Sommée par la Commission européenne[1] de transposer en droit interne une directive du 22 octobre 2013[2], la France a adopté une réforme[3] de la garde à vue entrée en vigueur le 1er juillet 2024 aux termes de laquelle le droit à un avocat est sensiblement renforcé.
- la réforme du droit à un avocat en garde à vue
- présence obligatoire de l’avocat pour l’audition de garde à vue
En application de l’article 63-4-2 du Code de procédure pénale, la personne gardée à vue peut demander que l’avocat assiste à ses auditions et confrontations.
Depuis le 1er juillet 2024, la France s’est alignée sur les standards européens du droit à l’avocat en garde à vue en mettant fin au délai de carence de deux heures qui permettait d’auditionner la personne gardée à vue sans la présence de son avocat une fois ce délai expiré.
Avant le 1er juillet 2024, la présence de l’avocat à l’audition était, en effet, conditionnée à son arrivée aux locaux de police avant l’expiration d’un délai deux heures à compter de l’avis :
« La personne gardée à vue peut demander que l’avocat assiste à ses auditions et confrontations. Dans ce cas, la première audition, sauf si elle porte uniquement sur les éléments d’identité, ne peut débuter sans la présence de l’avocat choisi ou commis d’office avant l’expiration d’un délai de deux heures suivant l’avis adressé dans les conditions prévues à l’article 63-3-1 de la demande formulée par la personne gardée à vue d’être assistée par un avocat. Au cours des auditions ou confrontations, l’avocat peut prendre des notes ».
Dorénavant, en principe, seule la renonciation expresse de la personne gardée à vue d’être assistée d’un avocat durant son audition peut justifier l’absence de ce dernier :
« La personne gardée à vue peut demander que l’avocat assiste à ses auditions et confrontations. Dans ce cas, elle ne peut être entendue sur les faits sans la présence de l’avocat choisi ou commis d’office, sauf renonciation expresse de sa part mentionnée au procès-verbal. Au cours des auditions ou confrontations, l’avocat peut prendre des notes ».
En résumé, plus aucune audition ne peut débuter sans la présence de l’avocat.
Pour ce faire, le quatrième alinéa de l’article 63-3-1 du Code de procédure pénale dispose désormais que :
« Si l’avocat désigné dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas du présent article ne peut être contacté ou déclare ne pas pouvoir se présenter dans un délai de deux heures à compter de l’avis qui lui a été adressé ou si la personne gardée à vue a demandé à être assistée par un avocat commis d’office, l’officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, l’agent de police judiciaire ou l’assistant d’enquête saisit sans délai et par tous moyens le bâtonnier aux fins de désignation d’un avocat commis d’office. Il en informe la personne gardée à vue ».
Désormais, lorsque l’avocat désigné ne peut être contacté ou ne peut se présenter dans un délai de deux heures, l’officier de police judiciaire doit saisir « sans délai et par tous moyens » le bâtonnier aux fins de désignation d’un avocat commis d’office.
Cette réforme renforce sensiblement le droit de la défense des personnes gardées à vues.
- exceptions à la présence obligatoire de l’avocat pour l’audition de garde à vue
En plus des exceptions préexistantes, un nouvel article 63-4-2-1 du Code de procédure pénale a été rédigé de telle sorte que l’audition de la personne gardée puisse commencer immédiatement si des circonstances précises et particulières le justifient.
C’est ainsi que « Le procureur de la République peut, à la demande de l’officier de police judiciaire et sur décision écrite et motivée, décider de faire procéder immédiatement à l’audition de la personne gardée à vue ou à des confrontations si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable soit pour éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale, soit pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne ».
- les autres changements apportés par cette réforme
- la possibilité de prévenir toute personne que le gardé à vue désigne
Avant la réforme d’avril 2024, la personne gardée à vue pouvait demander de faire prévenir la personne avec laquelle elle vivait habituellement, l’un de ses parents ou l’un de ses frères et sœurs, ou encore son employeur.
Désormais, il est toujours possible de demander à prévenir les personnes précitées mais également « toute autre personne qu’elle désigne » selon l’article 63-2 du Code de procédure pénale. Il s’agit d’un élargissement significatif qui bénéficie à la personne gardée à vue.
- la demande d’examen médical par un tiers
Enfin, la personne ayant été désignée comme celle à prévenir par le gardé à vue peut demander un examen médical pour ce dernier.
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Le nouveau régime de la garde à vue vient renforcer les droits de la personne gardée à vue et plus particulièrement celui de bénéficier de l’assistance d’un avocat dont la présence est désormais, sauf exception, nécessaire pour que son audition puisse débuter.
S’il est encore trop tôt pour en dresser le bilan, cette réforme a suscité de vives et opposées réactions des syndicats de police et de magistrats. L’avocat, quant à lui, ne peut que se satisfaire du renforcement de son rôle comme acteur essentiel des droits de la défense.
[1] Avis motivé du 28 septembre 2023.
[2] Directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires
[3] Loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole.