Brèves juridiques

L’effacement de la mention des condamnations et décisions du bulletin n° 2 du casier judiciaire : quelques rappels utiles  

By 18 mai 2022 No Comments

L’inscription d’une condamnation pénale au bulletin n° 2 du casier judiciaire peut s’avérer extrêmement préjudiciable.

En effet, à titre d’exemples, la mention d’une condamnation audit bulletin n° 2 – lequel comprend la majeure partie des condamnations pour crimes et délits à l’exception des décisions[1] mentionnées à l’article 775 du code de procédure pénale, peut faire obstacle un recrutement à un emploi public ou à certains emplois privés, voire entraîner la perte de son emploi.

S’agissant de la fonction publique, l’article L. 321-1 du très récent code de la fonction publique dispose que :

« Sous réserve des dispositions des articles L. 321-2 et L. 321-3, nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire :

3° Le cas échéant, si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice des fonctions ; »

En ce qui concerne les emplois privés, nombreux sont les postes pour lequel le recrutement ou même l’exercice de l’activité est conditionné à une absence de mention de condamnations au bulletin B2 ou, plus exactement et le plus souvent, comme pour les emplois publics, à une absence d’incompatibilité desdites condamnations avec l’emploi auquel une personne prétend. Il en va ainsi, notamment, des professions dans le domaine de la sécurité[2] ou encore du transport de fonds et, plus généralement, des professions soumises à agrément.

De la même manière, le bulletin B2 est également délivré, pour l’accès à de nombreuses professions réglementées, sur le fondement de l’article R. 79 du code de procédure pénale :

« Outre les cas prévus aux 1°, 2° et 4° de l’article 776, le bulletin n° 2 du casier judiciaire est délivré :

10° Aux conseils de l’ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des pharmaciens saisis de demandes d’inscription au tableau ou de poursuites disciplinaires ;

11° Aux commissions d’inscription sur la liste de commissaires aux comptes ; (…) »

Dès lors, la question de l’effacement des condamnations au bulletin B2 peut s’avérer d’une importance cruciale et le bénéfice du droit à l’oubli déterminant ; ce d’autant plus que l’effacement du bulletin B2 entraine celui du bulletin B3 qui ne contient que les condamnations les plus graves et qui peut être demandé par un employeur[3].

Aussi, ce droit à l’oubli est-il automatique au bout d’une certaine période de temps ? Existe-t-il des procédures permettant d’obtenir l’effacement des condamnations de ce bulletin ?

La réponse à ces deux interrogations est positive ; toutefois, il convient d’ores et déjà de préciser que :

  • d’abord, les condamnations figurant à l’article 706-47[4] du code de procédure pénale ne peuvent être effacées ;
  • ensuite, il est possible de solliciter du tribunal qui va prononcer la condamnation, lors de l’audience, qu’elle soit exclue du bulletin n° 2 ; l’article 775-1 du code de procédure pénale qui prévoit la procédure d’effacement dispose également, en son premier alinéa, que :

« Le tribunal qui prononce une condamnation peut exclure expressément sa mention au bulletin n° 2 soit dans le jugement de condamnation, soit par jugement rendu postérieurement sur la requête du condamné instruite et jugée selon les règles de compétence et procédure fixées par les articles 702-1 et 703. Les juridictions compétentes sont alors composées conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article 702-1. »

Si le tribunal décide de ne pas d’exclure la mention de la condamnation au bulletin n° 2, pour les condamnations « effaçables », ce seront donc soit l’effet du temps, soit l’engagement d’une procédure juridictionnelle spécifique qui permettront la mise en œuvre de ce droit à l’oubli.

  1. L’effet du temps

Outre l’effacement automatique des condamnations pour lesquelles une amnistie[5] est intervenue, la réhabilitation d’une personne physique[6], qui n’a subi aucune condamnation nouvelle, est de plein droit à l’expiration d’un délai qui varie selon la nature de la peine prononcée et dont le point de départ diffère selon que la peine a ou non été exécutée. Si tel n’a pas été le cas, la réhabilitation ne pourra intervenir qu’au terme du délai de prescription[7].

L’article 133-13 du code pénal précise ainsi que :

« La réhabilitation est acquise de plein droit à la personne physique condamnée qui n’a, dans les délais ci-après déterminés, subi aucune condamnation nouvelle à une peine criminelle ou correctionnelle :

1° Pour la condamnation à l’amende ou à la peine de jours-amende après un délai de trois ans à compter du jour du paiement de l’amende ou du montant global des jours-amende, de l’expiration de la contrainte judiciaire ou du délai de l’incarcération prévue par l’article 131-25 ou de la prescription accomplie ;

2° Pour la condamnation unique soit à un emprisonnement n’excédant pas un an, soit à une peine autre que la réclusion criminelle, la détention criminelle, l’emprisonnement, l’amende ou le jour-amende, après un délai de cinq ans à compter soit de l’exécution de la peine, soit de la prescription accomplie ;

3° Pour la condamnation unique à un emprisonnement n’excédant pas dix ans ou pour les condamnations multiples à l’emprisonnement dont l’ensemble ne dépasse pas cinq ans, après un délai de dix ans à compter soit de l’expiration de la peine subie, soit de la prescription accomplie.

Les délais prévus au présent article sont doublés lorsque la personne a été condamnée pour des faits commis en état de récidive légale.

Lorsqu’il s’agit de condamnations assorties en tout ou partie du sursis, du sursis probatoire ou du sursis avec obligation d’accomplir un travail d’intérêt général, les délais de réhabilitation courent, pour chacune de ces condamnations et y compris en cas de condamnations multiples, à compter de la date à laquelle la condamnation est non avenue. »

Une demande écrite et motivée, adressée au Procureur de la République de son lieu actuel de résidence[8], est nécessaire pour que la réhabilitation judiciaire intervienne.

  1. La procédure d’effacement des mentions de condamnations au bulletin n° B2 du casier judiciaire

Cette procédure par voie de requête est définie à l’article 775-1 précité du code de procédure pénale et diffère quelque peu selon que la condamnation a été prononcée par une juridiction française ou une juridiction étrangère.

Aux termes de cet article, il ressort que :

« Le tribunal qui prononce une condamnation peut exclure expressément sa mention au bulletin n° 2 soit dans le jugement de condamnation, soit par jugement rendu postérieurement sur la requête du condamné instruite et jugée selon les règles de compétence et procédure fixées par les articles 702-1 et 703. Les juridictions compétentes sont alors composées conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article 702-1.

L’exclusion de la mention d’une condamnation au bulletin n° 2 emporte relèvement de toutes les interdictions, déchéances ou incapacités de quelque nature qu’elles soient résultant de cette condamnation.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux personnes condamnées pour l’une des infractions mentionnées à l’article 706-47.

Le présent article est également applicable aux jugements ou arrêts de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Si un ressortissant français a été condamné par une juridiction étrangère, il peut également, selon la même procédure, demander au tribunal correctionnel de son domicile, ou de Paris s’il réside à l’étranger, que la mention soit exclue du bulletin n° 2. »

🟢 Pour les peines prononcées par des juridictions françaises

Si la procédure est assez simple, ce sont les pièces produites à l’appui de la requête qui permettront d’emporter la conviction du juge.

🔹 Une demande par voie de requête au Procureur de la République

La demande d’effacement s’effectuera par la voie d’une requête motivée à l’attention du Procureur de la République près la juridiction ayant prononcé la condamnation. Dans l’hypothèse où la demande porterait sur des condamnations multiples, le cas échéant prononcées par plusieurs juridictions, le Procureur saisi sera celui de la dernière juridiction ayant condamné le demandeur.

En cas d’appel contre la décision de condamnation, ou si la condamnation a été prononcée par une cour d’appel, la demande doit être adressée au procureur général de ladite cour.

Pour une décision d’assises, ce sera à la chambre de l’instruction compétente pour le siège de la cour d’assises qu’il conviendra d’adresser la demande.

🔹 Le délai pour déposer la requête

Il n’est pas possible de demander l’effacement du bulletin n° B2 immédiatement après le prononcé de la condamnation par la juridiction. En effet, la requête ne peut être déposée qu’à l’expiration d’un délai de 6 mois[9] après que la condamnation est devenue définitive ; c’est-à-dire une fois que le délai pour exercer les voies de recours est épuisé, soit 10 jours pour le délai d’appel.

🟢 Pour les peines prononcées par des juridictions étrangères

L’inscription d’une condamnation prononcée par une juridiction étrangère peut être inscrite sur le bulletin B2 selon qu’un accord existe ou non avec l’Etat étranger en cause.

Si tel est le cas, la procédure est similaire à celle décrite pour les juridictions françaises ; une demande écrite et motivée devra être transmise au tribunal judiciaire du lieu de domicile du requérant ou, en cas de résidence à l’étranger, au tribunal judiciaire de Paris.

La principale différence concerne les délais à partir desquels la réhabilitation peut être sollicitée et intervenir. Ces délais sont définis à l’article 133-16-1 du code pénal :

« Si la personne a été condamnée par une juridiction pénale d’un Etat membre de l’Union européenne à une des peines suivantes, la réhabilitation n’est susceptible de produire ses effets sur les condamnations françaises antérieures qu’à l’issue des délais ci-après déterminés :

 1° Lorsque la peine prononcée est une sanction pécuniaire, qu’à partir de l’effacement de cette condamnation ou de l’écoulement d’un délai de trois ans à compter de son prononcé ;

2° Lorsque la peine prononcée est une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an, qu’à partir de l’effacement de cette condamnation ou de l’écoulement d’un délai de dix ans à compter de son prononcé ;

3° Lorsque la peine prononcée est une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à dix ans, qu’à partir de l’effacement de cette condamnation ou de l’écoulement d’un délai de quarante ans à compter de son prononcé ;

4° Lorsque la personne a été condamnée à une peine autre que celles définies aux 1° à 3°, qu’à partir de l’effacement de cette condamnation ou de l’écoulement d’un délai de cinq ans à compter de son prononcé. »

 

Céline ASTOLFE                                                                         Sébastien du PUY-MONTBRUN

Avocat associé                                                                             Avocat

 

[1] A la différence du bulletin n° 1 qui regroupe l’intégralité des composantes du casier judiciaire, le bulletin n° 2 ne comprend que les condamnations pour crimes et délits en dehors des décisions énumérées à l’article 775 du code de procédure pénale ; lequel dispose que :

« Le bulletin n° 2 est le relevé des fiches du casier judiciaire applicables à la même personne, à l’exclusion de celles concernant les décisions suivantes :

1° Les condamnations, les déclarations de culpabilité assorties d’une dispense de peine ou d’une dispense de mesure éducative ou d’une déclaration de réussite éducative, les compositions pénales et les mesures éducatives prononcées au stade de la sanction à l’égard d’un mineur ;

2° Les condamnations dont la mention au bulletin n° 2 a été expressément exclue en application de l’article 775-1 ;

3° Les condamnations prononcées pour contraventions de police ;

4° Les condamnations assorties du bénéfice du sursis, avec ou sans probation, lorsqu’elles doivent être considérées comme non avenues ; toutefois, si a été prononcé le suivi socio-judiciaire prévu par l’article 131-36-1 du code pénal ou la peine d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, la décision continue de figurer au bulletin n° 2 pendant la durée de la mesure. Il en va de même des interdictions, incapacités ou déchéances prononcées, comme peine complémentaire, à titre définitif ainsi que de la peine complémentaire d’inéligibilité prévue au 2° de l’article 131-26 et aux articles 131-26-1 et 131-26-2 du même code, pendant la durée de la mesure ;

5° Les condamnations ayant fait l’objet d’une réhabilitation de plein droit ou judiciaire ;

6° Les condamnations auxquelles sont applicables les dispositions de l’article L. 263-4 du code de justice militaire ;

7° et 8° (Abrogés) ;

9° Les dispositions prononçant la déchéance de l’autorité parentale ;

10° Les arrêtés d’expulsion abrogés ou rapportés ;

11° Les condamnations prononcées sans sursis en application des articles 131-5 à 131-11 du code pénal, à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter du jour où elles sont devenues définitives. Le délai est de trois ans s’il s’agit d’une condamnation à une peine de jours-amende.

Toutefois, si la durée de l’interdiction, déchéance ou incapacité, prononcée en application des articles 131-10 et 131-11, est supérieure à cinq ans, la condamnation demeure mentionnée au bulletin n° 2 pendant la même durée ;

12° Les déclarations de culpabilité assorties d’une dispense de peine ou d’un ajournement du prononcé de celle-ci ;

13° Les condamnations prononcées par des juridictions étrangères concernant un mineur ou dont l’utilisation à des fins autres qu’une procédure pénale a été expressément exclue par la juridiction de condamnation ;

14° Les compositions pénales mentionnées à l’article 768 ;

15° Sauf décision contraire du juge, spécialement motivée, les condamnations prononcées pour les délits prévus au titre IV du livre IV du code de commerce ;

16° Les amendes forfaitaires mentionnées au 11° de l’article 768 du présent code. /

Les bulletins n° 2 fournis en cas de contestation concernant l’inscription sur les listes électorales, ne comprennent que les décisions entraînant des incapacités en matière d’exercice du droit de vote. /

Lorsqu’il n’existe pas au casier judiciaire de fiches concernant des décisions à relever sur le bulletin n° 2, celui-ci porte la mention  » Néant « . »

[2] Article L. 611-1 et L. 612-7 du code de la sécurité intérieure.

[3] Sur ce point, la CNIL a précisé que « l’employeur ne peut pas en conserver une copie ni permettre que ces données fassent l’objet d’un traitement spécifique ». Voir : https://www.cnil.fr/fr/cnil-direct/question/extrait-de-casier-judiciaire-lemployeur-peut-il-le-demander-et-le-conserver

[4] « Le présent titre est applicable aux procédures concernant les infractions suivantes :

1° Crimes de meurtre ou d’assassinat prévus aux articles 221-1 à 221-4 du code pénal, lorsqu’ils sont commis sur un mineur ou lorsqu’ils sont commis en état de récidive légale ;

2° Crimes de tortures ou d’actes de barbarie prévus aux articles 222-1 à 222-6 du même code et crimes de violences sur un mineur de quinze ans ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente prévus à l’article 222-10 dudit code ;

3° Crimes de viol prévus aux articles 222-23 à 222-26 du même code et délit prévu à l’article 222-26-1 du même code ;

4° Délits d’agressions sexuelles prévus aux articles 222-27 à 222-33 du même code ;

5° Délits et crimes de traite des êtres humains à l’égard d’un mineur prévus aux articles 225-4-1 à 225-4-4 du même code ;

6° Délit et crime de proxénétisme à l’égard d’un mineur prévus au 1° de l’article 225-7 et à l’article 225-7-1 du même code ;

7° Délits de recours à la prostitution prévus aux articles 225-12-1 et 225-12-2 du même code ;

8° Délit de corruption de mineur prévu à l’article 227-22 du même code ;

9° Délit de proposition sexuelle faite par un majeur à un mineur de quinze ans ou à une personne se présentant comme telle en utilisant un moyen de communication électronique, prévu à l’article 227-22-1 du même code ;

10° Délits de captation, d’enregistrement, de transmission, d’offre, de mise à disposition, de diffusion, d’importation ou d’exportation, d’acquisition ou de détention d’image ou de représentation pornographique d’un mineur ainsi que le délit de consultation habituelle ou en contrepartie d’un paiement d’un service de communication au public en ligne mettant à disposition une telle image ou représentation, prévus à l’article 227-23 du même code ;

11° Délits de fabrication, de transport, de diffusion ou de commerce de message violent ou pornographique susceptible d’être vu ou perçu par un mineur, prévus à l’article 227-24 du même code ;

12° Délit d’incitation d’un mineur à se soumettre à une mutilation sexuelle ou à commettre cette mutilation, prévu à l’article 227-24-1 du même code ;

13° Délits d’atteintes sexuelles et de tentatives d’atteinte sexuelle prévus aux articles 227-25 à 227-27-2 du même code ;

14° Délit d’incitation à commettre un crime ou un délit à l’encontre d’un mineur, prévu à l’article 227-28-3 du même code ;

15° Délits prévus au premier alinéa de l’article 521-1-1 du même code. »

[5] Article 133-9 du code pénal : « L’amnistie efface les condamnations prononcées. Elle entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à restitution, la remise de toutes les peines. Elle rétablit l’auteur ou le complice de l’infraction dans le bénéfice du sursis qui avait pu lui être accordé lors d’une condamnation antérieure. »

[6] L’article 133-14 du code pénal est le pendant de l’article 133-13 pour les personnes morales.

[7] Soit trois ans pour les contraventions, 6 ans pour les délits et 20 ans pour les crimes.

[8] Ou de son dernier lieu de résidence si le demandeur habite à l’étranger, voire du lieu de la condamnation.

[9] Article 702-1 du code de procédure pénale.