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Un Etat n’est pas assimilable à un particulier au sens de l’alinéa 1er de l’article 32 de la loi 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et n’est, en conséquence, pas recevable à engager une poursuite en diffamation sur ce fondement

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Représenté par son Ambassadeur à Paris, le Royaume du Maroc a porté plainte et s’est constitué partie civile devant le doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Paris du chef de diffamation publique envers un particulier sur le fondement des articles 23, 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, à la suite, notamment, de la publication en octobre 2015 d’un article dont cet Etat estimait certains passages diffamatoires.

Ladite constitution de partie civile ayant été jugée irrecevable par un juge d’instruction, irrecevabilité confirmée en appel, le Royaume du Maroc s’est pourvu en cassation.

Réunie en Assemblée plénière, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi et motivé ainsi sa décision :

« Mais attendu, d’abord, que l’article 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne permet pas à un Etat, qui ne peut pas être assimilé à un particulier au sens de ce texte, d’engager une poursuite en diffamation sur le fondement de cette loi ;

Attendu, ensuite, que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, 21 février 1986, James et autres c. Royaume-Uni, n° 8793/79, § 81 ; CEDH, 14 septembre 2017, Károly Nagy c. Hongrie [GC], n° 56665/09), les organes de la Convention ne peuvent pas créer, par voie d’interprétation de son article 6, § 1, un droit matériel de caractère civil qui n’a aucune base légale dans l’Etat concerné ; qu’en conséquence, aucun Etat, qui soutient être victime d’une diffamation, ne peut agir en réparation de son préjudice et que, dès lors, il n’existe aucun droit substantiel dont le droit processuel devrait permettre l’exercice en organisant, conformément à l’article 6, § 1, précité, un accès au juge de nature à en assurer l’effectivité ; »

Cass. Ass. Plén., 10 mai 2019, n° 17-84.509 ; n° 17-84.511 ; n° 18-82.737

L’opportunité d’ordonner un supplément d’information relève de l’appréciation souveraine de la Chambre de l’instruction

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L’opportunité d’ordonner un supplément d’information relève de l’appréciation souveraine de la Chambre de l’instruction

Dans la mesure où il s’agit d’une question de fait, la Chambre criminelle a pu préciser que la Cour de cassation ne saurait contrôler l’opportunité d’ordonner un supplément d’information qui relève de l’appréciation souveraine de la chambre de l’instruction « dès lors qu’il a été répondu sans insuffisance ni contradiction aux articulations essentielles du mémoire déposé ; ».

Cass. Crim., 9 mai 2019, n° 18-81.743

Constitution de partie civile et personne morale de droit public

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Admission d’une constitution de partie civile pour une personne morale de droit public sous réserve de la production d’une délibération prise en assemblée générale :

Par exception au principe selon lequel l’action civile n’est pas ouverte à une personne morale de droit public – dans la mesure où il existe déjà une action publique exercée par le ministère public ; lequel représente d’ailleurs les intérêts publics – la Chambre criminelle de la Cour de cassation admet, dans des hypothèses limitées, qu’une telle personne morale puisse se constituer partie civile.

C’est le cas notamment en matière de diffamation publique envers une administration publique.

Cependant, et malgré la décision n° 2013-350 QPC du Conseil constitutionnel rendue le 25 octobre 2013 qui a rendu possible, dans le domaine régi par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la constitution de partie civile par voie d’action ou d’intervention pour les personnes morales de droit public, il demeure que la personne morale victime d’une telle infraction doit être en mesure de produire une délibération de son assemblée générale relative à ladite constitution.

En l’espèce, la précision apportée par la Cour de cassation est que la notion « d’assemblée générale » doit être interprétée, s’agissant des personnes publiques, comme celle désignant l’organe délibérant. C’est ainsi que, pour la Caisse nationale d’allocation familiale – qui d’ailleurs n’est pas à proprement parler une personne morale de droit public mais un organisme privé chargé d’une mission de service public qui ne dispose pas d’une « assemblée générale » – , l’administration publique qui s’estimait diffamée était dans l’obligation de produire, à défaut d’une délibération prise en assemblée générale, un acte similaire de son organe délibérant, à savoir en l’espèce son Conseil d’administration.

Crim. 8 janvier 2019, n° 17-86622

Règles encadrant la déposition des experts devant une cour d’assises

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Dans une décision du 20 février 2019, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé un arrêt de Cour d’assises des Hauts-de-Seine alors qu’avait été entendu un expert par téléphone ; celui-ci ne pouvant être physiquement présent devant la cour :

« Vu les articles 168 et 706-71 alinéa 2, du code de procédure pénale ;

Attendu qu’il résulte de ces textes que les experts cités doivent déposer devant la cour d’assises, soit en personne, soit par un moyen de télécommunication audio-visuel garantissant la confidentialité de la transmission ;

Attendu que selon les mentions du procès-verbal des débats, M. H…, expert cité, qui ne pouvait être présent devant la cour d’assises, a été entendu par un moyen de télécommunication exclusivement sonore, en l’espèce un téléphone ;

Mais attendu qu’en procédant ainsi, même en l’absence d’opposition des parties, le président a méconnu les textes susvisés ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; »

Crim., 20 février 2019, n° 18-82164

Personnes autorisées à consulter le fichier de lecture automatisé des plaques d’immatriculation (LAPI)

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Contrairement à ce qu’avait jugé la chambre d’instruction, la Chambre criminelle de la Cour de cassation considère, à l’occasion d’un arrêt rendu à la suite d’une requête en nullité, qu’il est nécessaire que le nom de l’opérateur qui accède au fichier de police administrative LAPI soit indiqué et ce afin de pouvoir s’assurer que celui-ci disposait d’une habilitation pour le faire :

« Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 20 mai 2017, M. B… P… a été mis en examen et placé en détention du chef d’infractions à la législation sur les stupéfiants ; que le 20 novembre suivant, il a présenté une requête en nullité portant d’une part, sur la géolocalisation du véhicule Audi A3 qu’il utilisait, d’autre part, sur la consultation du fichier de lecture automatisé des plaques d’immatriculation (LAPI) ;

(…)

Vu les articles L. 233-1 du code de la sécurité intérieure, ensemble L. 233-2 du même code, 5 de l’arrêté du 18 mai 2009 portant création d’un traitement automatisé de contrôle des données signalétiques des véhicules et 593 du code de procédure pénale, ensemble 171 et 802 du même code ;

Attendu, d’une part, qu’il résulte des articles précités du code de la sécurité intérieure et de l’arrêté du 18 mai 2009 pris pour leur application que seuls les agents des services de police et de gendarmerie nationales ainsi que des douanes, individuellement désignés et dûment habilités par leur chef de service, peuvent accéder au traitement automatisé de contrôle des données signalétiques des véhicules collectées par les dispositifs fixes ou mobiles mis en œuvre en application de ces textes ;

Attendu, d’autre part, que tout arrêt de la chambre de l’instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour écarter le moyen tiré de l’absence de précision permettant de s’assurer de l’habilitation de l’agent ayant consulté le fichier LAPI, l’arrêt retient qu’il n’est pas nécessaire que soit indiqué le nom de l’opérateur qui a procédé à la consultation et que, dès lors que la personne qui a répondu aux réquisitions des enquêteurs n’est intervenue qu’en qualité d’interlocuteur représentant le service gestionnaire, la question de son habilitation relève du fonctionnement interne du service requis ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que seul est joint à la procédure un document daté du 3 avril 2017 établissant que la consultation du fichier LAPI du 4 avril 2017 a été faite sur réquisition du ministère public en vertu de l’article 77-1-1 du code de procédure pénale, et que, s’agissant des trois autres consultations des 27 mars, 6 avril et 27 avril 2017, les motifs sont insuffisants à établir que l’accès au fichier LAPI a été le fait soit d’un agent régulièrement habilité au sens des articles L.232-3 et L.234-2 du code de la sécurité intérieure, soit d’un enquêteur autorisé par le procureur de la République, pour les besoins d’une procédure pénale, en vertu d’une réquisition prise à cette fin en application de l’article 77-1-1 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision ;


D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
 »

Crim., 19 février 2019, n° 18-84671

Droit d’être assisté d’un avocat de son choix

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Dans une décision du 13 février 2019, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé l’étendue et même la force toute particulière du droit à être assisté de l’avocat de son choix.

Dans l’affaire en cause, la Cour de cassation a jugé que le fait d’être assisté par un avocat de permanence à l’occasion d’un placement en détention provisoire prononcé par une ordonnance du juge des libertés et de la détention n’est pas suffisant dans l’hypothèse où il n’a pas été vérifié que l’avocat du mis en examen était dans l’impossibilité d’être joint ou était empêché d’assister son client.

« Vu les articles 145 et 141-2 du code de procédure pénale ;


Attendu qu’il se déduit de ces textes que l’avocat choisi par le mis en examen doit être avisé des actes de la procédure, notamment d’un débat contradictoire sur l’éventuel placement en détention provisoire de son client après révocation de son contrôle judiciaire antérieurement ordonné ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, de l’ordonnance qu’il confirme et des pièces de la procédure que, mis en examen pour vol qualifié et placé sous mandat de dépôt, le 2 novembre 2016, M. X… a été libéré sous contrôle judiciaire, le 21 décembre 2017 ; qu’en raison de la révocation de ce contrôle, il a de nouveau été placé en détention provisoire, à compter du 4 octobre 2018, par ordonnance du juge des libertés et de la détention dont il a interjeté appel ;


Attendu que pour écarter l’exception de nullité de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ordonnant la révocation du contrôle judiciaire de M. X… et son placement en détention provisoire, l’arrêt énonce que l’absence au débat contradictoire préalable à cette décision de l’avocat désigné par le mis en examen pour l’assister tout au long de la procédure n’a pas porté atteinte aux droits de la défense, ce dernier ayant été assisté par un avocat de permanence, qui a pu consulter la procédure, s’entretenir avec lui, n’a formulé aucune remarque particulière et n’a pas sollicité un délai supplémentaire pour préparer sa défense ;


Mais attendu qu’en statuant ainsi, sans constater que le juge des libertés et de la détention, avant de faire appel à l’avocat de permanence, s’était trouvé dans l’impossibilité de joindre l’avocat désigné par le mis en examen ou avait relevé l’empêchement de ce dernier, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
 »

Crim., 13 février 2019, n° 18-86559

Nullité d’une perquisition effectuée en présence de journalistes

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L’article 11 du code de procédure pénale pose le principe du secret de l’enquête et de l’instruction.

Au regard de ce principe peut alors de poser la question de la nullité d’une perquisition, le cas échéant avec saisie de documents, qui se serait déroulée en présence de journalistes.

Dans une récente affaire, les juges du fond avaient rejeté une telle demande de nullité en considérant qu’à défaut de démontrer une violation des règles du code de procédure pénale, la présence – autorisée par les enquêteurs – de journalistes n’est pas à elle seule susceptible d’entrainer la nullité de la perquisition et de la saisie des documents.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation en a jugé autrement ; une perquisition au cours de laquelle les journalistes ont pu prendre connaissance des documents saisis méconnaissant les droits de la défense en tant qu’elle porte atteinte aux intérêts de la personne en cause :

« Vu les articles 11 et 56, 593 du code de procédure pénale, ensemble l’article 76 de ce code ;

Attendu qu’il résulte du premier de ces textes, que constitue une violation du secret de l’enquête ou de l’instruction concomitante à l’accomplissement d’une perquisition, portant nécessairement atteinte aux intérêts de la personne qu’elle concerne, la présence au cours de l’exécution de cet acte, d’un tiers étranger à la procédure, ayant obtenu d’une autorité publique une autorisation à cette fin, fût-ce pour en relater le déroulement dans le but d’une information du public ;

Attendu, selon les articles 56 et 76 du code de procédure pénale, qu’à peine de nullité de la procédure, l’officier de police judiciaire a seul le droit, lors d’une perquisition, de prendre connaissance des papiers, documents ou données trouvés sur place, avant de procéder à leur saisie ;

(…)

Attendu que, pour rejeter la demande de nullité de la perquisition et de la saisie de documents au domicile de M. Z… , réalisée en présence de journalistes, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la présence alléguée de journalistes ne peut constituer à elle seule un motif d’annulation sauf à ce que cette présence ait conduit les enquêteurs à ne pas respecter certaines règles procédurales définies par le code de procédure pénale, ce qui en l’espèce n’est pas démontré ;

Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il résulte de ses propres constatations que des journalistes ont assisté, avec l’autorisation des enquêteurs, à une perquisition au domicile de M. Z… , ont pris connaissance de documents utiles à la manifestation de la vérité, qui ont été immédiatement saisis et placés sous scellés, la cour d’appel qui, de surcroît, n’a pas répondu comme elle le devait aux conclusions présentées par le conseil de M. Z… , a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés ; »

Crim., 9 janvier 2019, n° 17-84026

Article 324-1-1 du code pénal : Rappel du régime de la présomption simple d’illicéité des biens ou revenus en matière de blanchiment

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Dans un récent arrêt (Cass. Crim, 6 mars 2019, n° 18-81059), la Cour de cassation a fait application du régime probatoire prévu par l’article 324-1-1 du code pénal, lequel dispose que :

« Pour l’application de l’article 324-1, les biens ou les revenus sont présumés être le produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l’opération de placement, de dissimulation ou de conversion ne peuvent avoir d’autre justification que de dissimuler l’origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus. »

Le caractère simple de la présomption d’illicéité des biens ou des revenus en matière de blanchiment, permet au prévenu de la renverser à la condition qu’il dispose d’arguments sérieux. Tel n’a pas été le cas en l’espace, la Cour relevant que :

« Attendu que, pour appliquer la présomption d’origine illicite des fonds, prévue par l’article 324-1-1 du code pénal, l’arrêt, qui a relevé, notamment, les incohérences dans le récit fait par le prévenu de son voyage entre l’Allemagne et la France, l’absence de justification des raisons de celui-ci et l’importance de la somme non déclarée, énonce que les conditions matérielles de l’opération de dissimulation de la somme de 49 500 euros en possession de laquelle M. T… a été trouvé lors de son passage à la frontière entre la Suisse et la France ne peuvent avoir d’autre justification que de dissimuler l’origine ou le bénéficiaire effectif de cette somme ; »

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Définition d’une maladie imputable au service par le Conseil d’Etat

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Après avoir défini la notion de maladie imputable au service en ces termes « Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service. », le Conseil d’Etat (13 mars 2019, req. n° 407795) a précisé que l’absence de volonté délibérée de l’employeur de porter atteinte aux droits, à la dignité ou la santé d’un agent ne suffit pas en elle-même à rendre la maladie en cause détachable du service :

« en jugeant que l’absence de volonté délibérée de l’employeur de porter atteinte aux droits, à la dignité ou à la santé de Mme A… interdisait de reconnaître l’imputabilité au service de l’affection en cause, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit, dès lors qu’il appartient au juge d’apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l’absence de volonté délibérée de nuire à l’agent, être regardées comme étant directement à l’origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. »

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Communication d’un protocole transactionnel et contentieux administratif

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Dans la mesure où il « constitue un contrat administratif et présente le caractère d’un document administratif communicable dans les conditions définies par les dispositions citées précédemment. Lorsqu’un tel contrat vise à éteindre un litige porté devant la juridiction administrative, sa communication est toutefois de nature à porter atteinte au déroulement de la procédure juridictionnelle engagée. Elle ne peut, dès lors, intervenir, sous réserve du respect des autres secrets protégés par la loi tel notamment le secret en matière commerciale et industrielle, qu’après que l’instance en cause a pris fin ».

Tel est le principe que vient de poser le Conseil d’Etat dans un arrêt du 18 mars 2019 (CE, 18 mars 2019, req. n° 403465).