Sommaire :
1. Nouvelles dispositions relatives à l’abolition temporaire du discernement : quid de l’irresponsabilité pénale après l’émotion de l’affaire Sarah Halimi ?
2. Permis de communiquer : un décret vient atténuer les difficultés nées de l’étonnante solution dégagée par la Chambre criminelle en matière de permis de communiquer.
3. Les conséquences de la cassation d’un arrêt de la chambre d’instruction ayant ordonné des mises en examen supplétives.
4. Fraude fiscale : Les Procureurs encouragés à recourir à la CRPC, la CJIP réservée aux dossiers à fort enjeu financier.
5. Jurisprudence pénale – en bref.
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1. Nouvelles dispositions relatives à l’abolition temporaire du discernement : quid de l’irresponsabilité pénale après l’émotion de l’affaire Sarah Halimi ?
Lorsque la Chambre criminelle de Cour de cassation confirma le 14 avril 2021 l’irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi, l’émotion fut grande et la classe politique s’empara de ce sujet sensible en promettant un texte législatif dans les plus brefs délais.
Par la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, le législateur avait l’intention de répondre à cette émotion en insérant des articles 122-1-1 et 122-1-2 ainsi rédigés :
« Art. 122-1-1.-Le premier alinéa de l’article 122-1 n’est pas applicable si l’abolition temporaire du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d’un crime ou d’un délit résulte de ce que, dans un temps très voisin de l’action, la personne a volontairement consommé des substances psychoactives dans le dessein de commettre l’infraction ou une infraction de même nature ou d’en faciliter la commission.
« Art. 122-1-2.-La diminution de peine prévue au second alinéa de l’article 122-1 n’est pas applicable en cas d’altération temporaire du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d’un crime ou d’un délit lorsque cette altération résulte d’une consommation volontaire, de façon illicite ou manifestement excessive, de substances psychoactives»
Ainsi, doit-on considérer que la problématique de l’irresponsabilité pénale des individus sous l’emprise de substances « psychoactives » est résolue par ces nouveaux articles ?
La pratique de ces textes le dira mais l’on peut raisonnablement en douter. En effet, si le principe l’irresponsabilité pénale posé à l’article L.122-1 du code pénal est atténué, force est de constater que les conditions requises pour une telle atténuation limitent grandement la portée de ces nouveaux articles.
Comment, en effet, apprécier la notion de « temps très voisin de l’action » ou le fait, pour un individu, d’avoir consommé « volontairement » une drogue « dans le dessein de commettre l’infraction ou une infraction de même nature ou d’en faciliter la commission » ?
Par conséquent, il est à parier que la démonstration d’un tel « dessein » sera difficile à faire et, en tous les cas, qu’elle sera systématiquement contestée par les personnes mises en cause.
Pour accéder à la loi : LOI n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (1) – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
2. Permis de communiquer : un décret vient atténuer les difficultés nées de l’étonnante solution dégagée par la Chambre criminelle en matière de permis de communiquer
Dans une décision du 15 décembre 2021 (n° 21-85.670), la Chambre criminelle a restreint considérablement le champ des bénéficiaires des permis de communiquer délivré par les juges d’instructions sur demande de l’avocat d’une personne mise en examen.
En effet, aux termes de cette décision inattendue et étonnante, la Chambre criminelle a jugé, ainsi que le résume le site de la Cour de cassation, qu’ « Aucune disposition conventionnelle ou légale ne fait obligation au juge d’instruction de délivrer un permis de communiquer aux collaborateurs ou associés d’un avocat choisi, dès lors que ceux-ci n’ont pas été personnellement désignés par l’intéressé dans les formes prévues par l’article 115 du code de procédure pénale. Encourt dès lors la cassation l’arrêt de la chambre de l’instruction qui prononce la nullité d’une ordonnance de placement en détention provisoire rendue pas le juge des libertés et de la détention ayant refusé de délivrer des permis de communiquer à des collaborateurs et associés de deux avocats seuls nommément désignés par la personne mise en examen. »
Toutefois, conscient des grandes difficultés pratiques que cette décision allait engendrer, le gouvernement a très vite réagi en publiant un décret n° 2022-95 du 31 janvier 2022 relatif au permis de communiquer délivré à l’avocat d’une personne détenue, lequel insère un nouvel article au sein du code de procédure pénale qui permet d’indiquer le nom des collaborateurs ou associés de l’avocat de la personne mise en examen dans la demande de permis de communiquer et, naturellement, d’actualiser le permis initial :
« Art. D. 32-1-2.-La demande de permis de communiquer adressée au juge d’instruction par l’avocat désigné par la personne mise en examen détenue en application de l’article 115, y compris en application du dernier alinéa de cet article, ou par l’avocat commis d’office à sa demande en application de l’article 116, peut indiquer les noms des associés et collaborateurs pour lesquels la délivrance du permis est également sollicitée. Le permis de communiquer est alors établi au nom de ces différents avocats, y compris ceux qui n’ont pas été désignés par la personne mise en examen ou qui n’ont pas été commis d’office.
« L’avocat désigné ou commis d’office peut, en cours de procédure, demander un permis de communiquer actualisé en modifiant la liste des associés et collaborateurs concernés.
« Le permis de communiquer initial ou actualisé est mis à la disposition de l’avocat désigné ou commis d’office ou lui est adressé par tout moyen dans les meilleurs délais, sous réserve des nécessités du bon fonctionnement du cabinet d’instruction. Lorsque l’avocat est convoqué pour un interrogatoire ou un débat contradictoire, le permis est mis à sa disposition ou lui est envoyé au plus tard le premier jour ouvrable suivant la réception de la demande par le greffe du juge d’instruction. »
Pour accéder à l’arrêt de la Chambre criminelle : Décision – Pourvoi n°21-85.670 | Cour de cassation
Pour consulter le décret : Décret n° 2022-95 du 31 janvier 2022 relatif au permis de communiquer délivré à l’avocat d’une personne détenue – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
3. Les conséquences de la cassation d’un arrêt de la chambre d’instruction ayant ordonné des mises en examen supplétives
La Chambre criminelle (Cass. Crim., 4 janvier 2022, n° 21-81.279) est venue récemment préciser les conséquences de la cassation d’un arrêt aux termes duquel la chambre de l’instruction a infirmé une ordonnance de juges d’instruction ayant dit n’y avoir lieu aux réquisitions supplétives du Procureur de la République.
La Chambre criminelle a jugé que « La cassation remet la cause et les parties au même état où elles étaient avant la décision annulée. Elle postule l’annulation de tout ce qui a été la suite ou l’exécution des dispositions censurées. »
Aussi, la cassation d’un arrêt de la chambre de l’instruction « ayant ordonné la mise en examen supplétive des intéressés doit entraîner l’annulation, par voie de conséquence, de tout ce qui en a été la suite ou l’exécution, quand bien même les juges d’instruction conservaient la liberté, en application de l’article 116 du code de procédure pénale, de ne pas mettre les intéressés en examen. »
Pour lire l’arrêt : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 4 janvier 2022, 21-81.279, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
4. Fraude fiscale : Les Procureurs encouragés à recourir à la CRPC, la CJIP réservée aux dossiers à fort enjeu financier
Publiée le 8 octobre 2021 au Bulletin officiel du ministère de la justice, une circulaire du 4 octobre 2021 détaille les nouvelles instructions données aux procureurs en matière de lutte contre la fraude fiscale.
S’agissant de la mise en œuvre de l’action publique, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité immédiate (CRPC), définie aux articles 495-7 à 495-16 du code de procédure pénale, doit être un instrument privilégié par le parquet ; le ministre de la justice encourageant les procureurs à y recourir de la manière la plus large possible « tant dans les cas de fraude des personnes physiques que morales ».
Si se passer autant que possible d’une audience – pour une question de rapidité et d’efficacité – semble être le souhaite du ministre, le contradictoire n’est pas totalement oublié avec la mise en œuvre de la procédure prévue par l’article 77-2 du code de procédure pénale, lequel dispose en son I que :
« A tout moment de l’enquête préliminaire, le procureur de la République peut, lorsqu’il estime que cette décision ne risque pas de porter atteinte à l’efficacité des investigations, indiquer à la personne mise en cause, à la victime ou à leurs avocats qu’une copie de tout ou partie du dossier de la procédure est mise à la disposition de leurs avocats, ou à leur disposition si elles ne sont pas assistées par un avocat, et qu’elles ont la possibilité de formuler toutes observations qui leur paraîtraient utiles.
Ces observations peuvent notamment porter sur la régularité de la procédure, sur la qualification des faits pouvant être retenue, sur le caractère éventuellement insuffisant de l’enquête, sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes qui seraient nécessaires à la manifestation de la vérité et sur les modalités d’engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. »
A la lecture de la circulaire, cette procédure favoriserait le recours à la CRPC dans les cas où les faits sont initialement contestés :
« Pour les dossiers d’enquêtes préliminaires initialement contestés, une ouverture au contradictoire en application de l’article 77-2 du code de procédure pénale dans le cours de la procédure, accompagnée ou suivie d’une proposition de CRPC au conseil du mis en cause, pourra permettre de faciliter le recours à ce mode de poursuite. »
Pour ce qui concerne la Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), instaurée par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Loi Sapin II »), un tel dispositif devrait être réservé aux dossiers de fraude fiscale à fort enjeu financier.
Insistant sur le rôle renforcé qui devrait être celui du Parquet National Financier (PNF), la circulaire définit une liste de critères permettant de déterminer dans quels cas il serait pertinent de recourir à la CJIP, laquelle est applicable en matière de fraude fiscale et de blanchiment de fraude fiscale en application de l’article 41-1-2 du code de procédure pénale :
« L’opportunité de mettre en œuvre une CJIP pourra s’apprécier en fonction de plusieurs critères relatifs à la personne morale mise en cause :
– antécédents ;
– contexte de révélation des faits, et notamment le caractère volontaire de la révélation ;
– degré de coopération avec l’autorité judiciaire et avec l’administration fiscale dont la personne morale fait preuve. »
Pour consulter la circulaire : JUSD2129778C.pdf (justice.gouv.fr)
5. Jurisprudence pénale – en bref :
. Durée raisonnable de la détention provisoire :
Par un arrêt du 19 janvier 2022 (Cass. Crim., 19 janvier 2022, n° 21-86.277), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé que, pour apprécier le caractère raisonnable de la durée de la détention provisoire, la chambre de l’instruction n’a pas à prendre en considération « la durée de la privation de liberté subie à l’étranger ».
Pour consulter l’arrêt : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 19 janvier 2022, 21-86.277, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
. Précision sur l’effet dévolutif de l’appel devant la chambre de l’instruction :
Lorsqu’une personne mise en examen interjette appelle contre une ordonnance contre une ordonnance par laquelle le juge des libertés et de la détention a rejeté une demande de mise en liberté accompagnée d’une requête en mainlevée de l’isolement judiciaire, la chambre de l’instruction est compétente, par l’effet dévolutif de l’appel, pour se prononcer tant sur le rejet de la demande de mise en liberté que sur la mainlevée.
C’est ce qu’a rappelé la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. Crim., 4 janvier 2022, n° 21-85.869) au visa des articles 186 et R. 57-5-5, alinéa 2, du code de procédure pénale :
« 8. Il résulte du premier de ces articles que la personne mise en examen est recevable à interjeter appel de la décision du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.
9. Selon le second, le juge des libertés et de la détention, lorsqu’il statue sur la prolongation de la détention provisoire ou sur une demande de mise en liberté, peut mettre fin à l’isolement judiciaire de la personne détenue, d’office, sur réquisitions du procureur de la République ou à la demande de celle-ci.
10. Il s’ensuit que, dans ce cas, l’effet dévolutif de l’appel commande que la chambre de l’instruction puisse être saisie, par ce recours, en lieu et place du juge des libertés et de la détention, tant du contentieux de la détention provisoire que de celui du maintien à l’isolement, qui constitue une mesure d’exécution temporaire de cette détention accessoire à celle-ci.»
Pour lire la décision : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 4 janvier 2022, 21-85.869, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)