Le 20 janvier 2022[1], la Cour d’appel de Paris a confirmé une ordonnance[2] du 6 juillet 2021 par laquelle le juge des référés du Tribunal judiciaire de Paris avait enjoint à la société Twitter International Company[3] (ci-après Twitter) de communiquer à différentes associations (ci-après les associations) de lutte contre le racisme et l’antisémitisme :
« dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, sur la période écoulée entre la date de délivrance de l’assignation soit le 18 mai 2020 et celle du prononcé de la présente ordonnance :
- tout document administratif, contractuel, technique, ou commercial relatif aux moyens matériels et humains mis en œuvre dans le cadre du service Twitter pour lutter contre la diffusion des infractions d’apologie de crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle, l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine ;
- le nombre, la localisation, la nationalité, la langue des personnes affectées au traitement des signalements provenant des utilisateurs de la plate-forme française de ses services de communication au public en ligne ;
- le nombre de signalements provenant des utilisateurs de la plate-forme française de ses services, en matière d’apologie des crimes contre l’humanité et d’incitation à la haine raciale, les critères et le nombre des retraits subséquents ;
- le nombre d’informations transmises aux autorités publiques compétentes, en particulier au parquet, en application de l’article 6.-I. 7 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) au titre de l’apologie des crimes contre l’humanité et de l’incitation à la haine raciale ;»
Twitter a formé un pourvoi devant la Cour de Cassation.
Considérant que Twitter n’avait pas exécuté l’arrêt d’appel, les associations ont, sur le fondement de l’article 1009-1 du code de procédure civile[4], demandé la radiation du pourvoi.
Par une ordonnance du 23 mars 2023[5], la Cour de cassation a fait droit à la demande des associations au motif que Twitter :
« ne saurait s’exonérer de son obligation d’exécution de l’arrêt au seul motif que le pourvoi porterait notamment sur la détermination du périmètre de l’obligation de communication et que l’exécution de la condamnation aurait pour conséquence de vider le pourvoi de sens, dès lors que, s’agissant des informations communiquées entrant sans contestation dans le périmètre de l’obligation légale, il peut être constaté leur insuffisance au regard des exigences de l’arrêt. »
Au terme d’un examen précis des pièces produites par Twitter au regard de la nature des documents et données que la société devait fournir en exécution de l’arrêt d’appel, la Cour de cassation a ainsi pu constater « l’insuffisance des informations communiquées » et, sans qu’il puisse « être valablement allégué par la société Twitter International Unlimited Company une atteinte à son droit d’accès au juge », radier l’affaire.
On devrait donc prochainement en apprendre beaucoup sur les moyens dédiés par Twitter pour la modération de sa plateforme.
[1] Cour d’appel de Paris, 20 janvier 2022, n° 21/14325.
[2] Tribunal judiciaire de Paris, 6 juillet 2021, N° 20/53181, ordonnance rendue sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile.
[3] Dénommée désormais Twitter International Unlimited Company.
[4] Article 1009-1 du Code de procédure civile :
« Hors les matières où le pourvoi empêche l’exécution de la décision attaquée, le premier président ou son délégué décide, à la demande du défendeur et après avoir recueilli l’avis du procureur général et les observations des parties, la radiation d’une affaire lorsque le demandeur ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée de pourvoi, à moins qu’il ne lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que le demandeur est dans l’impossibilité d’exécuter la décision. / La demande du défendeur doit, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, être présentée avant l’expiration des délais prescrits aux articles 982 et 991. / La demande de radiation interrompt les délais impartis au défendeur par les articles 982, 991 et 1010. /La décision de radiation n’emporte pas suspension des délais impartis au demandeur au pourvoi par les articles 978 et 989. / Elle interdit l’examen des pourvois principaux et incidents. »
[5] Cour de cassation, Première présidence (ordonnance), 23 mars 2023, n° 22-13.600, décision non publiée.