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Action fondée sur une atteinte à la présomption d’innocence par voie de presse : attention au respect de la prescription trimestrielle prévue par la loi du 29 juillet 1881

By 4 septembre 2024 No Comments

Tribunal judiciaire, Paris, 26 juin 2024, n° RG 23/12292

Dans cette décision du 26 juin 2024, la 17ème chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Paris rappelle que l’action fondée sur une atteinte à la présomption d’innocence est soumise à la prescription trimestrielle prévue par l’article 65-1 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881[1], et ce pendant toute la durée de la procédure.

T. G. avait assigné Le Parisien, son directeur de publication et l’un de ses journalistes en justice, affirmant que des propos contenus dans un article publié en mars 2023 portaient atteinte à sa présomption d’innocence.

Il réclamait 100.000 euros de dommages et intérêts, ainsi que la publication d’un communiqué rectificatif sur le fondement des articles 9-1 et 1240 du Code civil.

Les défendeurs soulevaient la prescription de l’action. Selon eux, l’article litigieux relevant de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la prescription trimestrielle s’appliquait et celle-ci n’avait pas été correctement interrompue. Ils demandaient en conséquence que l’action soit déclarée irrecevable.

Dans cette affaire, l’article incriminé avait été publié le 14 mars 2023, et l’assignation signifiée le 14 juin 2023, soit dans le délai de trois mois imposé par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Toutefois, la copie de l’assignation n’avait été remise au greffe que le 27 septembre 2023, soit après l’expiration du délai de trois mois suivant le dernier acte du 14 juin 2024. Or, entre le 14 juin 2023 et le 27 septembre 2023, le demandeur n’avait pas renouvelé son intention de poursuivre l’instance.

Le Tribunal judiciaire de Paris rappelle ainsi le principe selon lequel l’action en atteinte à la présomption d’innocence fondée sur l’article 9-1 du Code civil est soumise au régime de prescription trimestrielle de l’article 65-1 de la loi du 29 juillet 1881, et impose au demandeur de saisir le tribunal dans les trois mois de la publication litigieuse, mais également de manifester tous les trois mois son intention de poursuivre l’instance :

« Selon l’article 65-1 de la loi du 29 juillet 1881, les actions fondées sur une atteinte au respect de la présomption d’innocence commise par l’un des moyens visés à l’article 23 se prescrivent après trois mois révolus à compter du jour de l’acte de publicité. Ainsi, l’action en défense de la présomption d’innocence fondée sur l’article 9-1 du code civil est soumise au régime de prescription trimestrielle prévu par l’article 65-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et impose au demandeur non seulement d’agir dans les trois mois de la publication litigieuse mais encore de manifester tous les trois mois à son adversaire son intention de poursuivre l’instance. »

Le Tribunal constatant que la remise au greffe de la copie de l’assignation a été réalisée plus de trois mois après la signification de l’acte introductif d’instance, il estime qu’aucun acte n’a interrompu le délai de prescription trimestriel qui était par conséquent acquis dès le 14 septembre 2023 :

« Dès lors, le demandeur n’ayant accompli aucune diligence de nature à manifester son intention de poursuivre l’instance avant le 27 septembre 2023, aucun acte n’a pu interrompre le délai de prescription de trois mois à compter de l’acte introduction d’instance, la prescription ayant été acquise dès le 14 septembre 2023. »

Aussi, les juges de la 17ème chambre du Tribunal correctionnel de Paris déclarent l’action intentée par le demandeur irrecevable.

Cette décision illustre la rigueur des délais procéduraux en matière de protection de la présomption d’innocence. La 17ème chambre du Tribunal correctionnel de Paris rappelle l’importance pour les demandeurs de suivre scrupuleusement l’interruption de la prescription pour éviter une irrecevabilité de leur action.

La prescription trimestrielle doit être interrompue non seulement par l’acte introductif d’instance, mais également tout le long de la procédure par le demandeur qui doit assurer un suivi rigoureux de la prescription.

Cette rigueur procédurale est sévère mais permet d’assurer un équilibre entre la liberté d’expression des médias et la protection des individus.

 

[1] Article 65-1 de la loi du 29 juillet 1881 :

« Les actions fondées sur une atteinte au respect de la présomption d’innocence commise par l’un des moyens visés à l’article 23 se prescriront après trois mois révolus à compter du jour de l’acte de publicité. »