La Direction des affaires criminelles et des grâces livre son analyse des arrêts de la Cour de cassation du 12 juillet 2022.
La Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR) n’est pas seule à avoir réagi aux très discutés arrêts rendus par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 12 juillet 2022, relatifs à la conservation et à l’accès aux données de connexion.
Il faut reconnaître que l’avenir est encore flou ; et il est bien venu que les praticiens et autorités se livrent chacun à leur propre exégèse afin que puissent émerger quelques certitudes.
C’est ainsi que le 13 juillet 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice, a publié, à la signature du directeur des affaires criminelles et des grâces, une dépêche « relative aux arrêts rendus le 12 juillet 2022 par la chambre criminelle de la Cour de cassation portant sur la conservation et l’accès aux données de connexion dans le cadre des enquêtes pénales (données de trafic et de localisation). »
Si cette dépêche ne vient pas définir la notion de « criminalité grave » qui conditionne la régularité de la conservation des données de trafic et de localisation et, « pour les besoins d’une enquête », la possibilité de « demander un gel de ces données que détiennent les opérateurs en application de l’obligation de conservation pour les besoins de la sécurité nationale »[1], l’interprétation qui y est donnée des arrêts de la Chambre criminelle se veut quelque peu rassurante pour la réussite des enquêtes et des informations judiciaires :
- d’abord, il est souligné que « Les réquisitions adressées pendant l’information judiciaire en application des articles 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale sont conformes au droit de l’Union européenne dès lors d’une part que le juge d’instruction n’est pas une partie à la procédure mais une juridiction et d’autre part qu’il n’exerce pas l’action publique mais statue de façon impartiale sur le sort de celle-ci, mise en mouvement par le ministère public ou, le cas échéant, la partie civile (§43 de l’arrêt n° 21-83.710)» ;
- ensuite, si la Cour de cassation a jugé que les réquisitions adressées pendant l’enquête préliminaire et l’enquête de flagrance « en application des articles 60-1, 60-2, 77-1-1 et 77-1-2 du code de procédure pénale sont contraires au droit de l’Union européenne en ce qu’ils ne prévoient pas un contrôle préalable par une juridiction ou une autorité administrative indépendante dès lors que le parquet, quel que soit son statut, dirige la procédure d’enquête et exerce, le cas échéant, l’action publique.», la Direction des affaires criminelles et des grâces insiste sur les conditions d’admission des nullités de procédure et plus particulièrement sur le fait que le requérant doit justifier d’un grief.
Plus encore, il est rappelé que « l’absence de contrôle préalable par une juridiction ou une autorité indépendante ne peut faire grief au requérant que s’il établit l’existence d’une ingérence injustifiée au respect de sa vie privée ». Or, une telle ingérence ne saurait être démontrée que dans deux hypothèses :
« – Lorsque les données ont été irrégulièrement conservées. En pratique, une telle condition ne sera pas remplie dès lors que, comme l’a jugé la Cour de cassation, l’existence d’une menace terroriste est établie en France depuis 1994, justifiant ainsi une conservation généralisée et indifférenciée des données de trafic et de localisation pendant une durée d’un an7 ;
- Lorsqu’au regard de la gravité de l’infraction et des nécessités de l’enquête, leur accès aurait dû être prohibé. Une telle appréciation doit être effectuée au regard de la nature des agissements de la personne poursuivie, de l’importance du dommage qui en résulte, des circonstances de la commission des faits et de la durée de la peine encourue8 (§38 de l’arrêt n° 21-83.710).»
Aussi, pour garantir la sécurité juridique des procédures, la Direction des affaires criminelles et des grâces attire l’attention du parquet sur l’effectivité du contrôle de nécessité et de proportionnalité que les procureurs doivent exercer systématiquement sur les réquisitions adressées pendant les enquêtes préliminaires ou de flagrance sur le fondement des articles 60-1, 60-2, 77-1-1 et 77-1-2 du code de procédure pénale.
Ledit contrôle étant d’ailleurs une des raisons pour lesquelles le Conseil constitutionnel avait jugé conformes à la Constitution les articles 60-1 et 60-2 précités.
[1] Méthode dite de la « conservation rapide » pour laquelle, rappelle la Direction des affaires criminelles et des grâces, les « dispositions du code de procédure pénale relatives aux réquisitions de produire les données de connexion constituent des injonctions de conservation rapide ».