Dans une précédente News Droit de la Presse & des Réseaux sociaux, nous avions évoqué la question de l’application exclusive des dispositions spéciales de l’article 41 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, s’agissant de la réparation susceptible d’être obtenue pour des écrits diffamatoires produits devant les tribunaux.
Au visa des articles 6§1 et 10§1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation avait en effet rappelé, dans son arrêt du 8 juin 2023, que seules les dispositions précitées de la loi sur la liberté de la presse peuvent fonder une condamnation à indemnisation en raison des écrits diffamatoires contenus dans les écritures des parties.
L’arrêt du 23 août 2023[1], la Chambre criminelle de la Cour de cassation nous permet de compléter notre analyse.
Saisie d’un pourvoi formé à l’encontre d’un arrêt par lequel la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Versailles a infirmé une ordonnance de non-lieu et renvoyé les prévenus devant le Tribunal correctionnel, la Haute juridiction judiciaire a cassé et annulé ledit arrêt mais uniquement sur des dispositions bien spécifiques.
En effet, si la Chambre criminelle juge qu’aucun des moyens soulevés devant elle n’est susceptible de « permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale », elle censure l’arrêt de la Chambre de l’instruction en tant que celui-ci a déclaré « irrecevable la demande de Mme [X] tendant à voir réserver les actions publique et civile relatives aux propos prétendus diffamatoires contenus dans le mémoire d’une partie produit devant elle », au motif que « la chambre de l’instruction n’a pas compétence pour en connaître ».
Plus précisément :
- après avoir rappelé qu’il résulte de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 :
« que les discours prononcés et les écrits produits devant les juridictions ne peuvent donner lieu à aucune action en diffamation » et que « Si cette règle reçoit exception dans le cas où les faits prétendus diffamatoires sont étrangers à la cause, c’est à la condition, lorsqu’ils concernent l’une des parties, que l’action ait été réservée par la juridiction devant laquelle les propos ont été tenus ou les écrits produits. »,
- la Chambre criminelle juge que « si la chambre de l’instruction n’a pas compétence pour connaître des actions publique et civile relatives aux propos prétendus diffamatoires contenus dans le mémoire d’une partie produit devant elle, cette juridiction a, en revanche, compétence pour réserver de telles actions.»
Si les articles 6§1 et 10§1 de la Convention ont guidé la Cour de cassation dans son arrêt précité du 8 juin 2023, il n’est pas interdit de penser que les juges de la Chambre criminelle, même s’ils n’ont pas rendu leur décision à son visa, avaient en tête l’article 13 de la même Convention – garantissant le droit à un recours effectif – , lorsqu’ils ont interprété les dispositions de l’article 41 de la loi sur la liberté de la presse.
[1] Cass. Crim., 23 août 2023, n° 23-83.480.