La détermination de la compétence des juridictions françaises en matière d’infraction de presse est à la mode à la Cour de cassation.
La Chambre criminelle, dans un arrêt du 7 novembre 2023[1], s’est en effet de nouveau prononcée sur cette question[2] ; cette fois-ci à l’occasion d’un pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d’appel de Douai du 8 novembre 2022 ayant condamné son auteur pour apologie publique d’un acte de terrorisme[3] en raison de tweets publiés depuis l’étranger.
Ainsi que le rappelle la Cour de cassation, elle :
« juge qu’en l’absence de tout critère rattachant au territoire de la République des propos incriminés sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la circonstance que ceux-ci, du fait de leur diffusion sur le réseau internet, aient été accessibles depuis ledit territoire ne caractérise pas, à elle seule, un acte de publication sur ce territoire rendant le juge français compétent pour en connaître (Crim., 12 juillet 2016, pourvoi n° 15-86.645, Bull. crim. 2016, n° 218). »
La Haute juridiction considère ainsi qu’en matière d’apologie publique d’un acte de terrorisme, laquelle peut « procéder de propos diffusés par le réseau internet depuis un territoire étranger, accessibles depuis la France, il y a lieu de considérer que, pour cette infraction également, cette circonstance ne caractérise pas à elle seule un acte de publicité sur le territoire de la République rendant le juge français compétent pour connaître de ce délit, en l’absence de tout critère rattachant les propos incriminés audit territoire. ».
En l’espèce, si la Cour d’appel a estimé à tort que l’accessibilité des tweets depuis le territoire français suffisait pour que l’infraction soit réputée commise sur celui de la République, la Chambre criminelle ne censure pas l’arrêt ayant confirmé le jugement correctionnel au motif qu’il existait bien des critères de rattachement à la France :
« Cependant, l’arrêt n’encourt pas la censure dès lors qu’il en résulte que les propos poursuivis ont été diffusés en langue française, certains accompagnés de photographies représentant la France, stigmatisée comme un pays de mécréance, opposé à l’organisation dite Etat Islamique, d’autres incitant les musulmans à se sentir étrangers sur « toutes les terres qui refusent d’appliquer et combattent les lois d’Allah », notamment la France, et ce, alors que le territoire de la République a été frappé et reste frappé par le terrorisme islamiste, éléments qui constituent, en l’espèce, des critères suffisants de rattachement desdits propos au territoire français. »
Par cette décision, la Cour de cassation rappelle que le fait de publier des propos constitutifs d’une infraction de presse depuis l’étranger ne protège pas leurs auteurs de poursuites et de condamnations, dès lors que peut être démontré un lien de rattachement desdits propos avec le territoire français.
[1] Cass. Crim., 7 novembre 2023, n° 22-87.230
[2] News Droit de la Presse & Réseaux sociaux du 16 novembre 2023.
[3] Article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; Article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; Article 421-2-5 du Code pénal.