L’article 6.I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique définit les conditions dans lesquelles l’hébergeur d’un site internet est susceptible de voir sa responsabilité civile engagée :
« Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère manifestement illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.
L’alinéa précédent ne s’applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l’autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa. »
L’arrêt rendu par la Chambre civile de la Cour de cassation le 23 novembre 2022[1] permet de rappeler qu’est illicite, notamment, le contenu d’un site internet étranger qui propose à des clients français des prestations qui sont interdites sur le territoire national et pénalement sanctionnées.
En l’espèce, un site espagnol hébergé sur les serveurs d’une société française proposait de mettre en relation (activité d’entremise) des clients français avec des mères-porteuses.
Alors que la gestion pour autrui (GPA) est prohibée tant par l’article 227-12 du Code pénal que par l’article 16-7 du Code civil, l’hébergeur soulevait à l’appui de son pourvoi que le contenu du site internet n’était pas manifestement illicite et était insusceptible de créer un dommage sur le territoire national, dès lors que, d’une part, la GPA « fait l’objet de débats et d’opinions juridiques très différentes selon les pays », d’autre part, ledit « site internet créé et développé en Espagne où la gestation pour autrui est licite, par une société de droit espagnol qui ne propose des prestations d’accompagnement à la gestation pour autrui que dans les pays où la maternité de substitution est légale, de sorte que quand bien même le contenu de ce site serait accessible au public français, aucune activité interdite par le droit français n’est effectivement exercée en France ».
Tel n’est pas l’avis de la Chambre civile de la Cour de cassation qui estime que le public français était incontestablement ciblé par le site internet ; lequel proposait ainsi une prestation illicite sur le territoire national :
« 8. Ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que les informations contenues sur le site internet de la société espagnole étaient accessibles en français, que la société X y affirmait travailler avec des clients de quatre pays dont la France et que le public français était la cible du site, la cour d’appel en a exactement déduit que le site internet litigieux était manifestement illicite en ce qu’il contrevenait explicitement aux dispositions, dépourvues d’ambiguïté, du droit français prohibant la GPA et qu’il avait vocation à permettre à des ressortissants français d’avoir accès à une pratique illicite en France.
9. Elle a ainsi caractérisé l’existence d’un dommage subi par l’association sur le territoire français au regard de la loi s’y appliquant et justement retenu que la société Y [l’hébergeur], qui n’avait pas promptement réagi pour rendre inaccessible en France le site litigieux, avait manqué aux obligations prévues à l’article 6. I. 2, de la loi du 21 juin 2004.»
Aussi, peu importe qu’une activité ou une prestation soit licite sur un territoire étranger, dès lors que le contenu proposé est accessible au public français (traduit en français), l’illicéité de ladite activité ou prestation sur le territoire national suppose que l’hébergeur alerté agisse promptement pour retirer les données litigieuses ou en rendre l’accès impossible.
A défaut, sa responsabilité civile est susceptible d’être engagée.
[1] Cass. Civ. 1ère, 23 novembre 2022, n° 21-10.220.