Brèves juridiques

La proposition de loi visant à renforcer la réponse pénale contre les infractions à caractère raciste, antisémite et discriminatoire adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale

By 13 mars 2024 No Comments

Face à la recrudescence des propos et discours à caractère haineux, les députés Mathieu LEFÈVRE et Caroline YADAN ont déposé une proposition de loi à l’Assemblée nationale le 12 octobre 2023.

Ce mercredi 6 mars 2024, les députés ont adopté en première lecture cette proposition de loi visant à renforcer la réponse pénale contre les infractions à caractère raciste, antisémite ou discriminatoire.

Les mesures à retenir, dont certaines ont été ajoutées par voie d’amendement, sont les suivantes :

  • en premier lieu, le texte propose à son article 1er de modifier l’article 465 du Code de procédure pénale avec l’extension de la possibilité pour le tribunal de « décerner mandat de dépôt ou d’arrêt contre le prévenu»  pour le « délit mentionné aux articles 24 et 24 bis, aux deuxième et troisième alinéas de l’article 32 et aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ».

Concrètement, cette modification de l’article 465 du Code de procédure pénale doit permettre à un tribunal correctionnel de délivrer un mandat de dépôt ou d’arrêt pour certains délits de presse tels que :

    • l’apologie de crimes contre l’humanité, celle de crimes de guerre ou du négationnisme, d’une part, la provocation « à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée », d’autre part (articles 24 et 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) ;

 

    • la diffamation « envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée» et celle « envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap » (article 32 de la loi précitée sur la liberté de la presse).

 

  • en deuxième lieu, afin de sanctionner plus sévèrement des propos tenus au sein d’une communauté d’intérêts, la provocation, la diffamation et l’injure non publiques à caractère raciste ou discriminatoire deviennent des délits dont leurs auteurs encourent une peine d’amende de 3.750 euros avec une circonstance aggravante si l’auteur desdits propos est une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public (un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende)[1].

 

  • en troisième lieu, deux nouveaux délits sont créés :

 

    • celui d’apologie « non publique des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi», délit puni d’une peine d’un an de prison et d’une amende de 45.000 euros (peines portées à 3 années et à une amende de 75.000 euros lorsque les faits sont commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public)[2] ;

 

    • celui de contestation non publique d’un crime contre l’humanité ou de négation, minoration ou banalisation de crimes tels que la réduction en esclavage (3.750 euros d’amende, laquelle est portée à 15.000 euros si l’auteur du délit est une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public)[3].

Le texte adopté par les députés renforce ainsi sensiblement l’arsenal répressif contre les propos et discours à caractère haineux.

La proposition de loi est désormais entre les mains des sénateurs et nous ne manquerons d’étudier les éventuels apports ou modifications au texte issu de l’Assemblée nationale.

[1] La proposition de loi adoptée modifie le chapitre V du Livre II du Code pénal avec l’insertion d’une section 3 ter « Des provocations, diffamations et injures non publiques présentant un caractère raciste et discriminatoire » contenant de nouveaux articles dont les articles 225-16-4, 225-16-5 et 225-16-6. L’article 225-21 tel qu’issu de la proposition de loi prévoit également des peines complémentaires (interdiction de détention ou de port d’armes, confiscation d’armes, travail d’intérêt général ou encore stage de citoyenneté.

[2] Nouvel article 225-16-8 inséré dans une section 3 quater du Code pénal intitulé « De l’apologie ou de la contestation non publique de crimes contre l’humanité ».

[3] Nouvel article 226-16-9 du Code pénal.