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Action en insertion forcée d’un droit de réponse : attention au délai de prescription trimestrielle

By | Brèves juridiques

Le litige entre la société coopérative à capital variable, EMRYS La Carte, et l’association UFC Que Choisir vient de connaître son épilogue avec l’arrêt de la Première Chambre civile de la Cour de cassation du 29 mars 2023[1].

Editrice du magazine Que choisir argent, UFC Que Choisir avait refusé de publier un droit de réponse à un article traitant des cartes et programmes de fidélité développés par EMRYS.

L’intérêt de cette affaire ne se trouve pas tant dans le refus de la haute juridiction, dans une précédente décision du 13 juillet 2022, de ne pas renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité[2], que dans le rappel du régime de prescription applicable en matière de droit de réponse : la Cour de cassation confirme l’alignement du délai de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur celui de l’article 65 de la même loi.

La demanderesse au pourvoi invoquait :

  • d’abord, le fait que le délai de prescription trimestrielle, prévu à l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ne pouvait être appliqué qu’à l’exercice d’une « action » publique ou civile et non à celui d’un « droit », à savoir celui de réponse défini à l’article 13 de cette même loi.

La Haute juridiction écarte logiquement ce moyen dès lors que la sanction d’un refus d’insertion de droit de réponse nécessite, naturellement, l’engagement d’une « action » en justice :

« c’est à bon droit que la cour d’appel a énoncé que l’action en justice afin de faire sanctionner le refus d’insertion d’un droit de réponse est soumise au délai de prescription de trois mois prévu à l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

  • ensuite, un « formalisme excessif» de la Cour d’appel de Toulouse qui se serait bornée « à considérer que cette action était soumise à la prescription trimestrielle sans se prononcer sur l’existence d’un calendrier de procédure et la volonté persistante du demandeur de maintenir son action ».

Ici encore, on voit mal comment la Cour de cassation aurait pu accueillir le moyen qu’elle juge d’ailleurs inopérant.

En effet, calendrier de procédure ou pas, il revient au « demandeur à l’action en insertion forcée d’un droit de réponse de s’assurer de l’accomplissement dans les délais requis des actes nécessaires à l’interruption de la prescription trimestrielle ».

La Première Chambre civile saisit ce moyen pour rappeler, comme elle l’avait fait pour motiver son refus de renvoyer la QPC susmentionnée, qu’en prévoyant un délai de prescription trimestrielle, le législateur a cherché à protéger la liberté d’expression tout en garantissant un recours effectif :

« L’existence d’un court délai de prescription édicté par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 a pour objet de garantir la liberté d’expression et ne prive pas le demandeur à l’action en insertion forcée de tout recours effectif, dès lors qu’il a la faculté d’interrompre la prescription par tout acte régulier de procédure manifestant son intention de continuer l’action. Ces règles sont suffisamment claires et accessibles pour permettre aux parties d’agir en conséquence (CEDH, ordonnance du 29 avril 2008, n° 24562/03 ; CEDH, ordonnance du 17 juin 2008, n° 39141/04). »

  • La demanderesse au pourvoi avait, enfin, soulevé devant la Cour d’appel de Toulouse que « le message RPVA de l’avocat des intimés déposé à la cour le 11 juin 2021 serait de nature à interrompre la prescription, en ce qu’il y est sollicité le renvoi de l’affaire pour permettre à l’avocat plaidant de prendre connaissance et répliquer aux conclusions de l’appelante déposées le 10 juin 2021». Pour la société EMRY, la Cour d’appel aurait dû « examiner si la fixation du calendrier de la procédure ne constituait pas un empêchement d’agir prévu par la loi ou la convention et, partant, un motif valable de suspension de la prescription ». Dans le même sens, les juges d’appel n’auraient pas légalement justifié leur décision « en jugeant irrecevable l’action exercée en insertion forcée du demandeur sans se prononcer sur l’attitude déloyale du défendeur, seul à l’origine de la prescription opportunément soulevée par lui ».

La Cour de cassation juge que :

« 10. La cour d’appel a, d’abord, énoncé à bon droit qu’un message RPVA adressé par l’avocat des défendeurs à l’action dans lequel ceux-ci sollicitent le renvoi de l’affaire pour permettre de répliquer aux conclusions du demandeur n’est pas de nature à interrompre la prescription trimestrielle.

      1. Ayant constaté, ensuite, qu’aucun acte régulier de procédure manifestant son intention de poursuivre l’action n’avait été effectué entre le 10 juin et le 25 septembre 2021 par la société demanderesse à l’action en insertion forcée, elle en exactement déduit, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la prescription était acquise. »

Dit autrement, et on le comprend fort bien, c’est sur le demandeur que pèse la responsabilité de veiller à l’interruption de la prescription trimestrielle et ce par un acte autrement plus formel qu’un message RPVA, qui plus est lorsqu’il n’en est pas l’auteur.

Vigilance donc, toujours et encore, à accomplir les actes requis pour interrompre la prescription en matière de presse.

[1] Cass. Civ. 1ère, 29 mars 2023, n° 22-10.875

[2] Ne présentait pas de caractère sérieux la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

« Les dispositions des articles 12 et 13 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881, combinées à celles de l’article 65 alinéa 1er de la même loi, en ce qu’elles prévoient que l’action en insertion forcée d’un droit de réponse est soumise à la prescription trimestrielle prévue pour l’exercice d’une action (civile ou publique) résultant d’un crime, d’un délit ou d’une contravention prévus par la loi sur la presse, portent-elles atteinte au droit d’accès à un juge, au droit à un recours effectif et à l’équilibre des droits des parties tels qu’ils sont garantis par les articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ? »

Affaire Pegasus : la Cour d’appel confirme l’irrecevabilité du Maroc

By | Actualités
🟩 Extraits de l’article du Journal du Dimanche, édition du 12 avril 2023 : 

 

« Lors de l’audience, l’avocat du Maroc, Olivier Baratelli, avait souligné que le pays n’agissait pas en tant que tel mais pour la défense de ses services secrets».

(…)

« Ici à Paris, l’État peut porter plainte au nom de ses services, pourquoi le Maroc ne le pourrait-il pas ? », interroge Me Baratelli qui regrette que les médias « refusent d’apporter les preuves de ce qu’ils désignent comme un scandale international et s’abritent derrière la procédure ».

 

👉🏼 Pour lire l’article directement sur Le Journal du Dimanche, cliquer sur ce lien :    Affaire Pegasus : la cour d’appel confirme l’irrecevabilité du Maroc 

 

🟩 Extraits de l’article du journal Le Monde, édition du 13 avril 2023 :

 

« Le Maroc « étudie l’opportunité d’un pourvoi en cassation pour faire valoir son droit d’agir contre les accusations calomnieuses portées par certains organes de presse ayant affirmé, sans la moindre preuve ou commencement de preuve, qu’il utiliserait le logiciel Pegasus », a indiqué dans un communiqué Olivier Baratelli, l’avocat du royaume».

 

👉🏼 Pour lire l’article directement sur le journal Le Monde, cliquer sur ce lien : Pegasus : la cour d’appel de Pris confirme l’irrecevabilité des poursuites du Maroc 

Suite (et fin ?) : pas de renvoi au Conseil constitutionnel de la QPC sur l’article 60-1-2 du Code de procédure pénale

By | Brèves juridiques

Comment identifier les auteurs du délit de diffamation publique envers un particulier alors que l’infraction a été commise « de manière anonyme et/ou sous pseudonyme, par le biais d’un moyen de communication en ligne » ?

Une question qui nous préoccupe depuis quelques temps déjà mais que le Conseil constitutionnel n’aura pas à trancher.

Cette préoccupation était née à la suite de l’adoption du nouvel article 60-1-2 du Code de procédure pénale ; lequel limite, rappelle la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 14 mars 2023, « la possibilité de requérir les données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés, mentionnées au 3° du II bis de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, aux procédures portant sur un délit puni d’au moins un an d’emprisonnement commis par l’utilisation d’un réseau de communications électroniques. ». Une limitation importante, donc, au droit au juge pour les victimes d’infractions de presse.

Saisie par la Cour d’appel de Versailles[1] d’une demande de renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur les dispositions de l’article 60-1-2 précité, la Chambre criminelle a jugé que la QPC ne présentait pas un caractère sérieux et ne pouvait, dès lors, être transmise aux sages de la rue de Montpensier.

La motivation retenue par la Chambre criminelle permet de faire un ultime (?) rappel des données susceptibles d’être obtenues ou requises afin de tenter d’identifier le ou les auteurs de propos diffamatoires :

  • en premier lieu, la Chambre criminelle juge qu’en limitant « aux procédures portant sur un délit puni d’au moins un an d’emprisonnement» la possibilité de requérir des données techniques, le législateur a entendu « renforcer les garanties répondant aux exigences constitutionnelles, compte tenu du caractère attentatoire à la vie privée de telles mesures, en tenant compte de la gravité de l’infraction recherchée et des circonstances de sa commission ».

Il est donc désormais clair qu’en matière de diffamation publique envers un particulier, délit qui expose son ou ses auteurs à une seule peine d’amende, il n’est plus possible de requérir les données techniques[2] afin d’identifier ce ou ces derniers.

  • en revanche, et en second lieu, « l’article 60-1-2 précité ne fait pas obstacle à ce que le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire par lui commis requière des opérateurs de communications électroniques, fournisseurs d’accès à internet et hébergeurs, la remise des données relatives à l’identité civile de l’utilisateur ou de celles fournies par celui-ci au moment de la création du compte. De telles informations peuvent donc être sollicitées par une victime de diffamation publique commis sur un réseau de communication électronique, infraction punie d’une peine d’amende.»

Il demeure donc possible d’obtenir les données d’identité civile[3], afin d’engager une procédure pénale qui ne serait pas vouée à l’échec.

Pour le reste, le défaut de caractère sérieux de la QPC est constaté en raison de l’absence :

  • d’abord, d’atteinte au droit à un recours effectif ou au droit à obtenir réparation, dans la mesure où rien n’empêche « la victime de mettre en mouvement l’action publique devant la juridiction d’instruction ou, le cas échéant, directement devant la juridiction de jugement » ;

 

  • ensuite, d’atteinte au principe d’égalité devant la loi pénale dès lors qu’ « en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu limiter les ingérences dans le droit au respect de la vie privée, eu égard au caractère particulièrement attentatoire de ces réquisitions, en fonction de la gravité des infractions poursuivies, sans instaurer de discrimination injustifiée entre les victimes. ».

Doit-on, en définitive, être rassuré par la motivation retenue par la Chambre criminelle ? Sans doute un peu.

Toutefois, on aimerait, pour être certain de l’efficacité des seules données d’identité civile dans la recherche des auteurs de délits punis d’une seule peine d’amende, telles que la diffamation publique, avoir un peu de recul.

A voir donc en pratique.

[1] CA Versailles, 6 décembre 2022.

[2] Dont on a indiqué la nature précise dans une précédente news. Ainsi qu’en dispose le IV de l’article R.10-13 du code des postes et communications électroniques :

« IV.-Les données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés, mentionnées au 3° du II bis de l’article L. 34-1, que les opérateurs de communications électroniques sont tenus de conserver, sont :

1° L’adresse IP attribuée à la source de la connexion et le port associé ;

2° Le numéro d’identifiant de l’utilisateur ;

3° Le numéro d’identification du terminal ;

4° Le numéro de téléphone à l’origine de la communication. »

[3] Voir notre précédente news concernant la possibilité d’obtenir les données d’identification dans le cadre d’une procédure en référé fondé sur l’article 145 du Code de procédure civile (ordonnance du Président du Tribunal judiciaire de Paris ; affaire dans laquelle les actions envisagées concernaient de possibles faits de dénigrement et de cyberharcèlement).

Lombard Baratelli Astolfe & associés reçoit deux médailles d’or au Palmarès Le Monde du Droit 2023

By | Distinctions

📣 Lombard Baratelli Astolfe & associés est fière de toute son équipe, classée une nouvelle fois sur le podium du Palmarès Le Monde du droit 2023 :

🥇Médaille d’or : Droit pénal des affaires

🥇Médaille d’or : Médias et presse

 

❈ Tableaux des classements :

Lombard Baratelli Astolfe & associés remercie chaleureusement tous ses clients pour leur fidélité et leur confiance renouvelées.

 

👉🏼 Pour voir le classement directement sur le site internet du palmarès Le Monde du droit 2023 : https://www.palmaresdudroit.fr/laureats/2023/palmares-2023.html

 

Classement 2022 – 2023 Décideurs Magazine – catégories « excellent » et « forte notoriété »

By | Distinctions

🏆 Classement des meilleurs avocats de France : le cabinet Lombard Baratelli Astolfe & associés de nouveau récompensé cette année et classé parmi les meilleurs avocats par Décideurs Magazine :

◼ dans la catégorie « Excellent » en droit pénal des affaires

◼ et « forte notoriété » en droit pénal du travail

Lombard Baratelli Astolfe & associés renouvelle tous ses remerciements à ses clients pour leur fidélité et leur confiance, ainsi que toute son équipe pour son implication.

👉🏼 Pour voir le classement directement sur le site internet de Décideurs Magazine : https://www.leadersleague.com/fr/firm/lombard-baratelli-associes/

Santé publique, dénigrement et liberté d’expression : nouvel épisode de la saga YUCA

By | Brèves juridiques

Pour avoir attribué une note de 9/100 et classé « mauvais », un produit contenant comme additif du nitrite de sodium (E250), le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a dit, par jugement du 13 septembre 2021, que la SAS YUCA[1] « a exercé, et exerce, une pratique commerciale déloyale et trompeuse au préjudice » de son fabricant et, partant, a considéré que YUCA « a commis, et commet, des actes de dénigrement » à son encontre.

La société YUCA ayant interjeté appel, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a, par un arrêt du 8 décembre 2022[2], infirmé le jugement de première instance « dans l’intégralité de ses dispositions ».

Au soutien de ses demandes en appel, outre la requalification des faits en diffamation et, partant, de l’action en une procédure visant à réparer une atteinte à l’honneur et à la considération[3], la société appelante estimait notamment, au fond, qu’il devait être fait application « des textes constitutionnels et conventionnels relatifs à la liberté d’expression » dans le cadre d’un débat d’intérêt général.  YUCA évoquait aussi les règles relatives au droit d’alerte en matière sanitaire.

La Cour était donc appelée à procéder à un exercice délicat ; à savoir celui d’une articulation entre, d’un côté, des faits susceptibles de constituer une diffamation ou un dénigrement, de l’autre, la protection de la liberté d’expression.

C’est, en effet, au regard de cette liberté et des textes qui la consacrent, insiste la Cour, que les conditions d’engagement de la responsabilité de la société YUCA doivent être examinées :

« il est donc ni contesté, ni contestable, que le service offert par le consommateur est un service d’information mais aussi un outil pour permettre à ce consommateur d’agir auprès des industriels dans le but d’obtenir une amélioration des produits offerts ; le fait que la société YUCA ait un statut commercial, et qu’elle puisse tirer un profit économique de cette activité, est sans incidence sur ce constat.

Toute activité, fut-elle à but commercial, ayant pour finalité l’information de tiers et la diffusion d’opinion est protégée par la liberté d’expression[4] telle que garantie par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen inscrite au préambule de la Constitution et l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, dans les limites prescrites par ces textes tels qu’interprétés par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Il convient en conséquence d’examiner la responsabilité de la société YUCA dans le cadre de son activité commerciale en tenant compte de ces règles relatives à la liberté d’expression, principe général du droit. »

Sur la requalification des faits en faits constitutifs de diffamation, la Cour d’appel précise que lorsqu’une allégation vise un produit, celle-ci « ne peut constituer un acte diffamatoire, sauf lorsque cette allégation est destinée de manière exprès à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de son fabricant ou de son distributeur clairement identifié. ».

Tel n’était pas le cas en l’espèce, les informations diffusées ne comportant « aucune allégation concernant la société » fabriquant le produit ; laquelle société n’apparaissant par ailleurs « dans aucune des mentions et informations contestées ».

Aussi, les juges d’appel considèrent que ce n’est pas sur le terrain de la loi sur la liberté de la presse mais sur ceux de la pratique commerciale déloyale, de la pratique commerciale trompeuse[5] et du dénigrement que l’affaire doit être examinée.

Sur la question de l’exercice d’une pratique commerciale déloyale, la Cour retient pour infirmer le jugement de première instance, que « si le fait d’informer le consommateur, par le biais d’une application, sur les qualités d’un produit proposé dans un magasin doit être considéré comme une action en relation directe avec la vente de ce produit » et, partant, « une pratique commerciale »[6], la société YUCA a, en l’espèce, fait preuve de diligence professionnelle dans la présentation du produit en cause :

  • en fournissant au consommateur, en les explicitant[7], les critères aux termes desquels la note et l’évaluation du produit a été faite
  • en ne dérogeant pas aux règles méthodologiques mises en place par l’application pour ce produit en particulier ; dérogation qui aurait pu avoir pour effet de le défavoriser.

Mais, l’intérêt principal de l’arrêt ici commenté concerne les faits de dénigrement – et la responsabilité extracontractuelle –  reprochés à la société appelante et la manière dont la Cour opère son contrôle au regard de la protection de la liberté d’expression dont bénéficie, selon elle, l’activité de la société YUCA ; « fût-elle commerciale ».

Le dénigrement, qui n’exige pas une situation de concurrence directe et effective entre deux personnes pour être constitué, « consiste à divulguer, par tout moyen, une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général, repose sur une base factuelle suffisante, et qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure »[8].

Intérêt général, base factuelle suffisante, une certaine mesure, voici des termes qui nous paraissent familiers dès lors qu’est en jeu la protection de la liberté d’expression en droit de la presse ou plus largement en matière de diffamation.

La question était donc ici de savoir si le discrédit jeté sur le produit fabriqué par la société intimée – lequel n’est pas contestable au vu de la note attribuée (9/100) et du commentaire « mauvais », constitue un acte de dénigrement fautif ou si la société YUCA pouvait bénéficier du régime protecteur de la liberté d’expression.

L’analyse de la Cour d’appel, dont dépend le bénéficie du régime protecteur de la liberté d’expression, revêt, de toute évidence, une importance fondamentale pour la société appelante dans la mesure où « cette notation et cette évaluation sont l’objet même de l’application YUKA dans le cadre de son activité d’information ». En l’espèce :

  • sur l’existence d’un débat d’intérêt général, la réalité d’un débat public « sur la nocivité des additifs nitrés dans l’alimentation», la Cour estime qu’elle est établie au vu des pièces produites par l’appelante, à savoir, outre des articles de presse, « la proposition de loi datée du 3 février 2022 relative à l’interdiction de ces additifs ».

On relèvera, d’ailleurs, que les juges d’appel insistent sur le fait qu’ils ont la charge d’apprécier la seule existence dudit débat public et non de se prononcer sur le rapport bénéfice-risque de l’emploi de telles substances. C’est donc bien cette seule réalité du débat public, qui se traduit notamment par des discussions au sein de la communauté scientifique, qu’il appartient aux juges du fond de contrôler.

  • sur la base factuelle suffisante, en cohérence avec l’infirmation du jugement de première instance quant l’existence d’une pratique commerciale déloyale, la Cour d’appel juge que « Les articles scientifiques reproduits par la société YUCA sur son site (…)», qui « sont issus d’un travail de recherche non contestable », « constituent une base factuelle suffisante pour diffuser une allégation concernant le danger que pourrait représenter l’utilisation de l’additif E 250 pour la santé humaine ».

Ces mêmes articles scientifiques, appuie la Cour, et en particulier les travaux les plus récents, « confirment pour le moins qu’il est possible, sans excéder le droit à la liberté d’expression, de divulguer sur une base documentaire réelle l’information selon laquelle l’ajout d’additifs nitrés dans l’alimentation peut être considéré comme dangereux pour la santé ».

  • ce sont ces mêmes motifs qui ont convaincu les juges d’appel de la satisfaction du dernier critère. Plus précisément, il est jugé que « pour les mêmes motifs factuels, l’utilisation du terme « risque élevé » et la mention de présence d’agents génotoxiques et cancérogènes, termes repris notamment par l’agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, ne peuvent être considérés comme dépassant la mesure requise dans le cadre de la diffusion d’informations» ; ce qu’ils ne pourraient être, ajoute la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, que si la société YUCA se présentait comme ce qu’elle n’est pas, à savoir une « autorité scientifique officielle et reconnue ».

Pour dire les choses autrement, si l’on était ici en matière de diffamation, on y verrait la démonstration de la « bonne foi » de l’auteur des propos incriminés.

Les réponses apportées ici par la Cour d’appel aux critères de l’intérêt général, de la base factuelle suffisante et du degré de mesure sont d’autant plus intéressantes que son arrêt du 8 décembre 2022 n’est que le dernier épisode en date d’une série toujours en cours ; d’autres juridictions d’appel étant amenées à se prononcer sur des contentieux similaires dans les mois à venir.

L’avenir de la société appelante et de son application sont en jeu mais aussi, davantage, celui d’une liberté d’expression « 2.0 » qui conditionne l’information des consommateurs à la véracité scientifique des allégations diffusées ou, à tout le moins, à une suffisante base factuelle traduisant l’existence voire la nécessité d’un débat public.

[1] Qui développe l’application « YUKA » (YUCA pour la société, YUKA pour l’application) pour mobile visant à informer le consommateur sur les produits alimentaires et cosmétiques, notamment leur composition, et leurs éventuels risques pour la santé.

[2] CA Aix-en-Provence, 8 décembre 2022, RG n° 21/14555.

[3] Il était ainsi soulevé que l’action était soumise aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881 et que, par voie de conséquence, l’assignation devait être annulée et subsidiairement « déclarée prescrite et en outre irrecevable pour défaut d’intérêt à agir ».

[4] Mis en gras et souligné par nos soins.

[5] La Cour infirmera le jugement du Tribunal de commerce d’Aix-en-Provence au motif que la pratique commerciale trompeuse, au sens de l’article L.21-2 2° du Code de la consommation, qualifie le bien ou le service « proposé par l’auteur des allégations ». C’est donc à bon droit, estiment les juges d’appel, que la société YUCA a pu contester devant eux l’application de cette qualification au litige dès lors que « le caractère mensonger des allégations et indications lui étant reproché ne [concerne] pas des services proposés par elle, mais des produits fabriqués par un tiers. ».

[6] Au sens de l’article 2 d) de la directive 2005/29 CE et de l’article L.121-1 du Code de la consommation, aux termes duquel « Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. ».

[7] En indiquant au consommateur les sources scientifiques sur lesquelles la société YUCA s’est appuyée pour évoquer « le caractère « probablement « cancérogène pour l’homme » des composés de nitrite selon le Centre International de recherche sur le cancer et l’augmentation du risque d’apparition de maladies du sang ».

[8] La Cour d’appel reprenant ici l’attendu de principe de l’arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 9 janvier 2019 (n° 17-18.350).

Soupçons de corruption au Togo : la reconnaissance de culpabilité de Vincent Bolloré retirée du dossier

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Extrait de l’article du journal Le Monde publié le 21 mars 2023 :

La défense de M. Bolloré, qui avait demandé l’annulation totale de l’instruction et de la mise en examen de son client, au motif que sa présomption d’innocence avait été violée par la publicité de l’audience de CRPC, s’est également félicitée. « C’est une décision judiciaire rare, a déclaré au Monde l’avocat Olivier Baratelli. La justice sait reconnaître ses erreurs lorsqu’elle en commet. De nombreuses pièces ont été annulées, la procédure va pouvoir sereinement reprendre son cours. » « C’est une première étape fondamentale », a pour sa part précisé l’avocate de la défense Céline Astolfe, ajoutant que « le fort écho donné à cette CRPC ne permet [cependant] pas à Vincent Bolloré d’être jugé de manière équitable ».

 

👉🏼 Pour lire l’article directement sur le site du journal Le Monde, cliquer ici :

Soupçons de corruption au Togo : la reconnaissance de culpabilité de Vincent Bolloré retirée du dossier 

Le chemin de croix de Bruno Monnier aux Baux-de-Provence

By | Actualités

Maître Olivier BARATELLI, avocat de Bruno MONNIER :

« Le tribunal a fait la part des choses : il ne reste qu’une critique de pure forme. La fable de Jean Montaldo n’a pas résisté à une étude précise par le tribunal qui n’a pas hésité à relaxer sur l’essentiel ». (Extrait de l’article du Journal des Arts n°606 du 3 au 16 mars 2023)

Liberté d’expression : la CEDH précise les critères de protection des lanceurs d’alerte

By | Brèves juridiques

Tout est une histoire d’équilibre.

Depuis 2008, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a cherché à atteindre cet équilibre, celui entre la protection de la liberté d’expression des lanceurs d’alerte et l’éventuelle sanction en raison du préjudice causé à l’employeur du fait de la divulgation d’informations confidentielles, recueillies sur leur lieu de travail.

L’exercice peut s’avérer difficile dès lors que l’employé est tenu, dans le cadre de sa relation de travail, à un devoir de loyauté, de réserve et de discrétion.

Pour déterminer si une sanction du lanceur d’alerte a causé une ingérence disproportionnée dans l’exercice de son droit à la liberté d’expression, la Cour a défini 6 critères dans l’arrêt Guja c. Moldavie du 12 février 2018[1] :

  • l’existence ou non d’autres moyens pour procéder à la divulgation ;
  • l’intérêt public présenté par les informations divulguées ;
  • l’authenticité des informations divulguées ;
  • le préjudice causé à l’employeur ;
  • la bonne foi du lanceur d’alerte ;
  • la sévérité de la sanction.

La Cour s’étant toujours refusée à donner une définition précise du lanceur d’alerte, c’est à un examen concret de chaque situation qu’elle se livre pour dire s’il y a eu ou non violation de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Dans son arrêt de Grande Chambre du 14 février 2023[2], la Cour s’est prononcée sur le renvoi d’un arrêt de chambre du 11 mai 2021 qui avait conclu à une absence de violation de l’article 10 précité dans l’affaire dite « LuxLeaks », alors qu’un lanceur d’alerte avait été condamné en appel à 1.000 euros d’amende et au paiement d’un euro symbolique de dommages et intérêts, pour avoir divulgué « quatorze déclarations fiscales et deux courriers d’accompagnement » qui furent repris dans l’émission « Cash investigation » et « mis en ligne par une association regroupant des journalistes, dénommée « International Consortium of Investigative Journalists » (« ICIJ ») ».

Dans son arrêt de 2021, la Cour avait considéré que l’intérêt public de la divulgation n’était pas suffisant pour compenser le préjudice subi par l’employeur du lanceur d’alerte.

En Grande Chambre, la Cour adopte une solution différente et conclut à une violation de l’article 10 de la Convention au motif, notamment, que les informations divulguées étaient bien de celles présentant un intérêt public[3] et, partant, susceptibles de justifier une alerte car « touchant au fonctionnement des autorités publiques dans une société démocratique et provoquant, dans le public, un débat suscitant des controverses (…) ».

« Quant à la mise en balance entre l’intérêt public que présente l’information divulguée et les effets dommageables de la divulgation », la CEDH précise, d’abord, que le contexte dans lequel s’opère la divulgation doit être apprécié. En l’espèce, les informations divulguées s’inscrivaient dans la continuité d’un débat public sur les pratiques fiscales au Luxembourg mais aussi dans le reste de l’Europe et, en particulier, en France. A cet égard, les juges de la Grande Chambre rappellent que :

« qu’un débat public peut s’inscrire dans la continuité et être nourri par des éléments d’informations complémentaires (Dammann, précité, § 54, et Colaço Mestre et SIC – Sociedade Independente de Comunicação, S.A. c. Portugal, nos 11182/03 et 11319/03, § 27, 26 avril 2007). Des révélations qui portent sur des faits d’actualité ou débats préexistants peuvent également servir l’intérêt général (Couderc et Hachette Filipacchi Associé, précité, § 114). En effet, un débat public n’est pas figé dans le temps et, ainsi que le fait valoir MLA[4], « l’attitude des citoyens sur des questions d’intérêt public est évolutive » (paragraphe 98 ci-dessus). Dès lors, pour la Cour, la seule circonstance qu’un débat public sur les pratiques fiscales au Luxembourg était déjà en cours au moment où le requérant divulgua les informations litigieuses ne saurait en soi exclure que ces informations puissent, elles-aussi, présenter un intérêt public au regard du débat ayant suscité des controverses en ce qui concerne les pratiques fiscales des sociétés en Europe, et en particulier en France (voir paragraphes 187 à 192 ci-dessous) et de l’intérêt légitime du public à en connaître. »

Ensuite, la Cour considère que l’appréciation des effets dommageables de la divulgation ne doit pas se faire au regard des seuls impacts financiers éventuels pour l’employeur ; lequel a subi un préjudice de réputation dont « la réalité n’apparaît pas avérée sur le long terme »[5]. La CEDH relève ainsi que, « sur le second plateau de la balance », la Cour d’appel ayant condamné le lanceur d’alerte :

« s’est contentée de placer le seul préjudice subi par PwC et a seulement tenu compte de la circonstance que l’employeur du requérant avait été « associé à une pratique d’évasion fiscale, sinon à une optimisation fiscale », qu’il avait été « victime d’infractions pénales » et avait « subi nécessairement un préjudice » (paragraphe 35 ci-dessus).

200. Certes, aux yeux de la Cour, les éléments d’appréciation retenus par la Cour d’appel en ce qui concerne le préjudice subi par PwC, à savoir « l’atteinte à l’image » et « une perte de confiance » (paragraphe 35 ci-dessus), sont incontestablement pertinents. Pour autant, la Cour d’appel s’est contentée de les formuler en termes généraux, sans apporter de précision permettant de comprendre pourquoi elle a finalement estimé qu’un tel préjudice, dont la nature et la portée n’ont au demeurant pas été déterminées de manière circonstanciée, était « supérieur à l’intérêt général » que présentait la divulgation des informations litigieuses. La Cour en déduit que la Cour d’appel n’a pas placé, dans le second plateau de la balance, l’ensemble des effets dommageables qu’il convenait de prendre en compte.»

Il est donc revenu à la Grande Chambre de procéder « elle-même à la mise en balance des intérêts en présence » ; laquelle lui a permis de conclure que l’intérêt public « attaché à la divulgation », dans le cas d’espèce, l’emporte sur « l’ensemble des effets dommageables » :

« À cet égard, elle rappelle qu’elle a reconnu que les informations révélées par le requérant présentaient indéniablement un intérêt public (paragraphes 191-192 ci-dessus). Dans le même temps, elle ne saurait ignorer que la divulgation litigieuse s’est faite au prix d’un vol de données et de la violation du secret professionnel qui liait le requérant. Ceci étant, elle relève l’importance relative des informations divulguées, eu égard à leur nature et à la portée du risque s’attachant à leur révélation. Au vu des constats opérés ci-dessus (paragraphes 191-192 ci- dessus) quant à l’importance, à l’échelle tant nationale qu’européenne, du débat public sur les pratiques fiscales des multinationales auquel les informations divulguées par le requérant ont apporté une contribution essentielle, la Cour estime que l’intérêt public attaché à la divulgation de ces informations, l’emporte sur l’ensemble des effets dommageables. »

Enfin, sans revenir sur l’intégralité des 6 critères précités – lesquels étaient satisfaits en l’espèce –  , il est important de signaler la précision apportée par la Cour au premier d’entre eux, à savoir le critère de « l’existence ou non d’autres moyens pour procéder à la divulgation ».

En effet, si la voie interne (saisie de sa hiérarchie par le lanceur d’alerte) doit être privilégiée à la voie externe, la Cour rappelle que « cet ordre de priorité entre canaux internes et canaux externes de signalement ne revêt pas, dans la jurisprudence de la Cour, un caractère absolu. ».

Concrètement, cela signifie qu’il peut exister des situations dans lesquelles les « mécanismes internes de signalement » ne sont pas adaptés ; ce qui peut justifier le « recours direct à une « voie externe de dénonciation » ».

Tel était ici le cas dès lors que « les pratiques d’optimisation fiscale au bénéfice de grandes multinationales et les déclarations fiscales – actes juridiques d’information (paragraphe 28 ci-dessus) préparées par l’employeur du requérant pour le compte de ses clients, à destination des services fiscaux luxembourgeois, étaient légales au Luxembourg » et que, partant, « Elles ne révélaient donc rien de répréhensible, au sens de la loi, qui aurait justifié que le requérant tente d’alerter sa hiérarchie afin qu’il fût mis un terme à des agissements constituant l’activité normale de son employeur ».

Il est donc particulièrement important de relever que, ce faisant, la CEDH conforte la protection de la liberté d’expression des lanceurs d’alerte ; lesquels, lorsque les pratiques révélées sont légales, ne peuvent divulguer des informations d’intérêt public que par la voie d’un canal externe :

« La Cour considère que, dans pareil cas, seul le recours direct à un canal externe de divulgation est susceptible de constituer un moyen efficace d’alerte. Ainsi que le fait valoir MLA, dans certaines circonstances, le recours aux médias peut s’avérer être la condition de l’efficacité du lancement d’alerte (paragraphe 97 ci-dessus). Dans ces conditions, lorsque sont en cause des agissements ou des pratiques portant sur les activités habituelles de l’employeur et qui n’ont, en soi, rien d’illégal, le respect effectif du droit de communiquer des informations présentant un intérêt public suppose d’admettre le recours direct à une voie externe de divulgation, se traduisant, le cas échéant, par la saisine des médias. C’est d’ailleurs ce que la Cour d’appel a admis, en l’espèce, en jugeant que le requérant ne pouvait pas agir autrement, et qu’« une information du public par un média était, en l’occurrence, et vu les circonstances, la seule alternative réaliste pour lancer l’alerte » (paragraphe 34 ci-dessus). La Cour tient à souligner qu’un tel constat est cohérent avec sa jurisprudence. »

A la lecture de l’arrêt Halet c. Luxembourg, la protection des lanceurs d’alerte ressort incontestablement renforcée.

En effet, en insistant sur la « légitimité » d’une divulgation externe d’informations lorsque les comportements en cause sont légaux, d’une part, en précisant – ou en élargissement selon l’opinion dissidente commune annexée à la décision – le critère de l’intérêt public, d’autre part, la CEDH poursuit la construction d’une jurisprudence toujours plus protectrice des lanceurs d’alerte.

Au mépris de notions pourtant tout aussi précieuses dans une société démocratique telles que le secret professionnel ? La prise en compte par les juridictions nationales de la solution retenue par la Cour de Strasbourg et son articulation avec le régime juridique interne[6] de protection des lanceurs d’alerte seront à surveiller de près.

 

 

[1] CEDH, 12 février 2018, Guja c. Moldavie, n° 14277/04.

[2] CEDH, 14 février 2023, Halet c. Luxembourg, n° 21884/18.

[3] L’opinion dissidente de 4 des 17 juges composant la Grande Chambre, annexée à l’arrêt, évoque un « élargissement [considérable] de la « notion d’intérêt public » qui « doit être attaché à l’information divulguée pour pouvoir faire bénéficier le lanceur d’alerte d’une protection. ». Plus précisément, ces 4 juges considèrent qu’au « signalement par un employé des actes, des pratiques ou des comportements illicites, sur le lieu de travail » et « ceux qui sont qui sont répréhensibles tout en étant légaux », l’arrêt du 14 février 2023 y ajoute une troisième catégorie de comportements « entièrement nouvelle en matière de lancement d’alerte, à savoir « certaines informations touchant au fonctionnement des autorités publiques dans une société démocratique et provoquant, dans le public, un débat suscitant des controverses de nature à faire naître un intérêt légitime de celui-ci à en connaître, afin de se forger une opinion éclairée sur la question de savoir si elles révèlent ou non une atteintes à l’intérêt public » (paragraphe 138), tout en précisant que les informations peuvent aussi porter sur des comportements d’acteurs privés (paragraphe 142). ».

Les 4 magistrats dénoncent « un critère excessivement flou ». Il est vrai, comme ces derniers le soulignent, que, d’une part, « l’intérêt de la divulgation va décroissant selon que l’on se trouve dans la première, la deuxième ou la troisième catégorie », d’autre part, que s’agissant de la catégorie « nouvelle » selon eux du « débat suscitant des controverses », celle-ci met à mal les notions de secret professionnel et de confidentialité. C’est la raison pour laquelle, afin de ne pas créer davantage d’insécurité juridique, la solution retenue ici par la Cour, et qualifiée dans l’opinion dissidente commune de « revirement de jurisprudence », devrait voir ses effets modulés dans le temps.

[4] Maison des Lanceurs d’alerte, tiers intervenant dans la procédure.

[5] Communiqué de presse du 14 février 2023.

[6] Article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II », dont la rédaction est issue de l’article 1er de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte :

 

« I.-Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles mentionnées au I de l’article 8, le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance.

II.-Les faits, informations et documents, quel que soit leur forme ou leur support, dont la révélation ou la divulgation est interdite par les dispositions relatives au secret de la défense nationale, au secret médical, au secret des délibérations judiciaires, au secret de l’enquête ou de l’instruction judiciaires ou au secret professionnel de l’avocat sont exclus du régime de l’alerte défini au présent chapitre.

III.-Lorsque sont réunies les conditions d’application d’un dispositif spécifique de signalement de violations et de protection de l’auteur du signalement prévu par la loi ou le règlement ou par un acte de l’Union européenne mentionné dans la partie II de l’annexe à la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, le présent chapitre ne s’applique pas.

Sous réserve de l’article L. 861-3 du code de la sécurité intérieure, lorsqu’une ou plusieurs des mesures prévues aux articles 10-1,12 et 12-1 de la présente loi sont plus favorables à l’auteur du signalement que celles prévues par un dispositif spécifique mentionné au premier alinéa du présent III, ces mesures s’appliquent. Sous la même réserve, à défaut de mesure équivalente prévue par un tel dispositif spécifique, les articles 13 et 13-1 sont applicables. ».

Me Olivier BARATELLI, avocat de l’Olympique de Marseille, partie civile dans une affaire d’exercice illégal de la profession d’agent de joueur

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« Karim Aklil jugé pour exercice illégal de la profession d’agent de joueur »

◾ « Karim Aklil comparaît ce mercredi pour avoir discuté avec l’Olympique de Marseille, en 2008 et 2009, des transferts de Souleymane Diawara et de Mamadou Niang, alors qu’il n’avait pas (encore) de licence ».

👉🏼 Pour lire l’article publié par L’Equipe : https://www.lequipe.fr/Football/Article/Karim-aklil-juge-pour-exercice-illegal-de-la-profession-d-agent-de-joueur/1384611 

 

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Article publié sur La Provence du 9 mars 2023 : 

 

« En partie civile, l’avocat de l’OM, Me Olivier Baratelli, voit un autre lien d’intérêt à ce binôme : « Monsieur Barresi faisait peur, monsieur Aklil faisait le reste » tacle-t-il. « Karim Aklil fait parti d’un entourage aux noms lourd de sens, avec les Barresi et Anigo, qui sont sur une liste noire. Le nouvel actionnaire entend désormais dénoncer toutes les infractions qui pourraient être portées à sa connaissance et récupérer les préjudices du passé », poursuit la défense de l’OM, en chiffrant le manque à gagner pour le club à 2,6 millions d’euros. « Pendant des années, l’OM a été la poule aux œufs d’or. Il fallait faire un maximum de transactions pour que tous puissent se payer sur la bête », appuie le prcureur, Jean-Yves Lourgouilloux. En défense, on refuse de rejouer le match précédent, qui s’est achevé par un non-lieu général. « Ce qu’on reproche à mon client aujourd’hui, c’est de la pipette », balaye Me Rebufat. Ce procès est une faute de droit. Il n’a jamais signé aucun contrat et il n’a agi que sous la direction de Didier Girard », recadre-t-il. »

 

👉🏼 Pour lire l’article publié par La Provence : https://www.cafeyn.co/fr/article/a05689/la-provence-marseille/2023-03-09/faux-agent-ou-victime-du-systeme 

 

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Article publié sur France 3 Provence – Alpes – Côte d’Azur le 9 mars 2023 : 

« Me Olivier Baratelli, interrogé sur le contrôle des licences professionnelles des agents, « les vérifications sont faites et l’ont toujours été, car le club est intransigeant en la matière. Quand il y a une erreur, une exception comme c’est le cas de Monsieur Karim Aklil, le club remplit sa mission et se constitue partie civile pour dénoncer les faits« .

Depuis cette affaire Karim Aklil a cessé ses activités d’agent de joueur. Le procureur a requis à son encontre un an de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende. Le jugement sera rendu le 10 mai. »

 

👉🏼 Pour lire l’article publié par rance 3 Provence – Alpes – Côte d’Azur :  https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/bouches-du-rhone/marseille/foot-karim-aklil-juge-pour-exercice-illegal-de-la-profession-d-agent-de-joueurs-a-marseille-2729034.html