Brèves juridiques

Suspension de la prescription en matière d’infraction de presse par une note d’audience : une signature vous manque… et tout est dépeuplé !

By 3 octobre 2024 No Comments

Cass. Crim., 24 septembre 2024, n° 23-84.300

Dans un arrêt du 24 septembre 2024, la Cour de cassation confirme la décision d’appel ayant constaté la prescription tant de l’action publique que civile au motif que le cours de la prescription n’a pu être suspendu par une note d’audience jugée irrégulière.

Le 7 mai 2021, M. U avait fait cité M. EJ pour des faits de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un service public, à raison de propos tenus dans un courriel du 10 février 2021 puis publiés sur un blog le 4 avril 2021.

L’audience était renvoyée par un jugement du 10 mars 2022 à une audience du 9 juin de la même année, puis au 8 septembre 2022 et au 3 novembre 2022.

Le 3 novembre 2022, le Tribunal judiciaire relaxait M. EJ pour le courrier adressé le 10 février 2021 mais le déclarait coupable du délit de diffamation publique pour la publication du 4 avril 2021.

M.EJ interjetait appel de cette décision, M.U et le Ministère public interjetaient appel incident.

Le 5 juillet 2023, la Cour d’appel de Poitiers jugeait que la prescription de l’action publique était acquise, et déclarait M.U irrecevable en ses demandes.

Pour constater l’extinction de l’action publique, la Cour d’appel retenait que la note d’audience du 9 juin 2022 était irrégulière, car non signée par le Président, et n’avait donc pu suspendre le cours de la prescription :

« 9. Pour constater l’extinction de l’action publique et de l’action civile par la prescription et déclarer la partie civile irrecevable en ses demandes, l’arrêt attaqué énonce que, par jugement en date du 10 mars 2022, signifié le 3 mai suivant, le tribunal a ordonné un sursis à statuer, suspendant la prescription, dans l’attente d’un arrêt d’appel à intervenir dans une autre procédure, et a ordonné le renvoi à l’audience du 9 juin suivant.

  1. Les juges indiquent que l’arrêt de la cour d’appel ayant motivé le sursis à statuer est intervenu le 7 avril 2022 et qu’à l’audience du 9 juin suivant le tribunal a ordonné un nouveau renvoi à l’audience du 8 septembre 2022.
  1. Ils précisent que le renvoi contradictoire a été mentionné sur la note d’audience, sans être suivi d’un jugement ni d’une citation à comparaître et que la note d’audience n’est pas signée par le président.
  1. Ils en concluent que ladite note d’audience est irrégulière et n’a pu suspendre le cours de la prescription qui était acquise entre le 3 mai 2022, date de signification du jugement du 10 mars 2022, et le jugement rendu le 8 septembre suivant. »

Dit autrement, à défaut d’une note d’audience régulière, la prescription était acquise entre le 3 mai 2022 et le jugement du 8 septembre 2022, dès lors que pendant ces quatre mois, aucun acte valide susceptible d’interrompre la prescription n’avait été réalisé.

M. U. formait un pourvoi en cassation contre cette décision de la Cour d’appel de Poitiers.

Le demandeur soutenait que le renvoi ordonné le 9 juin 2022 était contradictoire et interrompait valablement la prescription :

« qu’il ressort de la procédure, et notamment des constatations du jugement du 8 septembre 2022 mentionnant qu’« A l’audience du 9 juin 2022, à laquelle [J] [E] était comparant et [U] [D] était régulièrement représenté, l’affaire a été renvoyée à l’audience du 8 septembre devant la chambre correctionnelle du tribunal correctionnel de La Rochelle » et des notes d’audience du 8 septembre 2022, visées par le greffier et signées par le président, constatant que le prévenu a été convoqué par « renvoi contradictoire du 09/06/2022 », que le caractère contradictoire du renvoi ordonné le 9 juin 2022 est incontestable et qu’il n’a été contesté par le prévenu ni en première instance ni en appel, la cour d’appel a violé l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881. »

La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme la décision de la Cour d’appel tout en rappelant les conditions selon lesquelles les notes d’audience sont susceptibles d’interrompre la prescription.

Ainsi, pour que le renvoi mentionné sur les notes d’audience soit interruptif de prescription, il faut que ces notes soient signées par le greffier, qu’elles soient visées par le président de la formation de jugement et que je jugement soit contradictoire à l’égard du prévenu et de la partie civile :

« 13. En prononçant ainsi, et dès lors que, d’une part, à défaut d’une décision de renvoi formalisée par un jugement ou un arrêt, un tel renvoi mentionné sur les notes d’audience n’interrompt la prescription que lorsque ces notes sont signées par le greffier et visées par le président de la formation de jugement et qu’il est intervenu contradictoirement à l’égard du prévenu et de la partie civile, »

La chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle, comme elle l’a déjà fait à de nombreuses reprises, que c’est à la partie civile qu’incombe la responsabilité de surveiller la procédure et de veiller à ce que la prescription soit correctement et régulièrement interrompue :

« d’autre part, celle-ci, à qui incombe l’obligation de surveiller la procédure, pouvait délivrer une nouvelle citation devant la juridiction de jugement avant l’expiration du délai de prescription, la cour d’appel a fait l’exacte application du texte visé au moyen. »

Et que lorsque la prescription n’est pas correctement interrompue, la partie civile a toujours la possibilité de délivrer une nouvelle citation devant la juridiction de jugement.

Cette décision peut paraître sévère à l’égard des parties civiles, à qui il est demandé de faire preuve de vigilance à toutes les étapes de la procédure pour éviter la prescription de l’action publique, mais elle s’inscrit dans une jurisprudence désormais bien établie de la Haute juridiction judiciaire.