de-la-profession-d-agent-de-joueur/1384611 

 

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Article publié sur La Provence du 9 mars 2023 : 

 

« En partie civile, l’avocat de l’OM, Me Olivier Baratelli, voit un autre lien d’intérêt à ce binôme : « Monsieur Barresi faisait peur, monsieur Aklil faisait le reste » tacle-t-il. « Karim Aklil fait parti d’un entourage aux noms lourd de sens, avec les Barresi et Anigo, qui sont sur une liste noire. Le nouvel actionnaire entend désormais dénoncer toutes les infractions qui pourraient être portées à sa connaissance et récupérer les préjudices du passé », poursuit la défense de l’OM, en chiffrant le manque à gagner pour le club à 2,6 millions d’euros. « Pendant des années, l’OM a été la poule aux œufs d’or. Il fallait faire un maximum de transactions pour que tous puissent se payer sur la bête », appuie le prcureur, Jean-Yves Lourgouilloux. En défense, on refuse de rejouer le match précédent, qui s’est achevé par un non-lieu général. « Ce qu’on reproche à mon client aujourd’hui, c’est de la pipette », balaye Me Rebufat. Ce procès est une faute de droit. Il n’a jamais signé aucun contrat et il n’a agi que sous la direction de Didier Girard », recadre-t-il. »

 

👉🏼 Pour lire l’article publié par La Provence : https://www.cafeyn.co/fr/article/a05689/la-provence-marseille/2023-03-09/faux-agent-ou-victime-du-systeme 

 

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Article publié sur France 3 Provence – Alpes – Côte d’Azur le 9 mars 2023 : 

« Me Olivier Baratelli, interrogé sur le contrôle des licences professionnelles des agents, « les vérifications sont faites et l’ont toujours été, car le club est intransigeant en la matière. Quand il y a une erreur, une exception comme c’est le cas de Monsieur Karim Aklil, le club remplit sa mission et se constitue partie civile pour dénoncer les faits« .

Depuis cette affaire Karim Aklil a cessé ses activités d’agent de joueur. Le procureur a requis à son encontre un an de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende. Le jugement sera rendu le 10 mai. »

 

👉🏼 Pour lire l’article publié par rance 3 Provence – Alpes – Côte d’Azur :  https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/bouches-du-rhone/marseille/foot-karim-aklil-juge-pour-exercice-illegal-de-la-profession-d-agent-de-joueurs-a-marseille-2729034.html 

 

Respect du droit à l’image des enfants : l’Assemblée nationale adopte à l’unanimité une proposition de loi

By | Brèves juridiques

Le 6 mars 2023, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition de loi « visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants ».

Ainsi que le rappelle l’exposé des motifs de cette proposition de loi, l’intervention du législateur est apparue nécessaire dès lors que :

« Dans une société de plus en plus numérisée, le respect de la vie privée des enfants s’impose aujourd’hui comme une condition de leur sécurité, de leur bien-être et de leur épanouissement. Consacré par l’article 16 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant[1], ce principe apparaît pourtant pris en tenaille entre des intérêts contraires et pas toujours bienveillants. »

Ces « intérêts contraires », les risques d’exposition ou de surexposition des enfants sur les réseaux sociaux, se manifestent notamment dans un phénomène connu sous le vocable de « sharenting », « contraction de deux mots anglais sharing (partager) et parenting (parentalité) »[2].

Le sharenting est présenté dans l’exposé des motifs comme l’un des principaux risques d’atteinte à la vie privée des enfants :

« On estime en moyenne qu’un enfant apparaît sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l’âge de 13 ans, sur ses comptes propres, ceux de ses parents ou de ses proches (5). La publication sur les comptes des parents de contenus relatifs à leurs enfants (…) constitue ainsi aujourd’hui l’un des principaux risques d’atteinte à la vie privée des mineurs, pour deux raisons. D’une part, du fait de la difficulté à contrôler la diffusion de son image, d’autant plus problématique dans le cas de mineurs. D’autre part, en raison d’un conflit d’intérêt susceptible de survenir dans la gestion du droit à l’image des enfants par leurs parents. »

Outre les difficultés pour effacer les données publiées ou encore le cyberharcèlement, l’impossibilité de contrôler l’image d’un mineur sur internet l’expose à d’autres risques majeurs et en particulier à la pédopornographie. A cet égard, le rapporteur du texte, Monsieur Bruno STUDER, précise que :

« 50 % des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux. Certaines images, notamment les photographies de bébés dénudés ou de jeunes filles en tenue de gymnastique intéressent tout particulièrement les cercles pédophiles ; le problème va donc bien au-delà des contenus sexualisés mis en ligne par les parents ou par les enfants eux-mêmes. Les informations diffusées sur le quotidien des enfants peuvent dans le pire des cas, qui plus est, permettre à des individus d’identifier leurs lieux et leurs habitudes de vie à des fins de prédation sexuelle. »

Pour toutes ces raisons, il était indispensable que, par un texte à vocation pédagogique, les parents soient davantage responsabilisés dans leur usage des réseaux sociaux, dès lors que les contenus qu’ils publient concernent leurs enfants.

Pour atteindre cet objectif, la proposition de loi – dont on soulignera qu’elle a été adoptée à l’unanimité – prévoit :

  • l’introduction de la notion de vie privée[3] dans la définition de l’autorité parentale : le second alinéa de l’article 371-1 du Code civil serait désormais rédigé comme suit :

« Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé, sa vie privée et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. »

  • l’exercice en commun, par les deux parents, du droit à l’image de l’enfant mineur[4] :

« I. – L’article 372-1 du code civil est ainsi rétabli :

« Art. 372-1. – Les parents exercent en commun le droit à l’image de leur enfant mineur, dans le respect du droit à la vie privée mentionné à l’article 9. Les parents associent l’enfant à l’exercice de son droit à l’image, selon son âge et son degré de maturité. »

II (nouveau). – L’avant-dernier alinéa de l’article 226-1 du code pénal est complété par les mots : « dans le respect de l’article 372-1 du code civil ».

  • la définition de mesures pouvant être prises par le juge en cas de désaccord entre les parents dans l’exercice du droit à l’image de l’enfant mineur[5]:

« Après le troisième alinéa de l’article 373-2-6 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il peut également, en cas de désaccord entre les parents sur l’exercice des actes non usuels relevant du droit à l’image de l’enfant, interdire à l’un des parents de publier ou de diffuser tout contenu relatif à l’enfant sans l’autorisation de l’autre parent. Ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé. »

  • la possibilité d’une délégation forcée de l’autorité parentale dans les situations où l’intérêt des parents rentre en conflit avec celui de l’enfant dans l’exercice de son droit à l’image :

« Après le troisième alinéa de l’article 377 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la diffusion de l’image de l’enfant par ses parents porte gravement atteinte à la dignité ou à l’intégrité morale de celui-ci, le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer l’exercice du droit à l’image de l’enfant. »

Ce texte, désormais entre les mains du Sénat et attendu par les défenseurs de la cause des enfants, s’inscrit dans un mouvement plus global de protection des mineurs qui a récemment pris la forme d’une campagne de sensibilisation à un usage raisonné des écrans[6], d’une généralisation à venir des dispositifs de contrôle parental[7] ou encore de l’instauration d’une « majorité numérique »[8] à 15 ans avec l’obligation pour les réseaux sociaux de s’assurer de l’âge de leurs utilisateurs et de recueillir l’accord des parents pour leur inscription[9].

[1] « Nul enfant ne fera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. L’enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. »

[2] Les risques du « sharenting », l’exposition des enfants par leurs parents sur Internet, ciblés à l’Assemblée (lemonde.fr)

[3] Article 1er de la proposition de loi.

[4] Article 2 de la proposition de loi.

[5] Article 3 de la proposition de loi.

[6] Accueil – Je Protège Mon Enfant (jeprotegemonenfant.gouv.fr)

[7] Loi n° 2022-300 du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à internet

[8] S’il ne consacre pas expressément une « majorité numérique » à 15 ans, le « nouvel article 45 de la loi du 6 janvier 1978 – modifiée par l’ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018 – (…) autorise les mineurs de plus de quinze ans à « consentir seul[s] à un traitement de données à caractère personnel en ce qui concerne l’offre directe de services de la société de l’information ». ». Voir : V. TESNIERE, « Protection des mineurs sur internet : un droit épars », Légipresse, n° 406, pp. 472 à 480.

[9] Proposition de loi, adoptée, par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, n° 389, déposé(e) le jeudi 2 mars 2023

Victime d’agression ou d’atteinte sexuelles et liberté d’expression : pas d’exigence d’une condamnation définitive pour bénéficier du régime protecteur de 39 l’article quinquies de la loi de 1881 sur la liberté de la presse

By | Brèves juridiques

Dans une précédente news « droit de la presse & réseaux sociaux », nous commentions le refus de la Chambre criminelle de la Cour de cassation[1] de renvoyer deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) portant sur l’article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; article qui, pour rappel, dispose que :

« Le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, des renseignements concernant l’identité d’une victime d’une agression ou d’une atteinte sexuelles ou l’image de cette victime lorsqu’elle est identifiable est puni de 15 000 euros d’amende.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque la victime a donné son accord écrit. »

Le 7 février 2023, la Chambre criminelle a ainsi pu statuer sur le pourvoi proprement dit, formé contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 3 février 2022 ayant condamné l’auteur dudit pourvoi à 1.000 euros d’amende pour « diffusion d’image ou de renseignement sur l’identité d’une victime d’agression ou d’atteinte sexuelles sans son accord écrit. ».

Les moyens tirés de l’inconstitutionnalité de l’article 39 quinquies précité étant devenus sans objet à la suite du refus de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel, il revenait à la Chambre criminelle d’examiner deux moyens qui confèrent à l’arrêt ici commenté tout son intérêt :

  • en premier lieu, il était reproché à l’arrêt d’appel d’avoir donné un sens inexact au terme « victime » ; l’auteur du pourvoi estimant que ledit terme « s’entend, au sens de l’article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 qui est d’interprétation stricte, d’une personne reconnue comme telle, après condamnation de l’auteur de l’infraction ».

La réponse de la Chambre criminelle est claire :

« 8. Pour écarter le moyen selon lequel Mme [O] ne pouvait être considérée comme victime d’agression sexuelle en l’absence de déclaration de culpabilité de M. [V] pour de tels faits, l’arrêt attaqué énonce que le terme de « victime » employé à l’article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 s’applique nécessairement à toute personne se présentant comme telle.

 9. En l’état de ces énonciations, la cour d’appel a fait une exacte application des textes visés au moyen.

 10. En effet, le texte susvisé n’a pas entendu réserver sa protection aux seules victimes reconnues comme telles par décision définitive ayant prononcé la condamnation de l’auteur des faits.»

L’article 39 quinquies de la loi de 1881 bénéficie donc à toute personne qui se considère ou se présente comme victime d’une agression ou d’une atteinte sexuelles.

  • en second lieu, la Chambre criminelle rappelle que, dans le cadre d’un contrôle classique mettant en balance deux droits de même valeur normative, à savoir, la liberté d’expression (art. 10 § 2 de la CEDH) et le droit au respect de la vie privée (art. 8 de la CEDH), il « appartient au juge saisi de rechercher, en cas de conflit, un juste équilibre entre ces deux droits».

Or, était soulevée devant la Cour de cassation, la violation par la Cour d’appel de l’article 10 de la CEDH pour avoir condamné le prévenu alors que l’identité de la partie civile « constituée dans une information suivie contre M. [V] du chef de viol, avait déjà été diffusée dans différents médias et qu’elle avait elle-même contribué à la diffusion de son image et à son identification, a déclaré le prévenu coupable d’avoir postérieurement diffusé ces mêmes renseignements et de s’être rendu complice d’une telle diffusion ».

Après avoir précisé que, dans la recherche de l’équilibre entre la liberté d’expression et le droit au respect à la vie privée, « le juge doit examiner si la diffusion de l’identité de la victime d’infraction sexuelle contribue à un débat d’intérêt général, tenant compte de l’éventuelle notoriété de la personne visée et de son comportement avant la diffusion, de l’objet de cette dernière, son contenu, sa forme et ses répercussions », la Chambre criminelle apporte, en deux temps, une réponse tout aussi définitive que celle donnée au premier moyen soulevé :

  • d’abord, en soutenant la motivation de la Cour d’appel aux termes de laquelle il est jugé que le fait pour la victime d’avoir contribué à son identification est sans incidence sur l’application de l’article 39 quinquies de la loi sur la liberté de la presse:

« En l’espèce, pour déclarer M. [V] coupable, infirmer le jugement sur la peine et le condamner à 1 000 euros d’amende, l’arrêt attaqué énonce en substance, par motifs propres et adoptés, qu’il importe peu que l’identité de la victime ait déjà été révélée ou que celle-ci ait contribué à son identification, l’article 39 quinquies de la loi précitée visant la seule diffusion d’informations concernant l’identité d’une victime. »

  • ensuite, en jugeant que la publication de l’identité de la victime « dans un ouvrage ainsi que dans deux autres médias, sans avoir recueilli son accord écrit» ne « contribuait pas à un débat d’intérêt général ».

Alors que la parole des victimes d’agression ou d’atteinte sexuelles s’est désormais libérée, la prise de position de la Chambre criminelle doit être saluée en ce que sa décision confirme le bénéfice de la protection définie à l’article 39 quinquies de la loi de 1881 à toute personne qui se considère victime de tels faits. On n’aurait pas compris qu’il puisse en être autrement sauf à permettre la diffusion de l’identité des victimes tant que l’auteur des faits n’a pas été condamné définitivement ; c’est-à-dire, potentiellement, pendant de nombreuses années.

De la même manière, si la sanction prononcée doit nécessairement être « proportionnée à l’ingérence dans la liberté d’expression du prévenu, au regard des circonstances particulières de l’affaire (CEDH [GC], arrêt du 7 février 2012, Axel Springer AG c. Allemagne, n°39954/08) », le rôle de la victime dans l’éventuelle révélation de son nom ou sa contribution à son identification ne doivent pas neutraliser l’exigence de son accord écrit pour toute diffusion ultérieure de son identité.

 

[1] Cass. Crim., 10 août 2022, n° 22-81.057.

Affaire Grégory : Me Olivier Baratelli, avocat des grands-parents du petit Grégory, s’exprime sur le décès du grand-père, Albert VILLEMIN

By | Actualités

« Albert VILLEMIN, grand-père du petit Grégory – retrouvé mort dans la Vologne, pieds et poings liés, en 1984 – est décédé le 18 février à l’âge de 92 ans »

(…)

Me Olivier Baratelli, qui était l’avocat des grands-parents Monique et Albert Villemin depuis 2017, a réagi à ce décès ce lundi matin auprès du Parisien. « Albert Villemin emmène dans sa tombe bon nombre de secrets familiaux… C’est devant l’éternel qu’il va maintenant les déposer », a commenté le pénaliste. »

 

👉🏼 Pour lire l’article sur le journal Le Parisien : https://www.leparisien.fr/faits-divers/affaire-gregory-albert-villemin-grand-pere-de-lenfant-est-mort-a-92-ans-27-02-2023-CW2LDOWKPFFWXC7RCXPA453LDA.php 

Liberté d’expression en campagne électorale : tolérance confirmée

By | Brèves juridiques

Dans un arrêt du 24 janvier 2023, la Chambre criminelle de la Cour de cassation est revenue sur une thématique classique mais dont il apparaît toujours nécessaire de rappeler les grands principes : la liberté d’expression en campagne électorale.

Dans un reportage diffusé dans le journal télévisé de France 3 à l’occasion des élections municipales de 2020, un candidat figurant sur une liste d’opposition y avait évoqué l’intérêt pour un adjoint au maire, chargé de l’urbanisme, d’urbaniser des terrains pour y permettre la construction d’un lotissement ; terrains pour partie détenus par ledit adjoint.

Pour mieux comprendre le contexte de la prise de parole de ce membre de la liste d’opposition, la Chambre criminelle précise que « Ce propos a fait suite à une controverse évoquée dans la presse locale les 13 et 14 janvier précédents, faisant état d’une éventuelle prise illégale d’intérêts (…) ».

Condamné pour diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public, sur renvoi après cassation, par la Cour d’appel de Lyon, le candidat d’opposition auteur des propos litigieux invoque au soutien de son pourvoi une violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme ; les juges d’appel lui ayant refusé le bénéfice de la bonne foi.

Si les propos en cause étaient bien attentatoires à l’honneur et à la considération de l’adjoint à l’urbanisme, la Chambre criminelle juge que la Cour d’appel a mal apprécié les critères habituellement appliqués pour déterminer l’existence ou l’absence de bonne foi :

« Après avoir relevé, à juste titre, le caractère attentatoire à l’honneur et à la considération des propos tenus par M. [C] vis-à-vis de M. [H], l’arrêt, pour refuser au premier le bénéfice de la bonne foi, fait valoir que la déclaration de celui-ci constitue une attaque personnelle, sans mesure ni prudence, qu’elle ne poursuit pas un but légitime compte tenu de son caractère excessif et qu’elle ne repose sur aucune base factuelle dès lors que M. [H] n’a pas participé aux votes du projet débattu. »

Pour la Chambre criminelle :

  • d’une part, il était bien légitime de s’interroger sur l’implication de l’adjoint au maire dans le projet de lotissement dès lors qu’il était propriétaire d’une partie de ceux sur lesquels le projet devait être réalisé ;
  • d’autre part, la base factuelle du propos se déduisait également de qualité de propriétaire, de l’adjoint au maire, des terrains d’assiette du lotissement.

Plus encore, les propos de l’opposant « politique » au maire, certes attentatoires à l’honneur et à la considération de l’adjoint chargé de l’urbanisme, auraient dû être appréciés par la Cour d’appel sous le prisme particulier de la tolérance applicable au « discours politique ».

Ainsi que la rappelle la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) dans son guide dédié à l’article 10 de la Convention :

« il est de jurisprudence constante que l’article 10 § 2 de la Convention ne laisse guère de place pour des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine du discours politique ou des questions d’intérêt général (Castells c. Espagne[1], § 43 ; Wingrove c. Royaume-Uni[2], § 58) »[3]

C’est la raison pour laquelle la Chambre criminelle juge que, dans le contexte d’une campagne électorale, le propos tenu par un candidat d’opposition à la suite d’une polémique sur un projet de lotissement : « n’a pas dépassé les limites admissibles de la liberté d’expression d’un opposant politique ».

Le personnel politique étant par nature exposé à la critique, la tolérance à l’égard des propos tenus par leurs adversaires est, et c’est ce que rappelle la Cour de cassation, par principe, grande. Elle l’est d’autant plus en période électorale.

[1] CEDH, 23 avril 1992, req. n° 11798/85.

[2] CEDH, 25 novembre 1996, req. n° 17419/90.

[3] Voir également CEDH, 11 avril 2006, Brasilier c. France, n° 71343/01, § 41 :

« En outre, les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard d’un homme politique, visé en cette qualité, que d’un simple particulier : à la différence du second, le premier s’expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes tant par les journalistes que par la masse des citoyens ; il doit, par conséquent, montrer une plus grande tolérance (arrêts Lingens, précité, p. 26, § 42 ; Incal c. Turquie, 9 juin 1998, Recueil 1998-IV, p. 1567, § 54 ; Feldek c. Slovaquie, no 29032/95, § 74, CEDH 2001-VIII). Il est fondamental, dans une société démocratique, de défendre le libre jeu du débat politique. La Cour accorde la plus haute importance à la liberté d’expression dans le contexte du débat politique et considère qu’on ne saurait restreindre le discours politique sans raisons impérieuses. Y permettre de larges restrictions dans tel ou tel cas affecterait sans nul doute le respect de la liberté d’expression en général dans l’Etat concerné (Feldek, précité, § 83). »

Maitre Olivier BARATELLI, avocat du Royaume du Maroc dans l’ « affaire Pegasus ».

By | Actualités

➤ Le Maroc est depuis longtemps victime d’une tentative de déstabilisation internationale. Il n’a eu de cesse de dénoncer ces accusations injustes et fantaisistes », a déclaré Me Olivier Baratelli, avocat de Rabat dans cette affaire, intervenant en visioconférence devant les députés marocains.

👉🏼 Pour lire l’article correspondant :

https://fr.timesofisrael.com/logiciel-espion-pegasus-le-maroc-denonce-une-campagne-injuste/ 

 

➤  » Dix-neuf mois après que le Maroc, victime d’une “gigantesque entreprise de déstabilisation internationale”, a porté plainte contre certains médias français et des ONG, qui l’accusaient d’avoir utilisé le logiciel espion “Pegasus”, “aucune preuve n’a été apportée à ce jour”, a affirmé, vendredi à Paris, Me Olivier Baratelli, avocat du Royaume en France. »

👉🏼 Pour lire l’article correspondant : 

https://www.lopinion.ma/Affaire-Pegasus-Les-accusateurs-du-Maroc-peinent-a-apporter-des-preuves_a36835.html

 

➤ « Ces affaires ont été plaidées et replaidées le 15 février devant la Cour d’appel de Paris, a expliqué Me Baratelli, faisant état d’une “impression d’écoute réelle” de la part des magistrats, qui devront prononcer leurs arrêts le 12 avril.

“Nous avons réellement une grande confiance dans les décisions qui vont être rendues”, a affirmé l’avocat, rappelant que dès novembre 2021, la rumeur avait déjà “dégonflé” après que le Premier ministre de l’époque, Jean Castex, avait déclaré à l’Assemblée nationale que le téléphone du président Emmanuel Macron n’a jamais été infecté, après l’avoir soumis aux services français qui l’avaient ausculté et constaté que l’appareil ne comprenait aucune trace d’un logiciel espion.

“Nous savions que c’était faux et, pourtant, en novembre, Le Monde et France Inter continuaient de colporter la rumeur, alors nous avons relancé cinq procédures en diffamation”, a ajouté l’avocat.

Pour étayer leurs thèses, certains journalistes avaient déposé plainte au même temps de la diffusion de l’information, une situation “ubuesque et incroyable”, a-t-il noté, faisant savoir que cette plainte a été suivie par le parquet de Paris durant un peu plus d’une année.

“Nous avons rencontré la procureure, nous avons alimenté son dossier et nous avons démontré, preuves scientifiques à l’appui – fournies par un collège d’experts en informatique- qu’il était impossible pour le Maroc d’utiliser ce logiciel, si bien au bout d’un an, cette procureure de la République a considéré effectivement que nous étions face à l’une des plus grandes manipulations médiatiques de tous les temps”, a-t-il enchaîné. »

👉🏼 Pour lire l’article correspondant : 

http://www.mapexpress.ma/actualite/opinions-et-debats/pegasus-19-mois-apres-les-faits-preuve-na-ete-apportee-les-accusateurs-du-maroc-avocat/

 

➤ « Nous avons réellement une grande confiance dans les décisions qui vont être rendues”, a affirmé l’avocat, rappelant que dès novembre 2021, la rumeur avait déjà “dégonflé” après que le Premier ministre de l’époque, Jean Castex, avait déclaré à l’Assemblée nationale que le téléphone du président Emmanuel Macron n’a jamais été infecté, après l’avoir soumis aux services français qui l’avaient ausculté et constaté que l’appareil ne comprenait aucune trace d’un logiciel espion.

“Nous savions que c’était faux et, pourtant, en novembre, Le Monde et France Inter continuaient de colporter la rumeur, alors nous avons relancé cinq procédures en diffamation”, a ajouté l’avocat. »

👉🏼 Pour lire l’article correspondant : 

https://mediaguinee.org/affaire-pegasus-un-avocat-francais-estime-que-19-mois-apres-les-faits-aucune-preuve-na-ete-apportee-par-les-accusateurs-contre-maroc/ 

Le refus de répondre aux questions d’un journaliste ne fait pas obstacle à ce que soit ordonnée la publication d’un droit de réponse

By | Brèves juridiques

Dans un arrêt[1] rendu le 17 janvier 2023, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH, 17 janvier 2023, Axel SPRINGER SE c. Allemagne, aff. n° 8964/18) apporte quelques précisions utiles quant aux conditions relatives à une obligation d’insertion d’un droit de réponse.

Dans cette affaire, le journal allemand Die Welt avait refusé de publier un droit de réponse sollicité à la suite d’un article relatif aux liens d’une responsable politique avec la Stasi, la police politique de l’ex-RDA.

Alors que la demande d’injonction de publier le droit de réponse avait été rejetée en première instance, la Cour d’appel de Berlin ordonna la publication du droit de réponse.

Une telle injonction constituant une atteinte à la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, la CEDH, comme elle en a désormais l’habitude, a cherché à déterminer si cette « ingérence » était ou non « nécessaire dans une société démocratique ».

L’obligation d’insertion d’un droit de réponse : un élément normal du cadre juridique régissant la liberté d’expression mais qui doit être justifié par des circonstances exceptionnelles

Si, compte tenu du caractère essentiel du rôle joué par la presse dans une société démocratique, les journaux et autres médias doivent disposer d’une liberté éditoriale leur permettant d’apprécier si tel ou tel article, commentaire ou écrit, doit être ou non publié, il demeure que la Cour a déjà jugé qu’une disposition légale obligeant l’insertion d’une réponse « peut être considérée comme un élément normal du cadre juridique régissant l’exercice de la liberté d’expression par les médias »[2] (CEDH, 3 avril 2012, Kaperzyński c. Pologne, aff. n° 43206/07, § 66 ; CEDH, 8 mars 2016, Rusu c. Roumanie, aff.  n° 25721/04, § 25 ; CEDH ; 28 mars 2017, Marunić c. Croatie, aff. n° 51706/11, §§ 50 et 54).

Le droit de réponse est ainsi considéré comme le moyen de « se protéger contre certaines déclarations ou opinions diffusées par les médias et susceptibles de porter atteinte à sa vie privée, à son honneur ou à sa dignité » ; il a ainsi pour « objectif premier » de « permettre aux individus de contester les fausses informations publiées à leur sujet dans la presse » (voir CEDH, 8 septembre 2020, Gülen c. Turquie, aff. n° 38179/16, 38384/16, 38389/16, 38394/16, 38400/16, 38410/16, § 66)[3].

Une telle obligation se doit, cependant, d’être justifiée par des circonstances exceptionnelles.

Pour procéder à l’examen de la nécessité de l’ingérence, la Cour va prendre en compte « l’objet, le contenu, la durée et le moment de la rectification » et ainsi étudier successivement la question de l’intérêt légitime[4] puis de la proportionnalité[5] du droit de réponse.

La CEDH prend par ailleurs le soin d’ajouter que si la critique est plus largement admissible à l’endroit des personnalités politiques, il demeure que cette plus grande tolérance n’a pas pour conséquence d’accepter les « inexactitudes factuelles ».

Le refus de répondre aux questions d’un journaliste préalablement à la publication d’un article ne peut fonder celui de publier un droit de réponse

Sans revenir ici sur l’intégralité de l’analyse, classique au cas d’espèce[6], de la nécessité de l’ingérence par la Cour, son contrôle de l’intérêt légitime du droit de réponse mérite l’attention.

En effet, selon la société requérante – éditrice du média concerné -, les juridictions internes auraient dû rejeter la demande de droit de réponse de la personne évoquée dans l’article en raison de son refus de répondre aux questions des journalistes :

« En outre, la société requérante a fait valoir que le comportement de K. avant la publication de l’article litigieux n’avait pas été correctement pris en compte. Il aurait été simple pour K. de répondre à la question de la société requérante concernant la durée de son mandat de présidente de l' » Association des amis de la ND « , puisque cette information ne l’incriminait en aucune façon et n’était pas accessible au public. Toutefois, comme elle avait choisi de ne pas communiquer cette information à la société requérante (voir paragraphe 7 ci-dessus), elle n’aurait pas pu légitimement demander une rectification à cet égard. »

C’est sur ce point précis que la réponse de la Cour mérite l’attention :

◼ en premier lieu, la Cour rappelle que « le comportement d’une personne avant la publication ne réduit son  » espérance légitime  » concernant la protection effective de sa vie privée que dans des circonstances spécifiques (voir Axel Springer AG c. Allemagne [GC], no. 39954/08, § 101, 7 février 2012, …). Habituellement, une telle conséquence nécessitera que la personne concernée ait elle-même cherché à être sous les feux de la rampe (ibidem) ou résultera de ses propres actions illicites – comme, par exemple, la commission d’une infraction pénale (voir Mikolajová c. Slovaquie, no 4479/03, § 57, 18 janvier 2011).» ;

◼  en second lieu, les juges de Strasbourg précisent qu’avoir sollicité des réponses préalablement à la publication d’un article est sans incidence sur la légitimité du droit de réponse :

« La Cour observe par ailleurs que si les organes de presse sont tenus de rendre compte de bonne foi afin de fournir des informations  » fiables et précises  » conformément à la déontologie journalistique (voir Axel Springer AG, précité, § 93) et doivent donc donner à la personne concernée la possibilité de se défendre, le fait que les allégations litigieuses aient été communiquées ne confère pas une liberté illimitée de publier des allégations non vérifiées. Elle n’exclut pas non plus le droit de réponse de la personne concernée afin de corriger des faits prétendument inexacts. Dès lors, et compte tenu du fait que l’argument de la société requérante ne porte pas sur un quelconque comportement illicite de la part de K. avant la publication de l’article litigieux, son refus de répondre aux questions de la société requérante ne saurait servir d’argument pour limiter son droit à une rectification des faits inexacts. »

On retiendra donc, et le rappel n’est pas inutile, que :

◼ d’abord, ordonner la publication d’un droit de réponse ne méconnaît pas, par son caractère forcé, la liberté d’expression ;

◼ ensuite, refuser de répondre aux questions d’un journaliste avant la publication d’un article, doit demeurer sans effet sur l’appréciation de l’intérêt légitime à solliciter la publication d’un droit de réponse.

 

[1] Qui, selon la formule consacrée de la Cour, deviendra définitif dans les conditions fixées à l’article 44 § 2 de la Convention :

« L’arrêt d’une Chambre devient définitif : a lorsque les parties déclarent qu’elles ne demanderont pas le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre; ou b trois mois après la date de l’arrêt, si le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre n’a pas été demandé; ou c lorsque le collège de la Grande Chambre rejette la demande de renvoi formulée en application de l’article 43. »

[2] Traduction libre, l’arrêt ici commenté n’étant à ce jour disponible qu’en anglais.

[3] La CEDH fait également référence à la résolution 26 du Comité des ministres du 2 juillet 1974 « sur le droit de réponse – situation de l’individu à l’égard de la presse », dont l’annexe, intitulée « REGLES MINIMALES RELATIVES AU DROIT DE REPONSE A LA PRESSE, A LA RADIO, A LA TELEVISION ET A L’EGAR D D’AUTRES MOYENS DE COMMUNICATION A CARACTER E PERIODIQUE », précise en son point 1 que :

« Toute personne physique ou morale, ainsi que toute autre entité sans considération de nationalité ou de résidence, désignée dans un journal, un écrit périodique, dans une émission de radio ou de télévision, ou par tout autre moyen de communication à caractère périodique, et au sujet de laquelle des informations contenant des faits qu’elle prétend inexacts ont été rendus accessibles au public, peut exercer le droit de réponse afin de corriger les faits la concernant ».

[4] « en raison du contenu et de la diffusion de la déclaration litigieuse ; l’existence d’un lien suffisant entre la rectification et la déclaration litigieuse ».

[5] « au regard de son contenu et de sa longueur, le moment de la rectification et tout délai entre la publication de l’article et le dépôt de la demande de rectification ».

[6] Avant son examen de la présente affaire, la CEDH rappelle que : « Dans des affaires comme la présente, qui nécessitent de mettre en balance le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d’expression, la Cour estime que l’issue de la requête ne devrait pas, en théorie, varier selon qu’elle a été introduite devant la Cour sur le fondement de l’article 8 de la Convention par la personne ayant fait l’objet du reportage, ou sur celui de l’article 10 par l’éditeur. En effet, par principe, ces droits méritent un respect égal. » (§ 37)

Me Olivier BARATELLI, avocat du Royaume du Maroc dans l’affaire Pegasus

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◼  Maître Olivier BARATELLI, avocat du Royaume du Maroc dans l' »affaire Pegasus », affirme « qu’aucun élément technique n’a pu mettre en lumière les accusations fantaisistes portées contre le Maroc sur l’utilisation présumée du logiciel Pegasus« , ajoutant que « le Maroc est de manière évidente victime, depuis longtemps, d’une tentative de déstabilisation internationale« .

 

👉 Pour lire l’article sur le site de L’Observateur : https://lobservateur.info/article/105410