Brèves juridiques

Diffamation publique envers un particulier : incompétence de la chambre de l’instruction pour se prononcer sur l’absence d’identification de la personne visée par les propos incriminés

By 11 janvier 2023 No Comments

En matière de diffamation envers un particulier, outre l’appréciation du caractère diffamatoire des propos incriminés, la caractérisation de l’infraction dépend également de la possibilité d’identifier clairement la personne visée.

Dans un arrêt du 13 décembre 2022[1], la Chambre criminelle de la Cour de cassation est venue rappeler qui, de la chambre de l’instruction ou des juges du fond, est compétent pour se prononcer sur l’identification de la victime.

Dans l’affaire objet du pourvoi, une plainte avec constitution de partie civile avait été déposée par une personne qui estimait être visée par des propos diffamatoires figurant dans un livre.

N’étant pas cité nommément, le plaignant considérait pourtant que les informations et détails donnés dans le livre permettaient de l’identifier.

Le juge d’instruction auquel l’affaire avait été confiée a toutefois rendu une ordonnance de non-lieu au motif que « l’information judiciaire n’a pas permis de qualifier les termes employés comme relevant de la diffamation envers un particulier, la personne visée dans l’extrait ne pouvant être identifiée. ».

Sur appel de l’ordonnance de non-lieu par la partie civile, un supplément d’information a été ordonné par la chambre de l’instruction aux fins de « de procéder à l’interrogatoire de première comparution de M. [E] et d’envisager sa mise en examen du chef de diffamation publique » ; ce qui a abouti à la mise en examen de ce dernier et à un arrêt de dépôt.

Dans une motivation succincte mais claire, la Chambre criminelle[2] précise qu’une chambre de l’instruction ne dispose pas du pouvoir de se prononcer sur l’identification de la victime ; question qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond :

« C’est à tort que la chambre de l’instruction, saisie, sur le seul appel de la partie civile, d’une ordonnance de non-lieu fondée sur l’absence d’identification de la personne visée par les propos diffamatoires, s’est prononcée sur cette question pour infirmer l’ordonnance de non-lieu, alors que les éléments relatifs à l’identification de la victime relèvent du débat contradictoire et que, soumis à l’appréciation souveraine des juges du fond, ils échappent à la compétence de la juridiction d’instruction. »

Une occasion de rappeler le périmètre restreint de l’office de la juridiction d’instruction en matière de presse.

 

 

[1] Cass. Crim., 13 décembre 2022, n° 22-85.880.

[2] On notera, cependant, que l’arrêt par lequel la chambre de l’instruction a infirmé l’ordonnance de non-lieu n’est pas censuré au motif que le moyen soulevé au soutien du pourvoi est irrecevable :

« Cependant, l’arrêt n’encourt pas la censure, dès lors que le moyen, qui se borne à critiquer les énonciations de l’arrêt, relatives à l’identification de la personne visée par les propos diffamatoires, ne comportant aucune disposition que le tribunal saisi de la poursuite n’aurait pas le pouvoir de modifier, est irrecevable en application de l’article 574 du code de procédure pénale. ». L’article 574 du code de procédure pénale dispose que : « L’arrêt de la chambre de l’instruction portant renvoi du prévenu devant le tribunal correctionnel ou de police ne peut être attaqué devant la Cour de cassation que lorsqu’il statue, d’office ou sur déclinatoire des parties, sur la compétence ou qu’il présente des dispositions définitives que le tribunal, saisi de la prévention, n’a pas le pouvoir de modifier. ».