Brèves juridiques

Diffamation envers un fonctionnaire public : L’existence d’ « éléments de conviction » fait obstacle au prononcé de mesures par le juge des référés, juge de l’évidence

By 28 septembre 2022 No Comments

Le juge des référés du Tribunal judiciaire de Paris a rendu une ordonnance[1] très intéressante, dont la solution mériterait toutefois d’être débattue, qui constitue un rappel utile des limites des pouvoirs dudit juge en matière de diffamation publique.

Dans cette affaire, le juge des référés a été amené à se prononcer sur le caractère diffamatoire de propos tenus à l’encontre de Monsieur Martin HIRSCH, alors Directeur général de l’AP-HP, par Monsieur Juan BRANCO, dans une émission diffusée sur Youtube et également accessible sur Facebook.

Si nous éviterons de reproduire l’intégralité des propos considérés, par le demandeur, comme constitutifs du délit de diffamation à l’encontre d’un fonctionnaire public, il convient de souligner que :

alors que le juge des référés reconnait le caractère diffamatoire des propos,

s’il estime que le ou leurs auteurs font valoir leur bonne foi et établissent, dès lors, l’existence d’ « éléments de conviction susceptibles d’être utilement discutés devant le juge du fond de la diffamation. En l’état, rien ne permet d’exclure a priori, avec l’évidence exigée en matière de référé, les défendeurs du bénéfice du fait justificatif tiré de l’excuse de bonne foi. Dès lors, le trouble allégué ne revêt pas le caractère manifestement illicite autorisant le juge des référés à prononcer les mesures sollicitées, ni toute autre mesure moins grave, mais restrictive cependant de la liberté d’expression./ Pour les mêmes raisons, l’obligation de réparer le préjudice invoqué par le demandeur n’est pas évidente, et se heurte à une contestation sérieuse, faisant obstacle à l’octroi d’une provision dans les conditions prévues à l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile. »

La motivation retenue démontre toute la difficulté d’agir en référé en matière de diffamation. En effet, quelle que soit la virulence des propos, le seul fait qu’ils soient étayés, notamment par la production de pièces, susceptibles d’établir, a priori, une conviction personnelle de leur auteur nécessitant d’être débattue devant le juge du fond prive, ainsi, le juge des référés, juge de l’évidence, de la possibilité d’ordonner les mesures sollicitées par le demandeur.

Cette solution implique cependant que le juge des référés se penche, même a minima, sur des éléments de fond.

 

[1] TJ Paris, ord. référé, 22 avril 2022, Martin H. c/ Eric M. et autres.