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Maître Olivier BARATELLI, avocat de Christian ESTROSI et de la métropole Nice Côte d’Azur : la justice est saisie et suit son cours

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Extrait de l’article publié sur le journal Nice-Matin, édition du 19 octobre 2023 : 

« Anomalies », actes « graves », « rapport terrible »: que se passe-t-il sur le chantier post-Alex de cette route de la Vésubie? Alors que l’enquête pour « détournement de fonds publics » suit son cours, des expertises sur les travaux de la route de la Madone dans la Vésubie révèlent un préjudice de 8 millions d’euros.»

(…)

« Tout ça donne lieu à un signalement supplémentaire au parquet de Nice », indique Maître Olivier Baratelli. Contacté, l’avocat de la Métropole rappelle que la collectivité « est soucieuse de participer pleinement à la manifestation de la vérité. Elle a saisi, dès le 28 février, le parquet de Nice qui mène depuis, avec diligence, une enquête, préliminaire, rapide et efficace. Le secret de l’enquête interdit de révéler les nombreuses investigations déjà intervenues mais la Métropole peut confirmer qu’elle a récemment remis de nouvelles pièces, issues de ses investigations internes et des expertises qu’elle avait demandées concernant des suspicions relatives aux travaux de la route de la Madone. Si des irrégularités ou des infractions ont été commises dans la vallée de la Vésubie, la justice doit trouver les coupables et les sanctionner ».

 

👉🏻 Pour lire l’article intégral sur le site de Nice-Matin, cliquer ici : https://www.nicematin.com/amp/urbanisme/-anomalies-actes-graves-rapport-terrible-que-se-passe-t-il-sur-le-chantier-post-alex-de-la-route-de-la-madone-de-fenestre-a-saint-martin-vesubie–880131 

Demande de déréférencement en ligne et condamnation pénale : le Conseil d’Etat précise les conditions dans lesquelles la CNIL est tenue de mettre en demeure la société exploitant un moteur de recherches

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Dans notre News Droit de la Presse & Réseaux sociaux du 26 juillet 2023, nous avions évoqué un arrêt de Grande Chambre du 4 juillet 2023 de la Cour européenne des Droits de l’Homme qui avait confirmé la position des juridictions belges ; lesquelles avaient jugé que « l’archivage électronique d’un article relatif (…) ne doit pas créer (…) une sorte de « casier judiciaire virtuel » ».

Alors que l’arrêt susmentionné concernait la question de l’anonymisation d’un article de presse relatant la condamnation pénale d’un individu, le Conseil d’Etat a eu à connaître d’une problématique voisine, à savoir le déréférencement d’un lien, apparaissant dans un moteur de recherches, vers un article de presse relatant un procès et la condamnation d’un prévenu.

En l’espèce, n’ayant pu obtenir de la société exploitant le moteur de recherches le déréférencement vers ledit article « accessible à partir d’une recherche effectuée par son prénom et son nom », la personne concernée a saisi la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) afin que celle-ci mette en demeure la société de procéder au déférencement.

Face au refus de la CNIL, le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 20 avril 2023[1], a été amené à se prononcer sur la grille d’analyse que la Commission se doit d’appliquer lorsque lui est adressée une demande de mise en demeure de déréférencement.

Concrètement, la Haute juridiction administrative s’est attelée à donner le mode d’emploi de l’exercice de ce que l’on nomme le « droit à l’effacement ».

  1. le principe : la CNIL doit faire droit à une demande de déréférencement sous réserve du respect du droit à la liberté d’information

Ainsi que le rappellent les juges du Palais Royal, « L’article 51 de la loi du 6 janvier 1978 dispose que :  » Le droit à l’effacement s’exerce dans les conditions prévues à l’article 17 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ».

Si le paragraphe 1 de l’article 17 du règlement susmentionné consacre le droit « d’obtenir du responsable du traitement l’effacement, dans les meilleurs délais, de données à caractère personnel » et définit les motifs pour lesquels la demande doit être obligatoirement satisfaite :

  • d’une part, le paragraphe 3 du même article dispose que :

« Les paragraphes 1 et 2 ne s’appliquent pas dans la mesure où ce traitement est nécessaire : /a) à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information […] « .

  • d’autre part, aux termes de l’article 10 du même règlement : « Le traitement des données à caractère personnel relatives aux condamnations pénales et aux infractions ou aux mesures de sûreté connexes fondé sur l’article 6, paragraphe 1, ne peut être effectué que sous le contrôle de l’autorité publique, ou si le traitement est autorisé par le droit de l’Union ou par le droit d’un État membre qui prévoit des garanties appropriées pour les droits et libertés des personnes concernées. Tout registre complet des condamnations pénales ne peut être tenu que sous le contrôle de l’autorité publique.»

La Cour de justice de l’Union européenne[2] ayant jugé que les liens accessibles, depuis un moteur de recherches, vers des pages web contenant des données personnelles telles que les procédures pénales visées à l’article 10 du règlement (UE) 2016/679, sont susceptibles de causer une ingérence particulièrement grave dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données de la personne concernée, le Conseil d’Etat considère qu’ :

« il appartient en principe à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), saisie d’une demande tendant à ce qu’elle mette l’exploitant d’un moteur de recherche en demeure de procéder au déréférencement de liens renvoyant vers de telles pages web, publiées par des tiers et contenant de telles données, de faire droit à cette demande. Il n’en va autrement que s’il apparaît, compte tenu du droit à la liberté d’information, que l’accès à une telle information à partir d’une recherche portant sur le nom de la personne concernée est strictement nécessaire à l’information du public. »

  1. la mise en œuvre du principe : l’appréciation de la stricte nécessité de préserver l’information du public

Toujours soucieuse de l’apport pédagogique de ces décisions, la Haute juridiction administrative a défini la méthode selon laquelle « l’autorité publique » mentionnée à l’article 10 du règlement (UE) 2016/679 – ici la CNIL – peut légalement « faire échec à une demande de déréférencement au motif que l’accès à des données à caractère personnel relatives à une procédure pénale à partir d’une recherche portant sur le nom de la personne concernée est strictement nécessaire à l’information du public ».

C’est sans surprise que l’on retrouve ici une grande similitude avec la méthode de la CEDH (cf. supra) relative aux conditions de mise en œuvre du droit à l’oubli[3] dès lors qu’il s’agit, dans le cadre d’une demande de déréférencement, de déterminer si l’ingérence particulièrement grave aux droits fondamentaux du demandeur peut être justifiée par la liberté d’information.

Ainsi, le Conseil d’Etat juge qu’il incombe à la CNIL, de tenir compte :

  • d’une part, « de la nature des données en cause, de leur contenu, de leur caractère plus ou moins objectif, de leur exactitude, de leur source, des conditions et de la date de leur mise en ligne et des répercussions que leur référencement est susceptible d’avoir pour la personne concernée» et,

 

  • d’autre part, « de la notoriété de cette personne, de son rôle dans la vie publique et de sa fonction dans la société. Il lui incombe également de prendre en compte la possibilité d’accéder aux mêmes informations à partir d’une recherche portant sur des mots-clés ne mentionnant pas le nom de la personne concernée. »

En l’espèce, rien ne permettait à la CNIL d’estimer que l’accès aux données en cause était « strictement nécessaire à l’information du public » dès lors que :

  • l’article de presse du 20 janvier 2017 se rapporte à des faits antérieurs de 2014, est purement factuel et ne comporte pas « d’analyses ou de commentaires de nature à nourrir un débat d’intérêt public sur les enjeux liés à cette procédure» pénale ;

 

  • le requérant « ne jouit pas d’une notoriété particulière» dans la mesure où « le dossier ne faisant à cet égard ressortir ni que l’affaire dans laquelle il a été condamné aurait fait l’objet d’autres commentaires publics, ni que la décision d’appel aurait elle-même donné lieu à un article de presse référencé par le même moteur de recherche à partir de son nom » ;

 

  • « l’article de presse litigieux ne serait pas accessible en ligne à partir d’autres informations que le nom de M. A…. » ;

 

  • « l’article de presse dont le déréférencement est demandé ne peut être regardé comme reflétant la situation judiciaire actuelle de l’intéressé dès lors que, par un arrêt du 14 mars 2018, la cour d’appel de Riom a réduit la peine infligée au requérant par le tribunal correctionnel à deux ans d’emprisonnement assorti d’un sursis avec mise à l’épreuve de deux ans et à une interdiction de gérer de dix ans et a confirmé la peine complémentaire de première instance de publication de la décision en la limitant toutefois au dispositif de son arrêt et à une seule publication.».

C’est pour toutes ces raisons, « et eu égard aux répercussions que le référencement de cet article est susceptible d’avoir sur la situation personnelle du requérant », que le Conseil d’Etat a décidé d’annuler le refus de la CNIL et lui a enjoint de mettre en demeure la société exploitant le moteur de recherches de déréférencer le lien litigieux, dès lors que « l’accès à ce contenu en ligne à partir du nom de ce dernier ne peut plus être regardé, à la date de la présente décision, comme strictement nécessaire à l’information du public, justifiant de maintenir le lien litigieux par exception au principe selon lequel la personne concernée a le droit au déréférencement des contenus la concernant. ».

*

Droit à l’oubli par l’anonymisation des articles de presse archivés, droit à l’effacement par le déréférencement des liens vers des pages web contenant des données relatives à des procédures pénales dont le maintien n’est plus strictement nécessaire à l’information du public, l’on sait désormais clairement comment éviter qu’internet devienne un « casier judiciaire virtuel ».

[1] CE, 20 avril 2023, n° 463487.

[2] CJUE, 24 décembre 2019, C-136/17.

[3] CEDH, Grande Chambre, 4 juillet 2023, Hurbain c. Belgique, n° 57292/16, § 205 :

« la mise en balance de ces différents droits de valeur égale à effectuer lors de l’examen d’une demande d’altération d’un contenu journalistique archivé en ligne doit prendre en considération les critères suivants : i) la nature de l’information archivée ; ii) le temps écoulé depuis les faits, depuis la première publication et depuis la mise en ligne de la publication ; iii) l’intérêt contemporain de l’information ; iv) la notoriété de la personne revendiquant l’oubli et son comportement depuis les faits ; v) les répercussions négatives dues à la permanence de l’information sur Internet ; vi) le degré d’accessibilité de l’information dans des archives numériques, et vii) l’impact de la mesure sur la liberté d’expression, plus précisément la liberté de la presse. »

Les archives de presse ne doivent pas constituer « un casier judiciaire virtuel »

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On le sait : internet est la mémoire des temps modernes. On y trouve tout, notamment grâce aux archives que les organes de presse ont numérisées.

Tout cela est fort pratique, mais lorsque cette mémoire numérique entre en conflit avec le droit à l’oubli, une question fondamentale se pose : la nécessité de préserver les archives de presse peut-elle justifier qu’une personne condamnée, ayant purgé sa peine et même été réhabilitée, puisse voir son identité révélée ad vitam aeternam ?

C’est précisément le sujet de l’affaire sur laquelle la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a statué dans un arrêt de Grande Chambre rendu le 4 juillet 2023[1].

En l’espèce, un quotidien belge francophone, Le Soir, a été contraint par les juridictions nationales à anonymiser le nom d’une personne responsable d’un accident mortel de la route ayant eu lieu en 1994 et dont le nom complet avait été alors été publié dans un article qui, en 2008, est devenu accessible parmi les archives numériques du journal.

Estimant que sa condamnation civile méconnaissait sa liberté d’expression et la liberté de la presse, toutes deux garanties par l’article 10 de la Convention, l’éditeur du quotidien a saisi la CEDH qui, dans un arrêt de chambre du 22 juin 2021[2], a rejeté sa requête.

Sur le fondement de l’article 43 de la Convention, le requérant a sollicité le renvoi de l’affaire en Grande Chambre ; laquelle s’est donc attachée à mettre en balance la liberté d’expression et la liberté de la presse (l’intégrité des archives de presse) avec le droit à l’oubli numérique.

  1. La délicate recherche d’un équilibre

Déterminer si la condamnation à remplacer par « X » le nom de la personne condamnée, puis réhabilitée, constitue ou non une ingérence disproportionnée dans l’exercice des droits et libertés garantis par l’article 10 n’est pas chose aisée dès lors que :

  • d’une part, si la « mission d’information comporte nécessairement des « devoirs et des responsabilités » ainsi que des limites que les organes de presse doivent s’imposer spontanément», il existe un « droit pour le public » de recevoir « des informations et des idées sur des questions d’intérêt général » et la nécessité de préserver le « rôle indispensable de « chien de garde » » de la presse.

Aussi, « toute mesure limitant l’accès à des informations que le public a le droit de recevoir doit être justifiée par des raisons particulièrement impérieuses (Timpul Info-Magazin et Anghel c. Moldova, no 42864/05, § 31, 27 novembre 2007). »[3].

  • d’autre part, s’agissant des archives de presse, la Cour a déjà affirmé « leur rôle important en vue de permettre au public de connaître l’histoire contemporaine, et à la presse d’accomplir, de cette manière aussi, sa mission de participer à la formation de l’opinion démocratique (M.L. et W.W. c. Allemagne, précité, § 101-102). ».

Par ailleurs, les juges de la Grande Chambre rappellent :

« l’émergence, au cours de la dernière décennie, d’un consensus quant à l’importance des archives de presse » (…) « dans le contexte spécifique du traitement des données à caractère personnel au niveau de l’Union européenne ».

La Cour évoque notamment une exception explicitement prévue par le RGPD « au droit à l’effacement des données à caractère personnel dès lors que le traitement de ces données est nécessaire à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information (article 17 § 3 a)) » ou encore le fait que « des exemptions et des dérogations pour le traitement réalisé à des fins journalistiques, si elles sont nécessaires pour concilier le droit à la protection des données à caractère personnel et la liberté d’expression et d’information, doivent en outre être prévues dans la législation des États membres de l’Union (article 85 § 2). »[4]

Toutefois, ainsi qu’en avaient jugé les juridictions belges[5], la Cour considère que l’affaire qui est soumise ne concerne pas la problématique des données à caractère personnel mais celle d’une atteinte à la réputation qu’elle rattache au droit au respect de la vie privée protégé par l’article 8 de la Convention.

  1. Le droit à l’oubli ou la protection de la réputation au titre de l’article 8 de la Convention

Après avoir insisté sur le caractère « large, non susceptible d’une définition exhaustive (S. et Marper c. Royaume-Uni [GC], nos 30562/04 et 30566/04, § 66, CEDH 2008) » de la notion de vie privée, la Cour rappelle que :

« S’agissant plus particulièrement du droit au respect de la réputation, la Cour a conclu que la réputation d’une personne, quand bien même celle‑ci serait critiquée dans le cadre d’un débat public, était un attribut de son identité personnelle et de son intégrité psychologique et relevait donc aussi de sa « vie privée » (voir, récemment, Denisov c. Ukraine [GC], no 76639/11, § 97, 25 septembre 2018). Cependant, pour que l’article 8 entre en ligne de compte, comme dans d’autres domaines relevant de sa protection, l’atteinte à la réputation doit atteindre un certain niveau de gravité et avoir été effectuée de manière à causer un préjudice à la jouissance personnelle du droit au respect de la vie privée. Cette condition vaut à la fois pour la réputation sociale et pour la réputation professionnelle[6]. »

Quand bien même « on ne saurait invoquer cette disposition pour se plaindre d’une atteinte à sa réputation qui résulterait de manière prévisible de ses propres actions, telle une infraction pénale. »[7], la Cour souligne que :

« Depuis plusieurs années, suite au développement de la technologie et des outils de communication, un nombre croissant de personnes ont cherché à faire protéger les intérêts qu’elles tirent de ce que l’on appelle communément le « droit à l’oubli ». Il repose sur l’intérêt d’une personne à faire effacer, modifier ou limiter l’accès à des informations passées qui affectent la perception actuelle de cette personne. En cherchant à faire disparaître ces informations, les intéressés veulent éviter de se faire reprocher indéfiniment leurs actes ou déclarations publiques antérieures et cela dans des contextes variables, tels que, par exemple, l’embauche ou les relations d’affaires. »[8]

S’interroger sur les garanties qu’apporterait le droit à la vie privée au droit à l’oubli, revient donc à savoir « si l’article 8 offre une protection contre ces effets négatifs et, dans l’affirmative, dans quelle mesure »[9] ; la particularité de l’affaire dont la CEDH avait à connaître tenant à la dimension « numérique » du droit à l’oubli.

En effet, s’agissant du volet « classique » du droit à l’oubli, la Cour :

« bien qu’elle n’ait fait pas explicitement référence à une telle notion du « droit », a [déjà] jugé que, après l’écoulement d’un certain temps et en particulier à l’approche de la sortie de prison d’une personne condamnée, et, d’autant plus, après sa libération définitive, l’intérêt de celle-ci est de ne plus être confrontée à son acte en vue de sa réintégration dans la société. Le laps de temps entre la condamnation pénale, la mise en liberté et la nouvelle publication a constitué un élément déterminant pour son examen (Österreichischer Rundfunk c. Autriche, no 35841/02, §§ 68‑69, 7 décembre 2006, et, récemment, Mediengruppe Österreich Gmbh c. Autriche, no 37713/18, §§ 68-70, 26 avril 2022). »[10]

Aussi, pour la Grande Chambre, la « prétention à l’oubli », numérique ou autre : « ne constitue pas un droit autonome protégé par la Convention et, pour autant qu’elle est couverte par l’article 8, ne peut concerner que certaines situations et informations »[11].

En définitive, comme la CEDH en a l’habitude, c’est donc à une mise en balance entre la liberté d’expression (art. 10 de la Convention) et certaines composantes du droit au respect de la vie privée (art. 8) à laquelle les juges de Strasbourg doivent se livrer.

  1. l’anonymisation décidée par les juridictions nationales ne viole pas la liberté d’expression

Pour déterminer si les juridictions belges ont, par leur décision, causé une ingérence disproportionnée à la liberté d’expression de l’éditeur du journal Le Soir, la Cour devait vérifier que « cette anonymisation reposait sur des motifs pertinents et suffisants dans les circonstances particulières de l’espèce et notamment si elle était proportionnée au but légitime poursuivi. »[12].

  • la nécessité d’une atteinte grave à la réputation

La Cour s’est interrogée sur l’applicabilité des critères classiques[13] mis en œuvre pour contrôler les ingérences portées à la liberté d’expression et arbitrer les conflits de droits (ceux des articles 8 et 10). Plus précisément, lesdits critères étaient-ils pertinents compte tenu des spécificités de l’affaire, à savoir « le fait qu’elle concerne les archives électroniques d’une publication plutôt que sa version initiale »[14] ?

C’est, en tous les cas, la méthode suivie par la CEDH dans l’arrêt de chambre rendu dans la présente affaire le 22 juin 2021 à l’occasion duquel les juges se sont intéressés à :

« la contribution à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, l’objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le mode d’obtention des informations et leur véracité, le contenu, la forme et les répercussions de la publication ainsi que la gravité de la mesure imposée au requérant. Les mêmes critères avaient été pris en compte par la Cour par le passé dans des affaires ayant trait à des demandes d’altération du contenu d’une archive de presse numérique (Fuchsmann, précité, § 34, et M.L et W.W. c. Allemagne, précité, § 96). »[15]

En Grande Chambre, la Cour décide d’adapter ces critères à « la nécessité de préserver l’intégrité des archives de presse » et estime que :

« la mise en balance de ces différents droits de valeur égale à effectuer lors de l’examen d’une demande d’altération d’un contenu journalistique archivé en ligne doit prendre en considération les critères suivants : i) la nature de l’information archivée ; ii) le temps écoulé depuis les faits, depuis la première publication et depuis la mise en ligne de la publication ; iii) l’intérêt contemporain de l’information ; iv) la notoriété de la personne revendiquant l’oubli et son comportement depuis les faits ; v) les répercussions négatives dues à la permanence de l’information sur Internet ; vi) le degré d’accessibilité de l’information dans des archives numériques, et vii) l’impact de la mesure sur la liberté d’expression, plus précisément la liberté de la presse. »[16]

Le principe défini par la CEDH est donc que, dès lors « que l’on ne saurait pas ignorer l’effet dissuasif sur la liberté de la presse qui se dégage de l’obligation pour un éditeur d’anonymiser un article initialement publié de manière licite », « pour que l’article 8 de la Convention entre en ligne de compte, l’atteinte à la réputation doit atteindre un certain niveau de gravité »[17].

Dit autrement, l’importance accordée à la préservation de l’intégralité des archives journalistes suppose « de veiller à ce que les modifications et a fortiori suppressions d’archives soient limitées au strict nécessaire ».

  • l’application au cas d’espèce des critères dégagés par Cour permet de conclure à une absence de violation de l’article 10 de la Convention

 

  • la nature de l’information: de la même manière que les juridictions belges, la CEDH conclut que les faits relatés sont de nature « judiciaire » et que, « quoique tragiques, ces faits ne sauraient rentrer dans la catégorie des infractions dont l’importance, en raison de leur gravité, n’est pas affectée par le passage du temps. Il convient d’observer en outre que les faits pour lesquels G. a été condamné n’ont fait l’objet d’aucune médiatisation, à l’exception de l’article litigieux, et que l’affaire n’a eu aucun retentissement dans les médias, que ce soit à l’époque des faits relatés ou au moment de la mise en ligne de la version archivée de l’article »[18].

 

  • Le temps écoulé depuis les faits, depuis la première publication et depuis la mise en ligne de la publication : Compte tenu du temps écoulé entre la date de l’article (1994), la date de la réhabilitation de l’auteur de l’accident de la route (2006) et celle de la première demande d’anonymisation (2010), la Cour estime que «  (…) avait un intérêt légitime à revendiquer la possibilité de se resocialiser à l’abri du rappel permanent de son passé, après tout ce temps.»[19].

 

  • L’intérêt contemporain de l’information: ici, la Cour s’attache à vérifier que l’article en cause contribue encore aujourd’hui à un débat d’intérêt général. En d’autres termes, alors que « la contribution d’un article au débat d’intérêt général peut perdurer dans le temps, en raison soit de l’information elle-même ou d’éléments nouveaux intervenus depuis la publication, comme par exemple des développements ultérieurs dans la procédure judiciaire initiale », l’article anonymisé sur décision des juridictions belges était-il encore « d’actualité » ?

Les faits relatés dans l’article étant anciens et leur auteur n’étant pas une personnalité publique, la Cour, comme les juridictions belges, estime que « son identité n’apportait aucune valeur ajoutée d’intérêt général à l’article litigieux, lequel ne contribuait que de façon statistique à un débat public sur la sécurité routière »[20].

  • La notoriété de la personne revendiquant l’oubli et son comportement depuis les faits: la seule qualité de médecin de « G. » ne faisant pas de lui une personne publique ou exerçant une fonction publique, d’une part, sa discrétion depuis les faits traduisant sa volonté d’en éviter toute publicité, d’autre part, tout concourait à la nécessité d’anonymiser l’article archivé.

 

  • Les répercussions négatives dues à la permanence de l’information sur Internet: c’est lors de l’examen de ce critère que commence l’évaluation de la gravité de l’atteinte à la réputation.

En l’espèce, si « la réhabilitation d’une personne ne peut justifier à elle seule la reconnaissance d’un « droit à l’oubli », la Cour se range derrière l’avis des juridictions belges qui ont estimé que :

« l’archivage électronique d’un article relatif au délit commis ne doit pas créer pour G. une sorte de « casier judiciaire virtuel », alors qu’il a purgé sa peine et qu’il a été réhabilité. Aux yeux de la cour d’appel, une simple recherche à partir des nom et prénom de G. sur le moteur de recherche du journal Le Soir ou sur Google faisait immédiatement apparaître l’article litigieux, ce qui assurément était source d’un préjudice, à tout le moins moral, dans le chef de G. Une telle situation permettait à un large public, dont font nécessairement partie les patients, les collègues et les connaissances de G. – qui exerce la profession de médecin –, d’avoir facilement connaissance de son passé judiciaire et était ainsi de nature à le stigmatiser, à nuire gravement à sa réputation et à le priver de la possibilité de se resocialiser normalement (paragraphes 29 et 31 cidessus). »[21]

Au surplus, l’intérêt à obtenir l’anonymisation était d’autant plus grand que l’accès aux archives numériques du quotidien était gratuit ; ce qui rendait leur accès particulièrement aisé.

  • L’impact de la mesure sur la liberté d’expression, plus précisément la liberté de la presse : ainsi qu’on l’a exposé supra, la CEDH tient à préserver l’intégrité des archives journalistiques et, partant, à ce que toute suppression ou modification soit limitée au stricte nécessaire.

Ici, l’impact est somme toute mesuré dès lors que « la version originale, non anonymisée, de l’article litigieux reste disponible en version papier et qu’elle peut être consultée par toute personne intéressée, remplissant ainsi son rôle intrinsèque d’archive. ».

En outre, une telle obligation d’anonymiser l’article peut, au regard des circonstances de l’affaire, être regardée comme faisant partie des « « devoirs et des responsabilités » incombant à la presse ainsi que des limites que les organes de presse peuvent se voir imposer (paragraphe 177 ci-dessus) »[22].

La Cour, au regard de sa grille de lecture affinée des ingérences à la liberté d’expression, conclut ainsi à l’absence de violation de l’article 10 de la Convention dès lors que :

« les juridictions nationales ont soigneusement réalisé une mise en balance des droits en présence conforme aux exigences de la Convention, de sorte que l’ingérence dans le droit garanti par l’article 10 de la Convention découlant de l’anonymisation de l’article dans sa version électronique figurant sur le site internet du journal Le Soir a été réduite au strict nécessaire et peut dès lors, dans les circonstances de la cause, passer pour nécessaire dans une société démocratique et proportionnée. »

*

On ne peut que se réjouir d’une telle décision qui réussit à définir une méthode raisonnée et raisonnable pour atteindre un indispensable équilibre entre le respect de la liberté de la presse (à travers la nécessaire intégrité de ses archives) et le droit à l’oubli, particulièrement, dans son acception numérique.

En dehors des affaires dont le retentissement médiatique ou la  nature des faits ont concouru à leur dimension historique, un individu ayant purgé sa peine et ayant été réhabilité doit pouvoir prétendre à un légitime oubli. A défaut, la peine prononcée par les juges et, surtout, leur exécution, seraient privées de sens.

[1] CEDH, 4 juillet 2023, Hurbain c. Belgique, n° 57292/16.

[2] CEDH, 22, juin 2021, Hurbain c/ Belgique, n° 57292/16.

[3] §§ 177 et 178.

[4] §§ 182 et 183.

[5] § 187.

[6] § 189.

[7] § 189.

[8] § 191.

[9] § 193.

[10] § 194.

[11] § 199.

[12] § 200.

[13] CEDH, 7 février 2012, Axel Springer AG c. Allemagne [GC], no 39954/08

[14] § 202.

[15] § 203.

[16] § 205.

[17] § 189, § 210.

[18] § 219.

[19] § 221.

[20] § 225.

[21] § 234.

[22] § 254.

Carlos Ghosn visé par un deuxième mandat d’arrêt de la justice française

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« Une juge d’instruction du tribunal de Paris a émis en avril un mandat d’arrêt international contre Carlos Ghosn, qui vit au Liban, dans l’enquête sur des contrats passés par une filiale de Renault-Nissan. »

(…)

« L’entrée procédurale de Carlos Ghosn dans le dossier va permettre de faire éclater la vérité », ont considéré auprès de l’AFP Mes Olivier Baratelli et Olivier Pardo, avocats de Rachida Dati.

Pour lire l’article sur le site du journal :

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– Suivi des relations avec les autres intervenants (Commissaires de Justice, confrères…).

Un esprit d’équipe solide est indispensable à la réussite de cette collaboration.

📫 Les candidat(e)s intéressé(e)s peuvent adresser leur CV accompagné d’une lettre de motivation à l’adresse suivante : recrutement@cabinetlombard.fr

Olivier BARATELLI, avocat de l’OM, obtient une condamnation pour exercice illégal de la profession d’agents de joueurs

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🟩 « Lors de l’audience, l’OM, par la voix de son avocat, avait chiffré son manque à gagner à 2,6 millions d’euros. : « Monsieur Barresi faisait peur, monsieur Aklil faisait le reste » tacle-t-il. « Karim Aklil fait partie d’un entourage aux noms lourds de sens, avec les Barresi et Anigo, qui sont sur une liste noire. Le nouvel actionnaire entend désormais dénoncer toutes les infractions qui pourraient être portées à sa connaissance et récupérer les préjudices du passé », avait promis Me Olivier Baratelli pour le club. »

 

👉🏻Pour lire l’article directement sur le site du journal La Provence : cliquer ici 

 

🟩 « « Cette condamnation forte illustre la volonté de l’Olympique de Marseille de poursuivre tous les comportements illicites ou anormaux perpétrés contre le club », a déclaré Maître Olivier Baratelli, avocat de l’OM, qui réclamait de son côté le remboursement des commissions réglées. »

 

👉🏻Pour lire l’article directement sur le site du journal L’Equipe : cliquer ici.

Affaire Pegasus : la Cour d’appel confirme l’irrecevabilité du Maroc

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🟩 Extraits de l’article du Journal du Dimanche, édition du 12 avril 2023 : 

 

« Lors de l’audience, l’avocat du Maroc, Olivier Baratelli, avait souligné que le pays n’agissait pas en tant que tel mais pour la défense de ses services secrets».

(…)

« Ici à Paris, l’État peut porter plainte au nom de ses services, pourquoi le Maroc ne le pourrait-il pas ? », interroge Me Baratelli qui regrette que les médias « refusent d’apporter les preuves de ce qu’ils désignent comme un scandale international et s’abritent derrière la procédure ».

 

👉🏼 Pour lire l’article directement sur Le Journal du Dimanche, cliquer sur ce lien :    Affaire Pegasus : la cour d’appel confirme l’irrecevabilité du Maroc 

 

🟩 Extraits de l’article du journal Le Monde, édition du 13 avril 2023 :

 

« Le Maroc « étudie l’opportunité d’un pourvoi en cassation pour faire valoir son droit d’agir contre les accusations calomnieuses portées par certains organes de presse ayant affirmé, sans la moindre preuve ou commencement de preuve, qu’il utiliserait le logiciel Pegasus », a indiqué dans un communiqué Olivier Baratelli, l’avocat du royaume».

 

👉🏼 Pour lire l’article directement sur le journal Le Monde, cliquer sur ce lien : Pegasus : la cour d’appel de Pris confirme l’irrecevabilité des poursuites du Maroc 

Soupçons de corruption au Togo : la reconnaissance de culpabilité de Vincent Bolloré retirée du dossier

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Extrait de l’article du journal Le Monde publié le 21 mars 2023 :

La défense de M. Bolloré, qui avait demandé l’annulation totale de l’instruction et de la mise en examen de son client, au motif que sa présomption d’innocence avait été violée par la publicité de l’audience de CRPC, s’est également félicitée. « C’est une décision judiciaire rare, a déclaré au Monde l’avocat Olivier Baratelli. La justice sait reconnaître ses erreurs lorsqu’elle en commet. De nombreuses pièces ont été annulées, la procédure va pouvoir sereinement reprendre son cours. » « C’est une première étape fondamentale », a pour sa part précisé l’avocate de la défense Céline Astolfe, ajoutant que « le fort écho donné à cette CRPC ne permet [cependant] pas à Vincent Bolloré d’être jugé de manière équitable ».

 

👉🏼 Pour lire l’article directement sur le site du journal Le Monde, cliquer ici :

Soupçons de corruption au Togo : la reconnaissance de culpabilité de Vincent Bolloré retirée du dossier