Brèves juridiques

Renforcement du secret de l’instruction et de la protection de la présomption d’innocence / Procès filmés : un retour des caméras en trompe-l’œil ?

By 25 février 2022 No Comments

La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire renforce les sanctions en cas de violation du secret de l’enquête et l’instruction et crée une nouvelle procédure permettant aux personnes mises en cause de demander à un accès la procédure.

Un nouveau régime d’autorisation d’enregistrement sonore et visuel des procès en vue de leur diffusion est également créé.

 

  1. S’agissant des dispositions relatives au secret de l’enquête et de l’instruction et renforçant la protection de la présomption d’innocence, l’article 4 de la loi vient modifier l’article 434-7-2 du code pénal en aggravant les sanctions en cas de révélation d’informations.

Concrètement, l’auteur d’une violation du secret de l’enquête ou de l’instruction encourt désormais une peine de 3 ans d’emprisonnement et 45.000 euros (au lieu de 2 ans et 30.000 euros précédemment). Lorsque l’enquête ou l’instruction porte sur un crime ou un délit puni de 10 ans d’emprisonnement, la peine de prison passe de 5 à 7 ans et l’amende de 75.000 à 10.000 euros.

Observera-t-on une chute drastique des révélations dans la presse concernant des enquêtes ou des instructions en cours ?

Le bilan mériterait d’être fait pour déterminer l’efficacité de ces nouvelles dispositions.

 

  1. Venant renforcer les droits de la défense, l’article 2 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 complète l’article 77-2 du code de procédure pénale en y insérant un I créant un nouveau critère d’accès à la procédure dans le cadre d’une enquête préliminaire.

Celui-ci prévoit que la personne mise en cause peut demander au Procureur de la République de prendre connaissance du dossier de la procédure afin de formuler ses observations s’il a été porté atteinte à la présomption d’innocence de la personne par un moyen de communication au public.

Cette disposition n’est pas applicable lorsque les révélations émanent de la personne elle-même ou de son avocat, directement ou indirectement, ou que l’enquête porte sur des faits relevant de la criminalité et de la délinquance organisées ou de la compétence du Procureur de la République antiterroriste.

 

  1. Procès filmé : beaucoup de bruit pour pas grand-chose

Ce devait être une avancée majeure et faire entrer la France dans la modernité judiciaire. Si l’article 1er de la loi ici commentée vient modifier la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse en y créant un régime d’autorisation d’enregistrement sonore ou audiovisuel des audiences judiciaires et administratives en vue de leur diffusion fondée sur un motif d’intérêt public, d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique (nouvel article 38 quater), les conditions posées (qui seront précisées par un décret en Conseil d’Etat) pour que ladite autorisation soit donnée sont telles que l’on ne devrait pas constater une multiplication des procès filmés.

Le nouvel article 38 quater précise en effet que :

« La diffusion, intégrale ou partielle, de l’enregistrement n’est possible qu’après que l’affaire a été définitivement jugée. En cas de révision d’un procès en application de l’article 622 du code de procédure pénale, la diffusion de l’enregistrement peut être suspendue.

« La diffusion est réalisée dans des conditions ne portant atteinte ni à la sécurité, ni au respect de la vie privée des personnes enregistrées, ni au respect de la présomption d’innocence. Cette diffusion est accompagnée d’éléments de description de l’audience et d’explications pédagogiques et accessibles sur le fonctionnement de la justice.

« Sans préjudice de l’article 39 sexies de la présente loi, l’image et les autres éléments d’identification des personnes enregistrées ne peuvent être diffusés qu’avec leur consentement donné par écrit avant la tenue de l’audience. Les personnes enregistrées peuvent rétracter ce consentement dans un délai de quinze jours à compter de la fin de l’audience.

« L’image et les autres éléments d’identification des mineurs ou des majeurs bénéficiant d’une mesure de protection juridique ne peuvent, en aucun cas, être diffusés.

« Aucun élément d’identification des personnes enregistrées ne peut être diffusé cinq ans après la première diffusion de l’enregistrement ou dix ans après l’autorisation d’enregistrement.(…) »

En outre, mais cela se comprend fort bien, les modalités de l’enregistrement ne doivent porter atteinte ni au bon déroulement de la procédure ou des débats, ni au libre exercice de leurs droits par les parties et les personnes enregistrées.

Pour consulter la loi : LOI n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire (1) – Légifrance (legifrance.gouv.fr)