Brèves juridiques

Quand la liberté d’expression s’invite dans le contentieux de la protection fonctionnelle… mais n’y est pas la bienvenue

By 26 octobre 2022 No Comments

Un élu d’un conseil régional, par ailleurs président d’une mission d’information et d’évaluation dudit conseil, a été cité à comparaître pour des faits de diffamation envers la Présidente de cette collectivité territoriale.

L’élu a sollicité auprès de la Région concernée le bénéfice de la protection fonctionnelle ; protection qui lui a été refusée par une délibération de la commission permanente du Conseil régional.

Dans un arrêt du 14 octobre 2022 (CAA Paris, 14 octobre 2022, n°21PA01886), la Cour administrative d’appel a confirmé le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 12 février 2021 par lequel les juges de première instance ont rejeté le recours dirigé contre la délibération ayant refusé au requérant le bénéfice de la protection fonctionnelle.

Si la motivation des juges d’appel, fondée sur l’impossibilité pour un élu régional n’assurant pas de fonction exécutive de bénéficier de la protection prévue au titre de l’article L. 4135-28 du code général des collectivités territoriales, n’appelle pas d’observations particulières, la décision de la Cour administrative d’appel est intéressante en tant qu’elle rappelle que la légalité d’une décision de refus d’accorder la protection fonctionnelle ne saurait être appréciée au regard de la liberté d’expression des élus ou de la présomption d’innocence[1].

Plus précisément, alors que le requérant estime que « les poursuites exercées à son encontre par la Présidente de la Région (…) viseraient à bâillonner l’opposition », la Cour juge qu’est inopérant le moyen tiré d’une atteinte à liberté d’expression des élus ; laquelle est protégée par d’autres législations que celle relative à la protection fonctionnelle :

« En dernier lieu, M. B… ne peut utilement soutenir, dans le cadre du présent litige limité à la légalité de la décision contestée, que les poursuites exercées à son encontre par la présidente de la région (…) viseraient à bâillonner l’opposition et la liberté d’expression des élus, laquelle est protégée par d’autres législations. »

Nous avons vu, dans une news précédente, que certains juges, s’ils ne se reconnaissent pas le pouvoir d’apprécier le respect au droit à la vie privée ou celui de la liberté d’expression, peuvent rendre des décisions qui ont un effet juridique sur ces droits et libertés.

En l’espèce, au contraire, le contentieux objectif – selon l’expression de Léon DUGUIT – qu’est celui de l’excès de pouvoir ne laisse pas place au contrôle de droits et libertés dont l’appréciation du respect est, d’une part, sans rapport sur la légalité de l’acte déféré au juge administratif, d’autre part, relève d’autres législations et, partant, d’autres contentieux.

 

[1] La Cour administrative d’appel de Paris considère que « dès lors que la région (…) pouvait refuser à M. B… le bénéfice de la protection fonctionnelle pour le seul motif qu’il n’entrait pas dans le champ des bénéficiaires de cette protection, il ne peut utilement soutenir, d’une part, que la décision contestée porte atteinte à sa présomption d’innocence en ce qu’elle aurait retenu que ses propos seraient détachables de l’exercice de ses fonctions, d’autre part, que ces propos ne présenteraient pas de caractère diffamatoire et n’étaient pas détachables de l’exercice de ses fonctions. ».